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Écos des tatanes (Patrick Cintas)
Merde à l’Ukraine !
[E-mail] Article publié le 22 octobre 2022. oOo On ne dit pas « menteur comme un Ukrainien » comme on suppose que l’arracheur de dents nous raconte des histoires avant de se mettre à l’œuvre ; mais si l’on en croit la mass media en usage aujourd’hui, le nationalisme ukrainien est un saladier, certes assaisonné d’une pincée de néonazisme (ne nous cachons rien), qui ne vaut pas le sacrifice que cette clique de fanatiques est en train d’infliger au peuple ukrainien avec le bâton merdeux de la Russie et la carotte toujours turgescente des Amerloques dès qu’il s’agit de rentabiliser toute espèce de dérangement au-delà des principes fondateurs de leur [ˈfɔːmɪdəbl ˈneɪʃən]. Cette nouvelle catastrophe, car c’en est une, n’en déplaise à la diplomatie russe en phase de décomposition et aux chargés d’histoire du peuple juif (Allah soit avec lui !), est en train de pourrir les idéaux, d’une extrême à l’autre, en passant par les minauderies d’inspiration normande de notre présidence mal élue. L’idée même que ce spectacle condamne le regard de l’enfance à la haine, que des pauvres, de fric ou de santé, se retrouvent à la rue dans un pays où la fraternité est encore hypothétique (soyons réalistes), que des hommes « bons pour le service » soient transformés en chair à canon par la force de la loi, que les moyens d’existence soient à ce point réduits en poussière et en os… tout cela mérite la conclusion, sans doute éclairée et prochainement mise en œuvre, de ce vieux Kissinger qui, en passant, prend la photo exacte de ce qui est en train de nous arriver : un nationalisme ukrainien inacceptable et cruel, qui ne mérite pas l’Europe ; un guerroyage américain à visée économique au détriment de l’ « autre capitalisme » ; un impérialisme borné qu’on ne qualifiera pas de breton par égard pour Tristan, quoique le terme de balai s’applique parfaitement, avec sa fibre de coco, qu’il le veuille ou non, à cette barbarie toujours capable d’écraser l’humain au profit d’une Histoire aussi fallacieuse qu’inexplicable autrement que par slogans et autres intoxications dialectiques. Sans compter que l’impérialisme européen, héritier d’un croisement putassier de maints colonialismes par essence racistes et inhumains, s’applique avec grande hypocrisie à fausser les règles du jeu en faveur d’une union limitée au doigt dans le cul alors qu’on dispose, humainement, de moyens autrement jouissifs. En attendant, les jours passent, les mois et peut-être les ans vont passer, et la misère intellectuelle et mentale va changer le fonctionnement même de nos cerveaux d’ailleurs préparés par la pratique déjà ancienne du réseau, de ses instruments parfaitement adaptés à la situation et des contenus qu’il faut ingurgiter pour y croire. Quelle nausée, Pâtre ! Alors quoi ? Non content d’être envahis par les produits culturels et les ambitions de l’auteur, espèce reproductible uniquement dans la connerie et l’hyperbole, nous allons devoir composer avec le nationalisme dangereux des Ukrainiens, l’impérialisme historique (et con à défaut d’être dialectique) des Russes, la cupidité native et impitoyable des Américains, le colonialisme chronique des Européens et la lâcheté inouïe du reste du Monde. Pour qui qu’on vote ? aurait questionné Johnny. Jouer à l’homme de trop comme l’a savamment portraituré Jean-Pierre Chabrol ? Quand il s’agit de distinguer le bon du mauvais poète, on n’a peu de chance de se tromper, tant le contraste est violent ; mais entre ces marionnettes proposées par l’élection, démocratique ou pas, lequel désigner comme son maître à repenser le problème avant d’aller se coucher ? En voilà des salauds ! Valent-ils mieux que les pédants dénoncés par Jean-Sol ? Il est où le Platon des nouveaux philosophes ? À la télé ? Sur le terrain ? Déjà mort et enterré sous les décombres ? Je chie dans le lait de ces fils de la putain de Mère, comme l’a maladroitement écrit la traductrice de Pour qui sonne le glas ? Et après ? J’en fais quoi de cette merde ? De la poésie comme j’en reçois ? ou que je reçois comme autant de camouflets depuis que je ne me bats plus en duel faute d’entrainement et aussi, je dois l’avouer, par manque de conviction. La conviction est peut-être, en justice, l’instrument des imbéciles et/ou des hypocrites, parce qu’elle confine à la religion et que la religion est une cochonnerie (plus que l’écriture), mais sur le terrain de la pensée et de l’art, comme disait Rrose, c’est un bon début. Je chie aussi dans le lait des poétaillons et des donneurs de leçons. Chère Denise, je chie sur Zelensky, Poutine, Biden, Macron… dommage que je ne puisse plus chier sur Valls qui nous quitte aussi soudainement qu’il est apparu dans notre vie politique. ¡Pitufo ! Je chie sur tellement de têtes couronnées par le succès commercial ou politique que j’en ai plus de rabiot pour demain, juste le temps de chier aussi dans le lait des minus habens de la poésie dont on ferait bien de se débarrasser manu militari au lieu de permettre qu’on massacre des Ukrainiens qui ne savent pas qu’ils ne seront plus nationalistes demain, mais simplement mendiants, comme il arrive aux vaincus, que ce soit la faute à la malchance ou à la barbarie en jeu. Cette histoire de merde me retourne l’estomac juste au moment où j’ai le plus envie, et besoin, de bouffer. Bouffer de l’écriture et pas pour ne pas m’ennuyer : pour exister. Bouffer de l’œuvre à mettre sur la table pour empêcher les autres d’écrire, et là je ne pense pas qu’aux paranos, qui font pitié, mais à l’énorme multiplication des cons en tous genres dont on n’arrivera plus à se débarrasser, mass conus qui, tenons-nous bien