« J’aime ce chat rugueux comme un autre poème.
Il reconnaît mes nuits passées sous la Cité.
Sa griffe me polit sans agressivité
Et sa langue est la mienne, illisible et extrême.
J’attends de le comprendre et attendant il m’aime.
Quelque chose me dit que cette mixité
Témoigne assez de l’art que par complexité
Un homme fait payer à mon petit système.
Son oreille poilue et son museau bohême
Ne me racontent rien des voyages cités.
Peu importe que l’homme et le chat excités
Aient voyagé ou non ou par quel stratagème
Je me réveille enfin heureuse et en vous-même :
Vous m’aimez vous aussi dans la simplicité
Du jour que les travaux annoncent dans vos pages.
Je sais de votre Hélène au moins le noir roman.
Je le relis toujours me demandant comment
Le chat devenu Bête illustre vos tapages.
Quand par le cimetière en sinistre équipage
Vous répandez les bruits de vos chiens occitans
Et que se lève noir le nuageux autan,
À ma France je songe et à son vrai langage.
Alors ce chat si doux en parole et en âge
Secoue sa vieille peau en étranger au temps
Que poursuivent les mots de la Cité d’antan :
Vous revenez au jour en joyeux personnages !
Et le minuit se change en midi nécrophage :
Ah ! comme c’est obscur ce changement gitan !
Ne me néglige pas, ô voyageur avide
De substance et de gloire ! Ici est mon repos
D’accessoire passé et d’ignare cabot.
Homme ou femme je suis la loi liberticide.
La Bête qui se change en chat plus que stupide,
Citoyen de la langue et de ses vains propos,
Ce chat que je caresse et dont je sens la peau
Muer comme serpent que sa croissance bride,
Ce félin donnera un enfant si perfide
À ce Monde fini où ton ancien tombeau
Remet au goût du jour ce tortueux nabot
Qui jamais ne servit de rime à ton égide,
Si perfide et si vrai que ton faux homicide,
Inventé pour limer tes expédients verbaux,
Ne laissera au monde et à ses habitants
Que sa peau pourrissante et sa gueule muette.
Celui qui croît la nuit ne peut être poète :
La langue est nationale et appartient au Temps.
Tu me voulais obscure et misérable actant,
Mais je suis ta catin, risible mais prophète.
Hélène n’a pour nom que la rime seulette.
Son tombeau de papier ignore le printemps.
Voyons si je suis claire, échappant au Gitan
Qui se voulait plus saoul que son anachorète…
Enfin le jour paraît et le chat sans sa bête
Lape le lait, griffe la peau et va l’antan
Car ce jour est le même et la nuit arpentant
Tes décors de théâtre annonce une autre fête. »