Ici !
Côté nord l’herbe se morfond
Dans le gel.
Suffit pas de se pencher à la fenêtre
Pour tomber.
Écartement des rideaux sur la façade
Percée d’un seul trou : lueur de lampe.
« Si vous avez quelque chose à dire,
Dites-le.
» Mais nous ne parlons pas la même
Langue.
Ce goût pour les mythes anciens.
La cuisse nue d’une déesse toujours.
Passant sous l’arche des pommiers
Les mains dans les poches et l’air
De ne pas habiter ici comme les
Autres. Plus loin on bine ou la terre
Se laisse regarder. Au sud la lumière
Efface les ombres une à une au passage
. « Vous ne reviendrez pas, n’est-ce pas ?
Vous vous êtes tellement ennuyé… Pas
Seul mais l’ennui est arrivé après vous.
Vous ne reviendrez pas cette fois » .
Non. Pas cette fois. Ici. Avec le vent
Qui a chassé la pluie venu pour voir
Si rien n’a changé n’a au moins vécu
Plus que je n’ai su y vivre moi-même.
Ici !
Claquemuré entre dosseret et pied de lit le vent
À la fenêtre pour une fois sans la pluie et l’air
Saturé de sel et de peau / Vous n’existiez plus.
Sérénade des barques retournées
Dans le sable les câbles sciant
La surface peignée une fois de plus
Pour recevoir la lumière des néons.
Nous ne sommes pas d’ici ce soir.
Tout l’avenir devant soi et rien
Pour en mesurer les angoisses.
Trop jeune ici ! Lampions de papier
Sur les fils que lorgnent des arondes.
Cette crasse des trottoirs malgré tout.
Tables positionnées selon les lois
Imposées par la tradition ou le jeu.
Le génie cède la place à l’ivresse.
« Ainsi tu seras toujours heureux
D’être ce que tu es et ce que tu donnes.
Ne va pas plus loin que l’ombre cependant.
Conseil d’ami. » Hédonistes ratés
Et disciples de la joie en une seule
Personne nommée en attendant
Que la nuit n’en revienne pas elle
Non plus. Nous n’irons pas plus loin
Que cette eau infinie s’il s’agit
De revenir avant d’avoir trouvé le lieu :
Ici ! Le sang sous pression une fois
Vaincue la peur d’avoir perdu ce qui
Était gagné d’avance : cet or paternel
Fécondé par n’importe quelle femme.
Paresse des lecteurs qui se targuent d’écrire : Mort
D’une certaine façon d’écrire / qui n’appartient plus
Au temps / qui ne s’écrit plus avec les autres : joie
Des frontons sans spectateurs : cet or paternel
Refondu avec le verre : au creux d’un coquillage
Trouvé au hasard des promenades : façonné par
La pratique de l’eau et de ses courses folles d’un
Bout à l’autre du monde connu : de tous et de
Chacun : ce monde qui n’est pas fait pour toi :
Comme s’il s’agissait d’être finalement fait pour
Lui : une mouette aux plumes arrachées par
La roche : elle plonge et revient sans le bec.
Ici ! Pas ailleurs et pourtant : j’ai le sentiment
De ne pas reconnaître les lieux : l’habitude
Sans doute. Une fontaine aux coulures métal
Métalliques. Que le troupeau des producteurs
S’y abreuve : pendant que je visite leurs rues
Désertées juste le temps d’assister au feu
Feu d’artifice : un toro me rejoint mais éteint,
Avec l’homme qui le porte : « Vous ne buvez pas ?
Je ne vous ai pas vu boire comme les autres.
Il faut connaître l’ivresse pour savoir enfin
Ce que c’est que la joie. Des filles vous le diront
Mieux que moi. J’en ai deux mais pas de fils.
Enculez-moi si c’est ce que vous cherchez ici. »
Fontaine des fusions sommaires.
Pas d’ombres sans lumière
Sur la toile conquise.
Un alignement de balcons
Miroite comme la mer
Qui propose son horizon.
Corps de l’oubli et de la joie
Qui va avec et sans raison
De croire qu’on a tort
D’être venu pour ne pas
Se distinguer : cruauté
Des traces de portraits
Au-dessus des chiottes.
Toujours les mêmes mots.