au bastingage, ô matelots du large et de ses vents imprévisibles, qui n’existaient pas jusqu’à temps qu’on les invente tout récemment. Faut les lire outrecuidants abcédés dans leurs forums qui servent de traîne aux mariés de la Presse, autres enfants de pute de la Haute et de ses suçons. Les voilà, les cons ! On les avait pas et maintenant on les a. Comme au rugby si tu laisses passer le streaker qui transforme à ta place. Du coup t’as l’air de quoi, toi, poète cultivé à la source et pas en salle polyvalente ou au marché ? Et ça écrit ! Oh sans rimes ni raison. Ça écrit avec rien d’écrit. Et même quand ça parle, ça ne veut rien dire de poétique ni même d’intelligemment retrouvé. Le voilà, le Zelensky, avec sa face d’illuminé de la patrie reconstituée pour faire plaisir à ses phynanceurs ! Et sa fofolle de bobonne qui donne des leçons de liberté comme si on savait pas déjà ce que c’est que de pas être libre. Le voilà, le Poutine qui veut pas crever sans avoir trouvé de quoi avoir raison contre tous et qui, pas mieux que Zelensky et Biden réunis, sans compter cet inénarrable Pierre Michel (gogol en service commandé), n’hésite pas à tourner la manivelle de la machine à décerveler jusqu’à ce qu’elle réduise tout le reste en pâtée pour chiens nationalistes. Le voilà, le petit Macron élevé au biberon éphébophile administratif national, mauvais en math mais bon, très bon en méchanceté dans le dos (pire que Valls qu’il a dit le tonton Hollande). Oh ! Qui c’est qu’a dit que Depardieu est un homme ? Pas facile de nager dans ces eaux, et je ne joue pas sur le mot, il m’est venu comme ça, sans le sang qui va avec, et les yeux des enfants, canicas étonnées d’en savoir déjà trop. Aussi nous ne nageons pas. Nous avons les pieds dans l’eau, à marée basse, de l’écume à mi-mollet et les doigts de pieds craintifs à cause de l’invasion de trachinidae. Le regard, vieillissant et mouillé, se perd, ou cherche à se perdre, dans ce qui fait ici figure d’infini : l’horizon. Qu’est-ce qu’on attend ? Rien. On n’attend pas. On a beaucoup attendu. Et même beaucoup écrit. Mais tout ça c’est du passé. On n’a même plus envie de chier dans le lait. On chie dans rien en particulier. On finit par chier comme tout le monde. Qui n’a pas chié dans les coins sombres de la fête au village ? Mais ce n’est plus la même merde, ô jeunesse ! Sans le lait, et sans ces hijos de puta à portée de fusil — Aïe ! si ça m’était donné que ça me ferait jouir ! pourtant Allah est grand ! — l’existence consiste à éviter, seulement éviter, les cons qui arrivent en sens inverse sur le trottoir que s’il y en avait un autre on le prendrait sans se poser la question de pourquoi. Cette guerre me ronge. Je ne suis pas partisan. Ukrainiens hypocrites et menteurs, Russes cons et sans pitié, Américains faussaires (lire Gaddis), Européens thésauriseurs et stellionataires, Chinois de merde en pot et je dis rien des Turcs. Impossible d’en bavasser avec Y. A existe pu. Chacun a sa popote. Faut pas disturber, comme à l’hôtel. Et puis on frappe avant d’entrer. Sur la porte si on n’a pas de smartphone. Pas sur la gueule parce qu’il faut plus faire mal qu’elle a dit Maîtresse. Et tout un pan de la société ukrainienne est en train de disparaître. Qui c’est la fée de ce logis sans Histoire ? La fée ukraino-russo-américano-franco-chinetoque et j’en passe des Africains et des Arabes et même des Cherokees. Alors bonne merde, comme Sarah aimait beaucoup l’entendre avant de se jeter sur scène malgré une jambe de bois et une culotte déjà souillée. Trop tard ! Patrick Cintas
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Commentaires :
Halte au feuilleton par Stéphane Pucheu
Les militaires ont remplacé les médecins.
Chacun y va de de son ego, et les chaînes d’informations occidentales déversent le feuilleton quotidien de la guerre civile russo-ukrainienne. Propagande à l’appui : les Russes incarnent le Mal, les Américains le Bien.
Je suis très étonné de l’apathie des jeunesses occidentales européennes qui ne se révoltent pas contre un conflit désastreux ayant lieu sur leur continent. Manifestement, la conjugaison de la société de consommation ( ou ce qu’il en reste ), du chômage de masse et de la numérisation du monde a sapé leur vitalité, leur énergie. Pourtant, chaque génération a ses propres luttes...
L’espace public n’est pas investi contre l’arrêt de ce conflit.
La société du spectacle tâche de trouver une nouvelle substance avec ce conflit slave et européen. Mais il n’est pas sûr que les nouveaux abonnés soient au rendez-vous.
Comprendre les raisons d’une guerre ne signifie pas l’approuver, encore moins prendre position. Comprendre que l’envie de vivre doit reprendre le dessus sur le nihilisme ambiant, voilà ce qui me paraît le plus important. Qui le veut vraiment ?
Et remerde ! par Patrick Cintas
Certes, certes...
Je souhaite "merde" à l’Ukraine, comme on a coutume de le faire à qui risque fort d’en manquer sur la scène.
Quant au portrait de la "femme qui pleure", rien à voir avec les mamans éplorées. J’y vois plutôt une Ukraine pire que Dora Maar qui a dû inspirer Zelenski.
Je ne doute d’ailleurs pas que cette marionnette pleure autant ses morts que le manque de munitions qui affecte ses canons. Fifty/fifty. Les affaires sont les affaires.
Le respect dû à l’enfance et à la pauvreté n’a jamais cours. Et je ne pense pas que la conspiration du silence ni les poétailleries à la mode n’y changeront rien.
J’ai relu l’Ébauche de XXX Cantos en attendant (traduction de Mikriammos).
So that :
Coloriage atomique pour les enfants par Patrick Cintas
Coloriage atomique pour les enfants
Proposition si jamais...
Thesaurus par Patrick Cintas
…marre d’écouter le gars qui n’a qu’une corde à son violon.
Henry Miller- Un diable au paradis.
Malgré les assauts, anonymes d’ailleurs, ou sous couvert de pseudonymes immatures, ce forum est fermé à ceux qui se prennent pour des politologues, des historiens, des moralistes, voire des engagés de la théologie ou de l’éducation nationale ; ici seul le point de vue littéraire et poétique, voire un tantinet philosophique, est invité à s’exprimer, sans tweet ni déclaration d’amour ou de haine, toutefois. Le ‘commentaire’ est un texte ; ainsi, l’intervention qui n’en est pas un (texte) est renvoyée à sa poubelle avec son couvercle. Écrire n’est pas une sinécure, ce n’est pas un moyen d’exister, c’est un travail de la terre, là, sous les pieds. Constants travaux des champs magnétiques d’un bout de la vie à l’autre. Tu ne sais pas écrire ? Ne le vends pas.
Cela dit, et pour répondre aux critiques mal écrites et sans structure qui ont souhaité se soumettre à la modération, —à propos des qualificatifs, épithètes et attributs, dont j’ai, ci-dessus, coloré certaines nations actuellement en guerre ou sur son pied, pourquoi en effet ne pas apporter les preuves, comme au tribunal, de ce que je semble dénoncer ?
En premier lieu, « qu’est-ce qui vous permet de traiter les Ukrainiens de menteurs et d’hypocrites ? », autrement dit : la preuve !
Elle est enfin produite par Amnesty International [ICI] :
La réponse du champion de com est édifiante : on ne peut pas mettre en balance la culpabilité criminelle de l’agresseur (évidente, ndla) et les moyens mis en œuvre par l’agressé (criminels, ndla et droit humanitaire en vigueur) ; rhétorique qui se résume à ceci : tant pis pour les gosses et les pauvres, l’Ukraine d’abord. Ce n’est pas un raisonnement nazi (n’exagérons pas), c’est un slogan nationaliste, donc pourri et dangereux d’un point de vue humaniste, voire patriote.
J’ajouterai donc aux qualificatifs de menteurs et d’hypocrites celui de lâches.
Cette lâcheté, enfin mise à jour, est incompatible avec l’espoir démocratique. Point.
Deusio. Les Russes cons et cruels. Certes, traiter de conne une des nations les plus intelligentes du monde n’est pas bien heureux… mais je parle ici d’une autre espèce de connerie : celle qui entraîne tout un peuple, aussi intelligent soit-il dans d’autres domaines en effet humanistes (dans le vieux sens du terme), dans un rêve d’Empire qui commence par l’exercice d’une dictature obscure et… cruelle. Condamner ses propres compatriotes pour délit d’opinion relève de la cruauté, voire du crime (je précise pour ceux qui aiment la fessée). Colonies pénitentiaires à l’appui. Quant à massacrer délibérément des enfants, des pauvres et des malades réduits à l’état de boucliers humains, vider les lieux d’habitation populaires dans un pays pauvre et illettré, détruire jusqu’aux racines les lieux emblématiques des cultures ukrainiennes, autre holocauste, forcer les choix sans autre alternative que la vie ou la mort, etc. Macarel !
Conclusion, les Russes sont cons et cruels. (Pardon Tchékhov, Khlebnikov…)
Américains faussaires. On dirait un slogan de manif. J’élargirai la portée du qualificatif à l’ensemble des Anglo-saxons et de leurs collatéraux. Dans sa préface à Abel Sanchez, roman ou nivola, Unamuno cite je ne sais quel philosophe anglais qui traite les Français d’avares (alors que Gracián, dans son Criticón, les qualifie d’hypocrites), les Espagnols d’envieux (sujet du roman en question, à lire absolument) et les Anglais d’hypocrites, ceux en qui on ne peut pas avoir confiance sans se faire couillonner. La carotte et le bâton, vous connaissez ? Poderoso caballero es don Dinero. No comment.
Les Européens ? Sans doute est-il judicieux de distinguer l’Europe occidentale, la nôtre, de l’Europe orientale, anciennement Pays de l’est, un fatras de nations qui apparaît comme une aberration de l’Histoire, et des gens soumis le plus souvent à la bricole, pour les petites, ou à la corruption pour les grandes. L’Ukraine, pays européen (n’en déplaise à Poutine), en fait partie. D’où la difficulté pour un Occidental de comprendre son président, maladroit communiquant qui lui-même n’a rien compris à l’Occident et qui confond Occident et Europe avec une naïveté que je n’ose qualifier de connerie, réservant ce qualificatif aux Russes.
L’Europe occidentale a-t-elle tant que ça investi son trésor colonial dans l’Humanité ? Voilà qui reste à prouver. Mais cette cupidité de vieux bougre de l’Histoire n’explique pas tout : car cet Occident particulier ne rend pas ce qu’il a conquis par la force, le pillage et la ruine. Le colonialisme sera toujours la réponse du berger Europe à la bergère russe, entre autres bergères, entre autres moutons. Alors oui, l’Europe est une nation de voleurs et d’imposteurs.
Les Chinois. Merde en pot. Et encore je me retiens d’inviter Till. Me font penser à l’Arabie qui n’existe plus depuis si longtemps qu’on en fait aujourd’hui ce qu’on veut pour nourrir des idéologies criminelles, mais quelle idéologie d’inspiration religieuse ne l’est pas ? Ou de type religieux, comme ce confucianisme qui contient toutes les graines de la dictature et du crime contre l’Homme. Lisez de près les Analectes. Constatez son influence maligne sur les meilleurs poètes du XXe. Et voyez combien de fois, suite à sa bêtise confucéenne, la Chine a été humiliée, réduite à un pot de chambre après avoir atteint de fameux sommets et, comme l’Histoire se répète, ça ne va pas tarder à recommencer. Il y a quelque chose de pourri dans cette grande civilisation, comme l’Islam a détruit Al-Ándalus au prix du mythe fallacieux de la Convivencia. Tout ça pour que Melenchón se donne en spectacle. ¡Puñeta !
Et ainsi de suite. Les Turcs en remplacement des Grecs ? Qu’est-ce que l’Humanité y a gagné ? Une dictature de plus. Et qu’est-ce que l’Occident, démocratique à peu près partout depuis peu (soyons justes), mais soumis, cruellement, à la dictature de la rentabilité (marche ou crève, poésie) apporte à cet Homme qui continue de mourir de peur et de misère dès lors qu’il est né dans une région soumise à des traités qui ne valent pas plus cher que le papier-cul faussement intitulé hygiénique ?
Nous ferions bien d’embarquer. Le Monde nous attend. 70% de flotte à bourlinguer entre les terres, montagnes, déserts, villes, avec des tentacules ou sans, « campagnes hallucinées », le cul à l’air et les gonades en offrande. Ne me dites pas que nos retraites poussives ou nos carrières minables nous en empêchent ! On s’en fout de nos gosses. Ils ne feront pas mieux que nous. Ou alors il faudra les soigner ou les laisser se shooter sans abri. Les gens sont ce qu’ils sont. Et si nous ne sommes pas capables de les nommer comme on met sur pied des personnages, nous sommes bons pour les requins ou l’empoisonnement par le plancton (sans libre arbitre ni Bombard).
L’ordre et le chaos par Jean-Michel Guyot
Se mêler d’histoire sans formation requise, sans méthodologie, sans connaissances éprouvées, c’est-à-dire croisées et toujours relatives aux sources utilisées, c’est courir le risque de s’emmêler les pinceaux.
Je n’aime pas les synthèses ni les grandes envolées lyriques à relents nationalistes. Nous sommes tous et toutes sur le fil du rasoir, nous marchons ou naviguons entre nationalisme bêlant ou rugissant et patriotisme fiévreux ou soucieux du bien commun qui va bien au-delà des frontières que l’histoire nous a enseignées-assignées.
Comme tout le monde, j’ai ma petite idée sur le cours du monde, mais je me garde bien d’en proposer une vision totalisante : je n’ai pour cela ni les connaissances requises ni la volonté de synthèse derrière laquelle, à mon sens, se cache un sourd et lourd besoin de dominer le sujet des sujets qu’est l’Histoire en imposant une version imparable de celle-ci.
Le procès en incompétence que Patrick Cintas instruit à l’endroit des cacographes qui l’ont interpellé du haut de leur sacro-sainte liberté d’opinion, est sans appel.
Il ne s’agit pas de s’appuyer sur un crédo guère plus valable qu’un autre mais bien de l’existence pérenne d’un shibboleth, le seul qui vaille, et qui délimite une ligne de partage claire et indéfectible entre ceux qui savent écrire, c’est-à-dire en l’occurrence, qui savent argumenter sans redondance ni solécisme par trop visibles et ceux qui peinent à trouver les mots pour exprimer ce qu’ils estiment être leur juste colère qui les autoriserait à invectiver voire injurier ceux qu’ils perçoivent comme leurs adversaires idéologiques, et qui, sans doute aucun, s’expriment beaucoup mieux qu’eux.
On sait les eaux mouvantes et les courants nombreux qui tendent à se mêler et à se disputer la faveur d’un public assez crédule pour ajouter foi à des allégations truffées de faute de syntaxe et portées par un vocabulaire au mieux exsangue, au pire anémique, quand il n’est pas pollué par un nombre parfois sidérant de fautes d’orthographe, ce qui, et il faut le marquer fortement, souligne les limites de toute la praxis démocratique, le demos étant invité à s’exprimer sur tous les sujets, depuis au moins la création des fameux réseaux asociaux, avec les moyens d’expression du bord qui sont le plus souvent fort médiocres.
Si le peuple avait toujours raison, ça se saurait, et Hitler qui avait raflé la mise démocratique en janvier 1933 aurait depuis longtemps gagné la partie. Ce cacographe, dans le livre duquel les linguistes ont répertorié pas moins de 60 000 fautes de langue, nous avait annoncé la couleur dans son Mein Kampf, mais tout cela paraissait si grossier, si confus que presque personne n’y prêta vraiment attention, grossière erreur de jugement !
Pour nous, un crime contre la langue en annonce d’autres, plus graves.
Il reste que la préoccupation constante des démocraties qui voudront survivre à cette déferlante autocratique qui les assaille de toutes parts, feraient bien d’édifier des modèles « éducatifs » (le mot instruction, peut-être trop militaire aux oreilles d’une certaine gauche bien-pensante étant devenu tabou) capables, à tout le moins, de limiter au maximum les dégâts engendrés par l’inculture, l’ignardise rampante et l’arrogance dans laquelle ses tenants se complaisent hardiment.
Il n’y pas que l’emploi et le pouvoir d’achat qui comptent pour maintenir vives les ambitions d’une population qui se veut peuple souverain ! J’en viendrais presque à regretter le temps de l’Education Populaire qui fut si chère, et à bon droit, aux communistes français !
En écrivant ce texte argumenté de bout en bout, Patrick Cintas nous offre une leçon d’équilibre, étant entendu qu’une fois que nous nous sommes lancés sur le fil arachnéen qu’il nous propose c’est à nous, et nous seuls, d’avancer en faisant des cabrioles ou en posant prudemment un pied devant l’autre en priant le dieu des airs de ne pas nous lâcher.
« Un fragile équilibre entre ordre et chaos » : voilà qui me semble définir assez bien l’usage que les humains font du langage, la question - jamais tranchée, et pour cause ! - de savoir si les humains se servent du langage ou si c’est le langage qui se sert d’eux, et à travers le langage, une force plus obscure encore, me semble être la question cruciale qui se pose à nous de manière aiguë dès qu’untel ou untel se pique de développer des vues politiques et géopolitiques, car c’est dans ce creuset-là, le langage, j’entends, que se mitonne la plus brûlante des actualités, le rôle du politologue ou du géo-politologue étant de transformer ce magma de matière en fusion en une pâte ductile apte à se couler dans les moules de son impeccable démonstration.
