Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Forum] [Contact e-mail]
  
Nettoyage en grand avant le retour des arondes
Navigation
[E-mail]
 Article publié le 25 avril 2021.

oOo

J’ai sur la tête comme qui dirait une crête. Je suis le coq, la coqueluche du quartier n’en déplaise aux grinçantes girouettes, aux paroissiennes amidonnées, aux catherinettes bourgeonnées, aux modèles faufilées, aux chochottes prétintaillées, aux coureuses falbalassées, aux cocottes un peu vieillottes refrusquinées, bardées de lard et de colifichets… Je me grimpe au haut de la flèche du clocher et j’y coquerique, j’y coqueline pendant que l’on astique les cacophonies de la fanfare municipale, que l’on détache et estropie des Marseillaises qui adoucissent les moeurs, que l’on égosille la chorale en flûte de Pan, que l’on essouffle les sirènes, que l’on ramène à la raison et rassemble en rang trois par trois les décorés, que l’on colophane les patraques archets et accorde les boyaux de la salle des fêtes, que l’on recoud les boutons de nacre et remonte les bretelles des souffleurs de romance aux pattes d’aragne poisseuses du musette, que l’on retape les vétérans et récompense la bleusaille, que l’on beurre les épaulettes à graine d’épinards et rafistole les épaulettes à petites torsades, que l’on ravive les sardines, les drapeaux et La Marianne, que l’on chamarre et chansonne les réservistes, que l’on recrute et aposte des vigiles et des molosses, que l’on refasse une virginité aux majorettes, que l’on dessale les morues lasses des impasses louches et des bouchons borgnes qui ne manquent pas de culot, de bagou pour battre du pays, que l’on installe les terrasses des cafés, que l’on gave de friandises les oies blanches des jours dominicaux et fériés sandalées et enrubannées, que l’on requinque à la buvette les cadavres et les revenants des académies sanglés dans des fauteuils percés à roues et à manivelles, que l’on émouchette les escarmouches de calame des quotidiens à la petite semaine, que l’on rafraîchit les fors extérieurs et intérieurs, que l’on dépêche des manieurs de hérissons, de truelle, de ripe et de fil à plomb, de diamant et de mastic, de chalumeau, de clés graisseuses, de pinceaux, de rabots, de râpe, de meules de grès étincelantes et tout un bataillon de manoeuvres à masse et à balai, de bricoleurs saisonniers traités à la fourche, que l’on rechaule les plafonds, recire les parquets, gratte les tomettes, que l’on charge ou décharge à bras et à machines des camionnettes, que l’on décrasse les trottoirs, les quémands et les gueux de l’ostière, que l’on décrotte les plaques de rue, de Grand-Croix, d’égout, que l’on rince à vive aigue les autobus, les autocars, les tramways, les véhicules à grande échelle des rudes lanciers du bengale et les tas de ferraille de l’Administration, que l’on congratule les cogne-fétus et les mouchards visqueux qui engraisse la fourrière, que l’on cure les cloaques, les fosses à fumier, les fosses d’aisance, les puits, les vasques et les mares verdissantes des crapauds, des canards, des cygnes, que l’on lève aux murs la parole, que l’on lessive, égaie les devantures et les enseignes, que l’on fait des montres pour donner une idée de la camelote jetée en pagaille, que l’on place les crieurs au petit tas, les marchands de cartes postales et de babioles, de souvenirs, de bulles de savon, de beaux miracles, de bijoux fantaisie et de maroquinerie, de cirage de lacets et autres forains et gagne-petit, que l’on sermonne avec de grands gestes menaçants des escadrons de fauteurs de troubles, de baroud d’honneur et de guérilla en culottes courtes, barbouillés d’encre et de confiture, armés jusqu’aux dents de lait, que l’on dépoussière, consolide, rebadigeonne les façades à l’esprit de guingois, que l’on refleurit les fenêtres, les monuments aux morts, les jardinets et les jardinières des encognures pisseuses et les tombes, que l’on redore les fers menaçants, les anges rubigineux, le martel et le jaque de mailles du jaquemart, les épitaphes plus ou moins oblitérées et les barreaux de la prison, que l’on racle et repeint les clôtures, les grilles, les bancs, les lampadaires, les guérites, les kiosques en feuilles de chou, à musique et autres édicules, le gris et le gras des aires de stationnement, que l’on détrempe la colle des palissades, que l’on dégorge les caniveaux, que l’on décombre et désherbe les coins, les recoins et les pavés, que l’on désinfecte le dépôt d’ordures, la place du marché , le lavoir public, le parvis, les chiottes à la turque, les murs mousseux et ruisselants, les vases vespasiens, que l’on dévase la volubile fontaine, point de ralliement de la jeunesse huppée et hurlupée, où des nymphes de chair et d’airain accroupies effleurent du bout des doigts le murmure de l’onde, que l’on taille, émousse et ratisse le square où mille oiseaux gringottent et vermillent, où l’on triomphe des bonnes et des nourrisses sèches, que l’on bichonne les bronzes, les porcelaines et les marbres, que l’on badaude en s’arrachant des rires et des pleurs…

 

Robert VITTON, 2017

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -