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![]() oOo Sur la paroi du jour s’affiche et regarde se plier les ossements de la parole Je parle est une forme de salissure ou un portail de chas d’aiguille où passe et repasse le fur et à mesure et qui repassera On pense à quelque chose dans le frigidaire et qu’on devra sortir pour servir de proverbe ou plus savamment d’aphorisme Il y a un Stradivarius dans cette indécision concernant que choisir et quel itinéraire est égal au possible Je me surprends à être ému par votre écharpe et c’est peut-être vous l’étendard des soupirs cette vue de Venise L’énorme poireau du tout au cheveu blanc comme le rien qui a vieilli dans sa verdeur de queues coupées dépasse insolemment de mon cabas ce tout où tout est plein de dieux est une neige un bouge en sauce blanche où je m’abats comme un câpre et au diable vauvert |
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Commentaires :
…Und dass ich Euch ein Beispiel gebe…
Goethe
…
L’énorme poireau du tout au cheveu blanc
comme le rien qui a vieilli dans sa verdeur
de queues coupées
dépasse insolemment de mon cabas
ce tout où tout est plein de dieux est une neige
un bouge en sauce blanche où je m’abats
comme un câpre
et au diable vauvert
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Je me prends à sourire de bonheur à la lecture de ces derniers vers : « un bouge en sauce blanche où je m’abats / comme un câpre / et au diable vauvert ».
Et je me dis aussitôt, content, que tout est à recommencer. Qu’on est loin, bien loin d’en avoir fini.
Gilbert Bourson, poète dans tous ses états, en bon Sisyphe inversé, continent et versatile, suit sa pente. Il ne s’endort jamais que d’un œil, l’œil fauve grand ouvert aux aguets, l’œil du dormeur tourné vers la nuit qui menace de tout recouvrir.
Comme il sied à la bouche d’ombre qui baille pendant son sommeil, Gilbert Bourson nous baille une de ses passes d’armes dont il a le secret.
Les mots ferraillent pour l’honneur dans les vieilles douves de son château hanté.
Les duellistes ont de l’eau jusqu’au cou.
Peuples des eaux, innombrables, ils coassent la nuit venue, n’ont cure des corbeaux et autres corneilles qui croassent au-dessus d’eux. D’aucuns fleurissent rose ou blancs, nénuphars nippons arrivés là on ne sait trop quand, et fermement décidés à prospérer dans ses eaux calmes et studieuses.
Loin de moi l’idée, qui serait fort malvenue, de lever quelque voile que ce soit sur son atelier poétique. Ce serait tout à la fois vain et bien prétentieux. Voilà des années que sans relâche il y forge les plumes de ses drôles d’oiseaux mécaniques qu’il donne à lire avec une gourmandise non dissimulée.
Baubo est de la partie, voyageuse, l’œil partout où furète la vérité encornée. Athéna veille sur elle, se lève au crépuscule et bouscule les limbes de la parole.
Je préfère ainsi laisser les poèmes à leur originelle facture.
Leur donner la parole en moi autant que je peux, jusqu’à plus soif, et la soif renaît toujours dans les eaux furieuses ou étales d’une poésie inquiète d’elle-même.
Les poèmes parlent d’eux-mêmes, ne se suffisant jamais à eux-mêmes, qui plus est, adressés qu’ils sont à qui saura les lire pour le plaisir.
Plaisir communicatif en diable procuré par ce Diable de Bourson !
Perlent çà et là de ces sautes d’humeur poétique qui font les grands auteurs. Le pelage luisant de ses créatures au galop transpire et fume. On les voit s’élancer dans les vastes plaines et nous revenir au galop, crinière au vent, yeux fous.
A souffle continu, sans pose ostentatoire, il écrit et décrit, polit ses perles et ses gemmes. Diadèmes, colliers et bracelets abondent dans son monde voué au féminin.
Je gage qu’il se surprend lui-même en maintes occasions.
La chair de ses textes est diablement complexe, et c’est sans complexe aucun qu’il en expose les fibres et les nerfs.
Ses créatures semblent tout droit sorties d’un bestiaire fantastique dans le monde duquel incubent puis émergent au monde, sur la plage blanche d’abord de son Dire, puis dans les yeux éclairés de ses lecteurs, de ces êtres hybrides par principe, comme si le monde, qu’il ne cesse de questionner par le verbe élégant de ses proses et de ses vers, en était déjà là : une avant-scène qui s’avance au-devant du réel incommensurable, là où se joue la création d’avant toute chute dans l’existant figé-rivé à son être-là.
Admiration, quand tu nous tiens…
Gilbert Bourson vient de publier "Phases" chez Tinbad...
[Lire ce texte dans la RALM]
avec commentaires...
La chair de ses textes [y] est diablement complexe, et c’est sans complexe aucun qu’il en expose les fibres et les nerfs. (Jean-Michel Guyot - ci-dessus)
Quel bonheur d’avoir de tels lecteurs qui abordent les poèmes comme des êtres vivants et singuliers, du pensé hic et nunc qui « surprend en maintes occasions » l’auteur lui-même, comme le dit Jean-Michel Guyot. C’est un fait que la lecture de ce poème m’a fait douter d’en avoir été l’auteur et m’a surpris comme il m’a surpris lors de son écriture. Le bonheur évoqué plus haut a été de constater qu’un poème peut en provoquer un autre sous la forme d’une prose poétiquement et intelligemment exposée, mais cela n’étonne guère de la part d’un écrivain comme Guyot. Je lui confie que j’ai apprécié son épigramme de Goethe, étant un lecteur passionné de cet auteur. Oui je tiens que la poésie est un appel à sourire, je souris souvent à la lecture du « Divan » et des « Élégies Romaines ». J’aime aussi qu’il parle de mes « créatures au galop » qui évoquent les cavales de Parménide lesquelles me reviennent la sueur au poitrail et les yeux fous à lier les mots à l’être-là. Merci de cet accotement à ce petit poème tiré du fond commun de cette poésie dont un autre poète disait qu’elle est faite par tous, non par un.