C’est qu’une mise à distance s’impose ou alors nous sommes morts intellectuellement ou même parfois morts tout court, emportés que nous sommes par le magma langagier scintillant de haine et de mépris que de zélés séides de la chose publique éclairée par les torches vives de telle ou telle idéologie nationaliste s’empressent de convertir en assassinats politiques, en meurtres de masse, en crimes de guerre, en crimes contre l’humanité voire en génocides.
Eole est inconstant comme la matière qu’il déplace sans cesse, invisible mais oh combien puissante et destructrice. Avancer en bonne intelligence avec l’air ambiant sujet à de brusques renversements, à des tempêtes outrageantes, à des calmes plats aussi parfois, voilà qui demande des nerfs d’acier au moins aussi souples que la corde des jugements historiques sur laquelle nous nous avançons à nos risques et périls mais en toute connaissance de cause.
Avec Eole à nos côtés, ni pour ni contre nous, nous sommes à bonne école, encore faut-il ne jamais oublier que le mot danger n’a jamais empêché quelque accident que ce soit de se produire, d’où la nécessité impérieuse d’investir toutes nos forces dans la raison argumentative, celle-ci dût-elle parfois, de colère, confiner à l’invective, invective raisonnée, argumentée dans l’art de laquelle Patrick Cintas excelle.
Avec lui, et ce n’est à mes yeux que justice, tout le monde en prend pour son grade.
Ses vues ne sont pas celles d’un quelconque Olympien rescapé d’une vaste purge qui aurait vu disparaître tous les dieux réduits à de simples figures mythologiques pour enfants mais celle d’un homme libre parfaitement conscient du fait tout simple mais aux conséquences abyssales que les humains ont une fâcheuse tendance, lorsqu’ils chassent en meute, à confondre leur liberté avec un manque total du sens de leurs responsabilités qui les conduit parfois jusqu’à la folie criminelle pure et simple, la plus abjecte qui se puisse concevoir, et ce au nom même d’une prétendue responsabilité due à une religion, un Etat ou bien une identité nationale bricolée ou rafistolée, voire les trois réunis en un magma nauséabond !
Si le monde est un panier de crabes, alors il faut reconnaître qu’il en existe de tailles très diverses ! Mais laissons de côté cette métaphore quasi familiale !
La métaphore thalassique est elle aussi séduisante : on y voit nager des requins dévorant allégrement des bancs entiers de petits poissons, mais c’est oublier, du même coup, les thons albacore, les requins-baleines et d’autres créatures marines tout aussi voraces.
L’humanité est certes une abstraction totalisante, il nous faut donc examiner ce que disent les uns et les autres d’eux-mêmes et des autres, en particulier de leurs autres, prendre en compte les nations constituées avec leur histoire - leurs belles histoires rassemblées en un roman national, un discours plus ou moins cohérent qui imprègne plus ou moins les consciences censées y adhérer - mais aussi les empires constitués qui, eux aussi, sont sur la corde, raide celle-ci pour le coup, de l’ordre et du chaos.
Être juste, c’est-à-dire nuancé dans ses appréciations, implique de se tenir en équilibre entre des instances apparemment opposées les unes aux autres : peuple/population, nation/empire, humanité/peuples singuliers.
Guerre et paix, étroitement imbriquées : Si vis pacem, para bellum !
Le réalisme le plus froid exige de nous l’abandon du pacifisme renvoyé aux calendes grecques, même si nous sommes attachés à la paix synonyme de prospérité, tout en étant conscient que paix universelle et prospérité pour tous ne sont que des vœux pieux dans un monde entièrement acquis au capitalisme capable, comme un virus, de muter sans cesse en inventant de nouvelles pratiques asservissantes et en créant de nouveaux marchés juteux pour seulement quelques-uns.
Nous tenons à la notion d’humanité, plus exactement à la notion de condition humaine toujours en situation, comme nous l’a magistralement appris Jean-Paul Sartre : il nous faut tenir ce fil, l’agiter, le faire vibrer encore et encore afin d’en faire entendre toutes les harmoniques, ce qui va bien au-delà du simple souci politique mais engage-embarque toutes les activités humaines qui donnent forme et sens, en-deçà, et non au-delà, de tout contenu implicite-explicite propre à tel ou tel groupe humain, à cette fichue existence qu’il nous faut traverser debout et la tête haute. Une nuque raide est en cela fort utile.
Il y a toujours un revers à la médaille ; il faut donc bien la soupeser en la faisant tourner entre notre pouce et notre index : à la fois indiquer ce qu’il en est vraiment dans ce qui est en s’en tenant aux faits dûment vérifiés et en jouant du pouce pour tantôt fermement condamner ou au contraire gracier, amnistier, pardonner, au moins en pensée.
La justice des hommes, toute nécessaire qu’elle soit, est si imparfaite, souvent aux ordres du politique et toujours inféodée à des principes dont la légitimité sera toujours discutable et discutée que nous nous voyons contraints d’exercer pleinement notre libre arbitre face à ses jugements à l’emporte-pièce.
La liberté ou rien !
La justice divine n’existe pas. Les religions, ces plaies purulentes qui prétendent nous guérir d’un mal imaginaire, sont à mes yeux bonnes pour les chiottes. Je ne leur accorde aucun crédit ; au mieux, elles agissent sur la misère humaine comme un emplâtre sur une jambe de bois, même si, çà et là, de bonnes âmes soulagent les souffrances de quelques humains.
Je ferai une exception pour les religions animistes persécutées par les monothéismes, mais dont certains ne se gênent pas, hélas, pour en faire un socle identitaire de pacotille, un de plus.
Poutine, dans son cynisme souriant dont il est coutumier, nous délivre un message tout simple : ou bien nous appartenons à une nation colonisée, et alors nous n’avons plus qu’à fermer notre gueule et à souffrir en silence ou bien nous appartenons au peuple colonisateur qui s’arroge droit de vie, de mort et de cuissage sur les colonisés.
Il faudra sortir, au moins mentalement dans un premier temps, de cette alternative délétère inventée par tous ces nationalistes comparables aux hérissons de Schopenhauer blottis les uns contre les autres, qui ont besoin de ce qu’ils combattent pour exister pleinement, jamais en reste pour sortir de leur chapeau magique un nouvel ennemi à abattre, malades du pouvoir, profilsüchtig, comme on dit en allemand, une langue qui, plus que beaucoup d’autres aura été triturée dans tous les sens par les nazis, ces fanatiques de la race appelée soi-disant à purifier et dominer le monde, et qui, non contents de massacrer de pauvres gens par millions, auront aussi souillé la langue de leurs ancêtres.
Am deutschen Wesen soll die Welt genesen, nous dit la maxime qu’étudiant en fac à Besançon je m’amusai un jour à transformer en : Am deutschen Wesen soll die Welt verwesen, fidèle en cela, à l’époque, à la méfiance viscérale que ma grand-mère germanophone vouait, dans l’après-guerre, aux Allemands et aux Autrichiens - on les oublie trop souvent, ceux-là ! - qui avaient annexé sa terre natale et tué sa meilleure amie de confession juive.
Depuis lors, l’eau a coulé sous les ponts, les eaux, devrais-je dire ; les flots nationalistes ont décru sans jamais tout à fait tarir, hélas. Les ponts demeurent, témoins de tant de choses ; je songe au beau Danube bleu dont les eaux en aval de Budapest devinrent rouge sang…
Que les Ukrainiens défendent bec et ongle leur patrie, dont les Russes contestent jusqu’à l’existence, ne souffre à mon sens aucune discussion, sauf à faire le jeu des nationalistes russes. C’est tout bêtement une question de vie ou de mort, et pour les éventuels survivants une question de liberté pleine et entière préservée face à une nation hostile qui veut les asservir.
Il n’en reste pas moins que les pratiques ukrainiennes qui consistent à combattre en milieu urbain et non en rase campagne, comme ce fut le cas en 14-18, est tout à fait discutable. Ce choix stratégique leur appartient, leurs conséquences aussi dont ils devront répondre au moins devant leur population. Ajoutons pour être tout à fait juste que les combats de tranchées en rase campagne n’ont nullement empêché l’artillerie allemande de détruire de nombreuses villes françaises. Les Russes, eux aussi, ne se privent pas de détruire de fond en comble des villes entières. Rien n’est simple…
Il faut bien avoir en tête que des nations entières, de nos jours encore, estiment légitimes d’en opprimer d’autres voire de les exterminer partiellement ou totalement, que la Russie, par ses actions et les exactions commises par sa soldatesque, s’inscrit dans cette funeste tradition.
Mais vous comprenez, on est tellement meilleurs que vous à tous points de vue ! Je pense traduire la pensée des nationaliste russes et de tous les nationalistes dans le monde en lançant cette formule dont l’apparente candeur cache mal la profonde perversité.
Une culture, si brillante soit-elle, au moins à ses propres yeux, qui nourrit en son sein une telle pensée, mérite-t-elle encore le nom de culture ? Je laisse la question ouverte, songeant à Morgenthau et tout un ensemble d’idéologues américains qui défendaient la thèse selon laquelle le nazisme était le rejeton de la culture allemande perverse en son fond. Ce que personnellement je récuse, prenant ainsi au passage la défense de la culture russe et ukrainienne en particulier, en ajoutant brièvement que Heinrich Heine, Bertolt Brecht, Walter Benjamin, Paul Celan, et tant d’autres, juifs ou non-juifs, ont vécu de la langue et de la culture allemande, l’ont fait vivre et revivre de manière éclatante, ce qui n’a pas peu contribué à faire d’elle une culture admirable portée par une langue admirable en dépit de tous les assauts intérieurs qu’elle a subis et des attaques extérieures dont elle fut l’objet, tant de la part des Français revanchards, ignares ou jaloux, que des Anglo-saxons qui se veulent encore et toujours les champions d’un ordre moral dont nous n’avons que faire. Que chacun balaie devant sa porte !
Mais, ne pourrait-on dire que toutes les cultures et toutes les langues méritent notre admiration, étant en fait hors mérite parce qu’existant purement et simplement, et par le fait à la fois le témoin et le témoignage vivant et vibrant de ce qui assume symboliquement, à travers les arts et les sciences ainsi que leurs us et coutumes, toute la charge affective, spirituelle et intellectuelle de ce que je persiste à nommer la condition humaine ?
Ubi bene, ibi patria ?
Hélas non, car cet adage valable à mes yeux pour tous les migrants qui s’installent et tentent de prospérer dans l’amour raisonné ou passionné de leur nouvelle patrie d’adoption, émane d’une nation rapace et colonisatrice qui aura détruit nombre de cultures, comme tentent de le faire de nos jours ces Chinois arrogants qui sinisent le Tibet, après avoir détruit la culture manchoue et bien d’autres jugées par eux minoritaires et ces Russes qui présentent tous les symptômes de la fameuse nation assiégée qui n’aurait vu d’autre issue dans son histoire que l’expansion coloniale pour se défendre et qui, de nos jours encore, se défend d’être agressive en plaidant la légitime défense.
Vu de Sirius, je le sais sans le savoir, tout cela peut paraître bien dérisoire, mais qu’avons-nous d’autre à offrir dans ce vaste univers qui nous ignore superbement que notre art et nos sempiternels conflits d’intérêts, notre science et nos guerres sanglantes qui nous rabattent vers ce que tous et toutes nous sommes profondément ?
Œdipe à Colonne n’a pas fini de nous émouvoir.
On me permettra, pour une fois, de ne pas conclure, n’ayant rien de concluant à dire d’une histoire qui suit son bien triste cours comme elle nous y a accoutumés, à cette nuance près, et de taille, que nous sommes dans ce foutu monde quelques-uns et quelques-unes à ne pas vouloir nous en faire accroire, à ne pas vouloir nous résigner à ce qui a toutes les apparences pompeuses d’un état de fait irrévocable car c’est le goût de la liberté pour tous et pour toutes qui nous portera et nous guidera jusqu’à notre dernier souffle.
