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Seriatim 3 - [in "Seriatim"]
Seriatim 3 - Nous savions lire dans le marc de café (Patrick Cintas)
[E-mail] Article publié le 21 mars 2021. oOo Le vent se lève et chasse les nuages. Le soleil éclaire les feuillages et les trottoirs. Le quai devient glissant et des enfants s’amusent. « Je ne sais pas si vous avez connu la ville Du temps de sa splendeur… » Les voix s’enchaînent. Pendant le temps (infini) de ces conversations, Le quai (et donc les voies ferrées) pivote Et se met en perspective, Révélant l’autre quai où Quelqu’un (un homme ?) attend, Bagage au pied et le dos tourné Vers cette figuration de l’infini. Porterait-il un chapeau Qu’on ne changerait pas d’époque. Chacun veut donner son avis. Les sujets ne manquent pas. Ils défilent en masse chiffrée. On reconnaît des visages Appartenant aux spectacles. « Ce n’est pas la première fois. Mais j’étais enfant en ce temps-là Et j’aimais les ponts et les trolleys-bus. Nous arrivions à bord de ce même train. Je veux dire : le même horaire Conditionnait les heures à passer ici En attendant de revenir chez nous. Avez-vous vous-même voyagé dans ces
Conditions — Je ne sais pas pourquoi je suis venu.
Nous savions lire dans le marc de café. Nous ouvrions les livres à la bonne page, Celle qui démontre que l’autre a tort. Que de procès pour alimenter le Temps ! La question de la beauté ne se pose pas. Ni celle du péché, encore moins de sa
Rémission
Rien n’est mois durable que la douleur. D’autres gravent les dalles sous nos pieds. Que de rencontres sous les portiques ! Qui est qui ? Qui me ressemble ? Qui es-tu ? les idées à la place des signes il rêvait de construire une tour parfaitement verticale au beau milieu de la fontaine mais qu’est-ce que c’est beau une fontaine ! Qui veut entreprendre pour exister à l’endroit même où rien n’existe ? nous attendons : la tête pleine d’idées gravées dans les dalles entre la porte monumentale et la crypte des souvenirs, roman achevé-inachevable / qui veut tenter sa chance à son tour ? à Pise ou ailleurs en Amérique/ ces tours de passe-passe en jeu comme dans un cirque qui revient au même endroit au même moment crucial pour l’enfance. Dans le marc de café nos pas lents Comme le cours de l’Histoire qui Vient de se répéter avec la même Voix / et un livre sous le bras pour Pallier l’ennui qui s’annonce avec L’orage : dernier mont qui s’achève En cap et la mer concluant l’océan Entre deux pays si différents ! Aux interstices le ciment de nos amours ! Les anecdotes et les evidences / séries Dans la série des malheurs que le vent Éparpillera finalement ou plutôt non : Ce n’est pas une fin qui nous attend : C’est l’oubli que toute cette solitude Annonçait cigarette après cigarette Sous le porche des gares / voici l’enfant Qui aima l’enfant : Un jour nous serons sûrs de ce que nous disons Et alors tout ce qui ressemble à de la poésie Sera de la poésie ou ne sera pas. Gravé dans les dalles rouges de l’allée. Les sentences avec les principes, seuls Avec un bouquet de fleurs traditionnelles Contre soi, amené là par on ne sait quelle Idée qui s’était annoncée avec le vent Au goût d’embrun / la pourriture bleue D’une méduse / le ventre arraché d’une Mouette / les écailles distinctes (clairement) Des traces de coquillages / au fond de Porcelaine distinguée les fantômes de La prosodie abandonnée au profit de La clarté ou soi-disant lisibilité du texte En cours de formation / voyez (dit-il) Comme je sais lire dans vos restes / Moi qui ne sais rien de la société En dehors des pratiques publicitaires / dans l’allée aux dalles tracées depuis Longtemps cheminant en attendant Que le roman s’achève par interruption : La série n’aura pas lieu ! Mais qui aime que le jour n’annonce pas Des joies que personne ne peut tempérer ? Nous savons vivre dans les meubles de Nos catalogues / livres ouverts/fermés Par les doigts des fées ô berceaux de Nos civilisations dans les vitrines des Rues ! — Qu’est-ce qu’un livre sinon La seule manière de le refermer sans joie ? Le revoici en glissade sur le parquet Du théâtre que la rue angulaire par Définition rejoue une fois de plus : Qui veut des couleurs ? Qui veut Revivre la scène ? Qui veut ce que Tout le monde veut ? Qui prétend Inventer au lieu de recommencer ? Dans le marc de café, assis l’un en Face de l’autre, avec dans