Mais la joie coule des fontaines
Comme les lexiques de la nécessité
De ressembler au bonheur des spots.
« Que ne suis-je venu plus tôt !
Avec ou sans vous mais plus tôt !
Tout ce temps perdu à me demander
Si j’étais faite pour aimer l’homme
Ou l’enfant qu’il porte en lui comme
Je retiens le monde par son Dieu ! »
Que l’écaille te donne la leçon que tu mérites !
Nous aurons le temps d’une zarzuela.
Temps de nous livrer corps et âme
À la devineresse du parc d’attraction.
Bottines des danseuses nues, plancher
Des pistes conçues pour étourdir si
Jamais la joie ne suffit pas à convaincre
Son homme ou sa femme si l’enfant
Est encore à concevoir : le riz brûle
La langue et les dents rient à notre place !
Tarot sur canapé, l’olive grassouillette
Au bout du palillo. « D’où reviens-tu,
Triste messager que je n’ai pas évité
Dans le métro à l’heure de la joie en route
Pour le bercail et sa télé ? » Lèvres
Huileuses aux traces d’écailles. Baiser
De circonstance. « Il est trop tard !
— Tu veux dire : Il est tard… ?
— Non, j’ai dit : trop tard et je signe ! »
Cliquetis des coquilles vides du poème
En paella carrossée au marteau, ici !
« Nos plus belles années sans une seule photo…
Tu écrivais sur le dos des bossus / cuisses des
Cigarières / mains des ravaudeuses / genoux
Des curés / Comment appelles-tu ces fragments
Déjà ? Tu écrivais dans la fièvre / sans joie ni
Plaisir / ni verre à proximité / ou autre chose
De plus phénoménal / écrivais des histoires
Sur les lèvres des passantes / aux vitrines
Donnant ton reflet transparent / nos plus
Belles années ensemble / sans photos maintenant
/ des années sans ivresse / au mur le grand projet
Qui contient mieux que la bouteille des marins /
Mieux et sans joie / sans ses serviteurs cloués
Comme Ulysse sans voix : je ne te reconnais plus.
Et je n’en ai pas connu d’autres : / au diable
La mort en salle / je ne danse plus : je m’en vais »
/ au dos d’une carte postale :
Signée luce ou autre chose :
Des empreintes de ses doigts
Sur le glaçage / ça ne sent rien
Que la couleur / des herbes folles
Versent sur les murs / chapeaux :
Entre un verre d’eau et un café /
« Je ne sais pas si je pourrais t’ou
T’oublier aussi facilement que tu
Que tu dis / non je n’en sais rien ! »
Mais t’ai-je jamais posé la question ?
Sappho en habits de servante au bar
Dit bon coin pour ne plus y penser mais
Y pensez-vous dans le métro au frottement
Des couleurs ? Je ne vous avais pas imaginée
Dans cette tenue : servez-moi du vin si
J’ai dit ce qu’il fallait retenir au bout du vers.
En habits ou à poil sur la plage filant
Comme un animal poursuivi par son
Prédateur attitré : bon coin pour oublier
Qu’on n’était pas venu pour ça : hasard
Des rencontres : que voulez-vous c’est le
Le hasard qui me joue sur le tapis de vos
Grâces / écrivais dans la gibbosité plutôt
Que dessus : sur la scène des filles nues
/ le jeu pour elles consistant à écarter
Les genoux pour saisir les billets mais sans
Laisser tomber ceux qui s’y trouvaient
Coincés déjà : sinon c’était perdu / avec l’aide
D’un peu de salive : « Voulez-vous gagner
Encore ? » / écrivais sur la mort des habitants
De la rue : cette crasse qui s’ajoute à la crasse
/ et sur la plage poursuivais l’animale en fuite.
Comme la vie est belle
Quand tu es moche !
J’ai perdu au tric trac
Le ciel de mes poèmes.
Gazouillez les oiseaux /
Aboyez les bâtards /
À force de lécher
On n’a plus faim de soi.
« Répétez avec moi :
Ce que je perds y gagne
En raison de se taire.
Là-bas c’est l’horizon
Et ici je m’en vais.
Pas plus loin que ton ventre,
Ou ton cul si je mens.
Grince du bec un merle
Dans la nuit sans lunaires.
Lon laire ! »