Jean-Michel Guyot
6 août 2022
Halte au feuilleton II par Stéphane Pucheu
Ce conflit qui s’ajoute au délitement général est bien la preuve que la haute gouvernance est accaparée par le Néant, que j’ai récemment évoqué - ô divin hasard ? ... - dans mon essai " Littérature et nihilisme ou Le verbe et le néant ".
La vacance spirituelle des esprits, voilà le grand ennemi, au-delà, bien au-delà des considérations géopolitiques, idéologiques et, surtout, économiques.
Dans un monde dominé par la technique et la technologie - et leur corollaire, c’est-à-dire une logique de pensée qui revêt les apparences d’une intelligence - , les humanités, qui ont pendant longtemps affirmé leur saine suprématie - comment contester la sensibilité aux sciences humaines et sociales, aux langues et bien entendu à l’art, vecteurs à la fois d’ouverture d’esprit et de force morale ? - ont été reléguées, c’est un euphémisme. Néanmoins, au regard de l’Histoire, force est de constater que l’Occident est revenu à la source pour se régénérer, en témoigne la Renaissance, démontrant une fois de plus la haute intensité de l’esprit d’origine, soit du socle gréco-romain.
Le concept de travail étant devenu aussi évaporé que les discours sans nombre des communicants, ceux-ci ayant créé un vaste espace verbeux dont le visage est celui du Néant, il est donc temps de le réhabiliter, de mettre en exergue son essence, ainsi que sa membrane, la dignité. Et de sortir de la mollitia, comme disaient parmi nos ancêtres les Romains, de cette numérisation sans fin du monde qui engendre une néo-plèbe toujours prompte à s’extasier devant, précisément, le Néant.
L’accent sur l’instruction paraît évident comme le souligne justement Jean-Michel Guyot. L’hystérie belliqueuse, dénoncée avec force détails par Patrick Cintas renvoie elle aussi, probablement, à un certain ennui global.
Dans ces conditions, comment ne pas comprendre le ressentiment des Russes à l’égard de l’arrogance occidentale ? Comment ne pas voir l’abus américain qui avance ses pions jusqu’à la frontière russe de manière invisible ? Ne se souvient-on déjà plus, tout en étant critique à l’égard de l’URSS, que la Russie d’alors avait le mérite d’obliger l’Occident à gouverner ses populations dans la décence ?
Il ne faut jamais oublier que les grandes nations sont éternelles. Regardez l’Italie, dissoute au temps des invasions barbares, ressuscitée avec la Renaissance et unifiée au XIXe siècle, faisant succéder la nation à l’Empire.
La Russie, c’est la patrie de Dostoïesvski, Nabokov, Prokofiev, Rachmaninov, Malevitch, Kandisky et autres marqueurs de l’art. L’attribuer de tous les maux est donc parfaitement injuste.
Quant à l’ivresse communicationnelle en cours qui incarne la parole du Néant, elle sera je l’espère balayée par les permanences, par ce qui est immuable et incritiquable. A l’image de la vache, animal sacré ou totémique. Oui, cet animal placide et éternel qui occupe un vaste espace en toute liberté, pour nous donner son lait, sa bonté... et sa présence bienfaitrice. Ataraxique. Et c’est peut-être dans le regard qu’elle porte sur nous que tout est dit : comme si elle prononçait l’assertion pascalienne le malheur de l’homme provient de son incapacité à ne pas demeurer seul dans sa chambre...
10 AOUT 2022
Enfance en forme de tragédie par Patrick Cintas
Que brote la sangre – devise de Joaquín Murieta.
Voici des enfants non pas en forme de poire, mais de tragédie, à la manière aristotélicienne qui est aussi la manière hollywoodienne.
L’acte I était émouvant et juste. Le deuxième acte, promu à la télé et autres supports médiatiques par le président Zelenski, illustre parfaitement la méthode mise en œuvre par les salauds qui nous gouvernent sous prétexte de « patriotisme » alors que seul le nationalisme de la phynance est en vigueur, en ce moment au paroxysme de l’horreur.
L’enfant voudra bien se charger d’illustrer l’acte III et dernier. Il en sera le seul auteur.