le dos Les passants inutiles, l’étendue Bleue de la mer et le triangle d’or Des sables peuplés de cristallines Facettes / ô anime des surfaces ! Que les mots redeviennent des mots ! Qu’on se retrouve par divination ! Alors que le fleuve (singulièrement Étriqué par son estuaire) emporte des Cadavres d’émigrés / pauvres corps qui N’ont pas connu l’âme mais : qui ont Manqué le train des futurs embarquements Pour Cythère : ô prose mirifique des allées Pavées de citations et de noms de famille ! Dans quelles conditions ces retrouvailles ? Une fois la mort passée par là, sommaire Mais sans énigme, parfaitement identique Aux conditions du texte : passage des cafés Sous prétexte d’orage : une après-midi D’été : le vent porteur de bonnes et de Mauvaises nouvelles : comme d’habitude Les premières gouttes : hésitantes mais Prévenantes : trouant la poussière des Surfaces ici en jeu : qui sommes-nous Si nous ne continuons pas ce que nous Avons commencé ? Au café tintant La porcelaine précieuse et recherchée, Chapeaux fleuris et plis de lumières, Conversation pour redire ce que nous Savons depuis longtemps, un peu de Poésie aux entournures, voyant la marée Recommencer ce qui ne s’est pas achevé. Comme la nostalgie n’a plus d’importance ! Des noms de famille en creux de burin ! Des ors délavés par les orages têtus ! Les feuilles arrachées aux printemps ! Et finalement cette solitude qui laisse Des traces de coups portés dans la pierre.
Je reviendrais après l’automne. Je ne conçois pas d’autre hiver. Quel rêve de printemps menacera Ma folie ? Je n’en sais rien, Río !
Qui aime l’été se perd en route. Le galet ne parle pas notre langue. Mais qui parle à notre place, l’été ? Je ne sais rien de ma folie, Río !
Nous ne lisons pas, sauf pour trouver L’inspiration / nous n’écrivons pas Si écrire c’est manquer de temps. Vois comme je perds mes feuilles, Dit l’arbre qui ne perd rien à attendre.
Après l’automne traversé comme Une métaphore facile à retrouver Au fil des lectures, chaque jour est Un personnage perdu pour toujours, À même les planches, En pleine lumière.
Río, je ne t’ai pas rencontré ici. Tu me suivais depuis longtemps. Je ne me suis pas retourné à temps Pour renouer avec la conversation Des enfances hypothétiques.
Quelle promesse que le passé ! Mais le présent n’a pas le temps. Les heures ont trop de futurs En elles.
Métamorphose du train de l’enfance En bateau qui ne ressemble à rien Tant la mer est un lointain présage.
Oui, oui, nous savons lire dans la porcelaine bleue Que le soleil fait miroiter dans nos rêves. Nous avons assez de vocabulaire pour imaginer Les futurs voyages de l’humanité. Gloire à qui veut entendre ces cris d’amour ! N’imitez pas l’interprète qui revient. Oui, oui, oui ! Toujours en phase prémonitoire ! Au café à Paris ou dans sa Venise. Les traces qui laissent penser que cette comédie Ne se joue pas que pour des fous. Nous avons tout l’hiver pour y penser, ensemble. À l’hôtel les moineaux jettent un œil Indiscrets à travers le carreau déjà mouillé. Ou bien ne comprennent-ils pas Cette invisibilité de façade. Petits pas dans les grands.
Oui, nourris de passages entre et sur les noms. Avec l’écho dû aux caractéristiques de cette Architecture venue de loin pour nous visiter Encore et encore ! Au ciel la reproduction (à une échelle qui reste à déterminer) du Bateau (ne dites pas navire) qui emporta Nos rêves bien au-delà ce que qui (hélas) Se laissait encore rêver / à cette époque De livre refermé pour toujours à la page Des réminiscences / catimini (on ne se Lassera pas de le répéter) / ni joie ni jeu / loin de toute prévision / hiver après hiver / dans le regard des plus anciens / cette Folie qui ne dit pas son nom / au seuil Agissant sur les potentiomètres / verre Pas loin de soi / Quel soleil ces degrés ! Comme si la femme n’était que l’accessoire Et le désir une récompense héritée des dieux. Oui, penchés sur les grimoires de cuir, vieux Et sans doute fatigués, mais voués à l’éternité Que l’infini laisse encore supposer / vous êtes Nos hôtes et nous écoutons vos chansons / Aussi vieilles soient-elles. Plus loin jouent les enfants, Comme si nous n’avions pas Vieilli / pas plus loin que la Fontaine qui abreuve encore. Pendant que la page éternise Un moment de sa copie dans L’étrange dureté de la pierre.
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