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Article publié le 13 juin 2021. oOo Dans ma boutique je me damne Je parle à Rousseau le douanier Je parle à mes oreilles d’âne A la tête d’André Chénier Qui songe au fond de mon panier
J’ai trois chapeaux de mousquetaire Deux de curé vingt de forban Cent de gendarme un de notaire Qu’oublie-je dans mon inventaire Et un chapeau de Montauban
Je parle aux chéchias aux fez Je parle aux tarbouchs aux colbacks Aux kippas du temple d’Ephèse De Chagall d’Aragon de Bach Et j’en parle ab hoc et ab hâc
Je garde un paille d’Italie Un tyrolien un caudebec Des souvenirs de mes folies De mes douces mélancolies Du temps où je claquais du bec
Des chapeaux qu’en ai-je qu’en ai-je Des ronds des carrés des pointus D’ombre de vent de pluie de neige Des tristes des gais en veux-tu En voilà des fiers des têtus
Je parle aux chapeaux mécaniques Claques où sont tous vos ressorts A vous exemplaires uniques Ô coiffures pharaoniques Ô badas des jetteurs de sorts
J’ai des chapeaux de toutes sortes Canotiers bérets bolivars Feutre poil plume feuille-morte Paille campagnes boulevards Des mous des durs et des bavards
J’étrenne toutes mes casquettes J’ai celle du père Bugeaud Quand celle de Sherlock enquête Celle du bon roi Pétaud quête Pour se payer un Clos-Vougeot
Qui tiendra les coins de mon poêle Quand j’aurai torché mes pamphlets Tubes cônes tuyaux de poêle Hauts-de-forme bols huit-reflets Peut-être vous mes saints simplets
J’ai le melon d’Apollinaire L’illustre bitos de Carco Des couvre-chefs imaginaires Dans mon vieil orgue sanguinaire Valsent bombes képis shakos
A vous qui contez turelure Que je tourne autour du chapeau Que je travaille du galure Je vous dis Calottes de peau Numérotez vos oripeaux
Mes têtes de carton de plâtre De bois de fil de fer d’osier Roses blanches noires mulâtres Ô mes têtes que j’idolâtre Parfois je ne suis qu’un phrasier
Je parle aux béguins aux cornettes Je parle aux hennins aux bibis Je parle à de sales binettes Aux fantômes de mon gourbi Je dis To be or not to be
Je garde une espiègle faluche Mon capuchon de collégien Une effroyable coqueluche Des cocardes des fanfreluches Un suroît un bonnet phrygien
J’allume mes casques à mèche Mes casques de fulmi-coton Dans les étoiles les flammèches Je recompte mes noirs moutons Et mirontaine et mironton
Ne le chantez pas à la ronde Motus Motus Motus Motus Rien aux roses rien aux arondes Rien aux vents rien à l’amère onde J’ai le bloum de Fortunatus
Je jette galettes couronnes Barrettes bonnets à drelins Mitres et tiares fanfaronnes Et caloquets de trivelin Daudet par-dessus ton moulin
Je garde admirez ma mimique Un lot de gibus de truqueurs Quelques gapettes d’un comique Cent-vingt cornes académiques Et la bâche des pétanqueurs
J’ai le chapeau de Courteline De Mac Orlan de Léautaud D’Allais de Bruant de Chaplin Du comte de Monte-Cristo De Van Gogh et du clown Toto
Je parle aux plumets aux aigrettes Au galons d’or aux bourdalous Aux glands aux pompons d’opérette A mille épingles guillerettes A ces braves cimiers au clou
Cuisine pêche chasse brousse Jardin Pourquoi mes galurins Ne sont pas tous dans le Larousse Casque de cuir de fer d’airain Bonnet de nuit bonnet chagrin
Je m’occupe de la gamine De son chapeau et de sa fleur Je bariole ses étamines Je sais par cœur toutes ses mines Tous ses désirs tous ses malheurs
J’en façonne j’en raccommode Pour tous les goûts dans tous les prix Des ancestraux des vieilles modes Des antiques des derniers cris Des très pays des très Paris
Je porte un accent circonflexe Je veux dire un chapeau chinois Sous les pluies douces sans complexe Et mes ferveurs laissent perplexe L’âme de mes édens benoîts
Je parle à mes bonnets de laine Au bleu au blanc au rouge au noir Au bicorne de Sainte-Hélène Aux chapeaux bas des promenoirsA ma toque à mon entonnoir
J’ai la coiffe de l’Arlésienne Le large-bord de Cyrano Des sombreros pièces anciennes Des paires d’ailes alsaciennes Tout un choix de borsalinos
Restez au diable messieurs dames Du bord de la fosse je veux A haute voix sans état d’âme Vous faire et refaire un aveu Ma Muse est toujours en cheveux
Parle jusqu’à perte d’haleine Use ma prose use mes vers Use ma longue cantilène Parle à mon cul ma tête est pleine Parle parle monde à l’envers
Robert VITTON, 2005
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