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Quelques entretiens avec Patrick Cintas
Jack YANTCHENKOFF

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 Article publié le 14 février 2008.

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Jack YANTCHENKOFF
Passer outre

Tu n’es pas un musicien ordinaire. Ta musique consiste en la réunion d’un texte, d’une voix et d’une partition musicale. Tu te distingues du slam et de tout autre mode de récitation. Parle-nous de cet art qui n’appartient qu’à toi.

Cet art qui n’appartient qu’à moi vraiment ?… Sachant en parler, il n’aurait plus lieu d’être ! Mais je peux tout de même lâcher que je ne suis pas un musicien ordinaire parce que je ne suis pas un mouton. Il y a un combat à mener et mes bidouillages sont mes armes. Pas question de se contenter de déblatérer n’importe quoi sur n’importe quel support musical ou autre. Ce n’est pas une entreprise commerciale, mais une voie spirituelle qui donne un sens à ma vie, et sérieusement, ce qui nous amène inévitablement à un résultat personnel, original. Mais ce n’est pas le but. Le social ne m’intéresse pas non plus. Il m’est insupportable que l’on me dise ce qu’il faut faire. Pendant tout mon parcours et quelles que furent les circonstances, je SAVAIS que cela aboutirait à un isolement. Et sur cet excellent terrain pour sonder ses individualités, j’évolue, construis et adore en toute liberté. Faire par et pour moi-même après avoir dénigré références et esprit de compétiition. Mon engagement est total. La Musique, la Littérature, portes du TEMPLE des FUSIONS où je me concentre dans diverses manipulations ; m’approprier un récit et un récitant et en jouer, sans aucune véritable ambition si ce n’est celle de persévérer dans mes choix ce qui en plus me maintient, mentalement, disons, équilibré par de précieux garde-fous. Une idée égoïste me stimule : l’état de grâce retrouvé PENDANT l’élaboration. Ensuite, le charme est bloqué et c’est cela que nous écoutons.

Tu sais à quel point les auteurs sont susceptibles dès qu’il s’agit d’interpréter leurs textes. Il y a une différence entre ton CD « Passer outre », où Alain CUNY dit le texte des poètes, et « Première nudité », où Marta CYWINSKA dit son propre texte. Comment perçois-tu cette différence ?

Les auteurs susceptibles ne peuvent participer dans mes conditions. Du moins, cela ne nous est jamais arrivé. Quant à la différence entre Alain Cuny et Marta Cywinska, il n’y en a pas dans la mesure où ils sont tous deux instrumentalisés dans le même objectif. Il y a Alain Cuny et Marta Cywinska, eux, leur œuvre, existe aussi ma version d’Alain Cuny et Marta Cywinska, transformés, accaparés. Je trésaille à l’idée de parler de poésie, ce mot m’agace, mais pourtant il le faut. Le fait qu’Alain Cuny récitait différents auteurs et que Marta Cywinska récite ce qu’elle écrit m’est égal quelque part. Le LIEN est évident.

Quelquefois, il faut bien le dire, ta musique dépasse le texte à tel point qu’il n’a peut-être plus aucun intérêt. D’autres fois, la musique traverse le texte comme pour l’expliquer, voire en parfaire la structure. Ces impressions sont-elles dues au fait que tu recomposes le texte ?

Ces moments de sensations diverses peuvent venir du fait que le récitant ne sait pas ce qui va être effectué et comment il va être manipulé. Moi non plus parfois. Les mots ont parfois des forces étonnantes (surtout avec un Cuny ou une Marta) qui les imposent même si on essaie de les détourner en les modulant. L’épaisseur des charges en phrases, certaines coïncidences, les textes chantant d’eux-mêmes… il peut y apparaître des contradictions, des variations, ces impressions sur lesquelles tu me questionnes. Il y a aussi l’être humain avec sa gorge, sa respiration, ses pulsions, ses dents, sa salive, ses caractères. Marta Cywinska et Alain Cuny sont un exemple très explicite de ma recherche. En plus de ce qui doit être dit. Par ailleurs, je dispose de versions différentes avec les mêmes récitants. Le texte est d’emblée recomposé car personne n’est idéal. Il est censuré, oui, redécoupé, je dirais même tripatouillé, ce qui nous amène aux gestes, au temps et aux visions qui participent à « l’apparition » d’une sorte de matériau coloré, de base, déjà personnalisé. L’instrumentation peut naître de cette couleur à moins qu’elle n’existe déjà et qu’il faille un mot et un grain de voix pour la faire surgir. Il existe aussi du texte utilisé tel quel, sans retouches, il peut être une trame musicale déjà arrangée modifiée en fonction d’un texte, retouché ou pas, plusieurs textes dans un même morceau… Depende. Toujours pareil sans être la même chose.

Que penserais-tu d’appliquer ta musique à un dialogue ou encore mieux à un théâtre ?

Avant de m’impliquer musicalement dans un dialogue ou un théâtre, il me faut ÉCOUTER de quoi il s’agit. Donc, disposer de l’enregistrement de ce dialogue ou théâtre, et si la puissance poétique et les interprètes me conviennent eh bien… rien ne m’empêche de me mettre au travail.

Quelles sont tes origines musicales ?

Dès l’âge de 5 ou 6 ans, j’ai touché une guitare et ça ne m’a jamais quitté. Tapé sur des bassines et des cartons pendant qu’une vieille voisine jouait du piano ; fréquentant les pluies dégringolant sur des bouts de ferraille ou dans des creux, sur les pierres, les bruits spécifiques, les sons aléatoires m’indiquant un ordre. Et guitare. Et tous les impératifs relatifs à cet instrument. Début de construction avec un magnéto à bandes, 1 piste stéréo, avec l’enregistrement de la voix de ma grand-mère racontant des histoires de sa guerre des années 20 qui les a fait fuir la Russie à toute berzingue et de façon assez brutale, mon père âgé d’un an dans ses bras, sur un cargo surchargé. — La fenêtre est grande ouverte aux sons de l’extérieur, le jardin, le soir. Le micro est posé stratégiquement. — Des coups de sabre et l’oubli du linge étendu sur le terrain font lever le vent, on dirait. Des bribes de chansons, puis le silence de l’incrédulité devant les souvenirs d’un désastre — le micro trône… la réécoute s’effectue après avoir taillé, recollé la bande, parfois rythmiquement, en indiquant des emplacements instrumentaux futurs et en tripatouillant des plans de guitare… des boucles des soupirs de mémé… J’ai égaré les bandes. Ensuite, il y a eu les synthés, les pistes, les séquenceurs, les boîtes et les machines. Premier jet par exemple avec Allen Ginsberg racontant son opération de l’anus ou Antonin Artaud défiant l’animalité. Me suis aussi essayé à des extraits de séminaires de Jacques Lacan, à l’inaudible Laurent Terzieff, à du chaman africain et autre variété humaine disponible. Les borborygmes m’intéressaient particulièrement pour un rythme basique et je mettais en boucle des riffs de litanies sauvages pour composer des trames de guitares sur lesquelles les phrases étaient balancées. Jusqu’à me dire qu’après tout, peu importe QUI récite. Mais j’ai évolué depuis… Sauf les auteurs qui continuent à écrire sans réciter leurs oeuvres et qui distribuent leurs livres sans le CD.

Comment comptes-tu faire évoluer ton œuvre ?

L’évolution. Oui. C’est demain.

 

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