Nouvelle de la guerre (nouvelle) par Patrick Cintas
des milliers de morts qui laissent femmes, enfants, amis, voisins, pommiers, rues, canaux, terrasses, chats avec chiens, chats sans chien, bancs, allées, poissons rouges, feuilles mortes, herbes folles, herbes vertes, rivière, enfance, chemins, écorces, fils, poètes, chansons, oiseaux, fontaines, assiettes, nappes, taches, traces, sourires, couchers, levers, midis, voyages, horizons, trous, mémoires, jambes, boucles, vitesses, bouchons, lignes, reflets, rayons, pas, larmes, dents, de quoi, pas assez, choses, autres, films, jeux, musiques, bruits, rimes, passages, escaliers, trains, chevaux, lointains, aquarelles, des fois, jamais, cuirs, mains, seins, éphélides, crasses, déchirures, sang, retours, quais, hauts, bas, rien, pourquois, comments, valises, livres, messages, chants, silence, nuits, bêtises, Pessoa, murs, vitrines, clapotis, marbres, pylônes, ailes, divers, saisons, châteaux —voix off : Continuez ! Ça me fait bander !— il continue, marche, marche, écrans, foyers, ancêtres, mouchoirs, soies, mèches, missels, violettes, craquelures, cannes, coins, portes, paillassons, WC, poignées, poignets, rayons (vélo), descentes, montées, klaxons, saxo, basson, diapason, louvines, couteaux, érosions, échos, algues, crabes, épaules, poursuites, ivresses, encores, fossiles, lionne (une), soyez (demande), soyez (ordre), venez (non), viens (oui), pierres, talus, fossés, soleil (un), masques, branches (généalogie), attentes, jalousies, pirouettes, ponts (plusieurs), nous, eux, là-bas, ici, venez (peut-être), jours, rêves, discours, extases, risques, vides, pleins, charmes, vue (de près), vue (de loin), pentes, ruisseaux, buissons, trompettes, mauves, rossignols, cerisiers, douves, arcs-boutants, ogives, visages, deux, trois, connus, inconnus, assez, trop, tranquilles, Pessoa, voix (off), tabac —Continuez ! Ça me fait bander !— toux, caresses, dos, œufs, draps, coulisses, tringles, joies, voix (personnages), aveugles, muets, culs-de-jatte, ombres, drap (un), balcon, rugosités, dalles, obliques, fins, commencements, jardinières, humus, fers (outil), Ana, connus, inconnus, partis, revenus, —Ya une bonne heure qu’il est mort— éventails, taureaux, ors, courbes, hanches, reins, cous, perles, clarines, naseaux, noirs, blancs, vivants, vifs, vivaces, paseos, clarines (2), manteaux, transparences, riches, pauvres, moyens, heures, mots, dires —Ne restez pas là !— laisse moments, instants, recueils, usages, vins, sœurs, cousines, passantes, dragées, babas, Monbazillac, vomis, papiers, écritures, gravures, opinel, demains, lendemains, projections, sommeils, humidités, ouvertures, terrasses, plates-bandes, pieds, coudes, tétons, surfaces —Je reviens dans une minute— dit-il, fait chaud sous la tente, pas un cri, morts, membres, odeurs, nuages, crépitements (pluie), revient, injecte —Il était temps !— couleurs, couleurs, couleurs creeps in this petty pace from day to day —Demain ! Je dis demain ! [il n’entend plus] — non, il n’écoute plus, moi-même si…— milliers, mois, laissant, impuissants, puis : personne : tous enfuis : flacon perfu vide, doigts gelés, poêle ne ronfle plus, chez Papy il ronflait, tout nu sur un vieux pneu, casquette sur l’œil, ronflait le poêle, beaux boulets noirs et scintillants, lumière, laisse aussi lumière, laisse jeux au mur, laisse ombre chaise sans Papy assis, il manœuvre le volet, vent levé, enfin, dit-il, chassera ces maudits corbeaux, et l’existence ne reprend pas, fil rompu hier avec chants nationaux [personne ne vient…] —nus, châlits, sacs (trois), intendance suit, avant-poème, casemates, zigzags, filait comme un rat, devant moi, jambes arrachées, hurlait, moi rien, puis ventre frappé, paroi s’écroule, mottes sur la langue, Papy n’est plus là, le poêle des hivers non plus, l’avenir est européen —Mets-toi ça dans le crâne, Alla !— fille, garçon, âges des uns et des autres, laissé cela, loin maintenant, ici terre nationale mais ma terre est ailleurs, plus loin, voisine Alla aussi, plus loin cousine Alla, musulmans aussi Alla —Qu’est-ce que j’ai mal !— mais il n’y avait plus personne pour entendre, une heure avant ils n’écoutaient pas, le type aux jambes arrachées est mort —Toi aussi tu vas mourir, Alla !— disait Papy en remontant les boulets, seau sonore, poussière vite balayée par Mammy, on s’activait, la paix inspire le travail, même inutile on est toujours content de travailler, dit-il et le papier s’enflammait dans ses mains, petites bûches frémissantes, cette habitude qui garantit le succès, mais personne pour dire oui ou non tu as raison ou tu as tort, nous aimons la terre de ses propriétaires, chantez, gargouillez, soyez enfants, je mangerais bien une aile de poulet —Ya personne ?— au lieu de crier ya quelqu’un, ce qu’on sait, ce qu’on ne veut pas savoir, mort pour des prunes, les prunes des propriétaires, ils les font valser entre les cuisses de nos filles et les filles de nos filles ne sont plus les nôtres, corrompus, hypocrites, voleurs, trop tard pour la colère, il fallait avant, maintenant le mal est en moi —se dit-il sans cesser de penser aussi à autre chose, les femmes du voisinage, celles de la maison, les hommes déjà partis, ce qu’il faut donner pour être, et ce qu’on reçoit pour exister —Ya personne ?— cette fois c’est la bonne question, mais c’est la même réponse, il faudra que je réfléchisse à ça, sauf que je n’en ai peut-être plus pour longtemps —Pourquoi êtes-vous partis ?— tous, partis, pourquoi, mon âge ne vous dit-il rien ? —Trop tard pour l’émotion…— Ne vaut-il pas mieux relire un de ces beaux poèmes que le Temps retient par le cou plutôt que de soliloquer alors que personne… ?— emprunter les mots qui ont déjà soumis leur sens à l’épreuve du Temps, mes propres mots ne valent rien, je le sais et ça me chagrine, c’est comme demander personne au lieu de quelqu’un, nu sur le vieux pneu près du poêle qui ronfle, portière rouge, les yeux près du brasier, à peine si tu pouvais respirer, comme maintenant, respirer encore, poitrine capable de gonfler les poumons, ils ont laissé ma plaque intacte, pensaient que j’avais une chance, je ne l’ai plus, la nuit tombe, ou un nuage de poussière comme celui qui suivait Papy dans le couloir, l’interminable couloir aux locataires immobiles, seuils des raies de lumière sous les portes —Passe devant, Alla !— comme si j’allais me perdre en restant derrière, on entendait les balles d’Alla contre la paroi vitrée du rez-de-chaussée —Sais-tu au moins où tu habites ?— je le savais, tous morts un jour de fête, pas de fête nationale, fête familiale, alors que j’étais loin, terré, encore vivant, presque mort, mort depuis des jours, mais la vie revient, elle rôde mieux que la mort, elle sent la graisse des fusils —Personne ? Quelqu’un ?— des milliers, comme moi, seuls et encore vivants, morts à peine, sans paradis, ni enfer, ni rien qui ressemble au purgatoire, juste le vent dans la toile, et le dépôt des poussières que le vent chasse et rattrape, avec les feuilles de l’automne, les brindilles de nos pas, les branches cassées de nos fuites, la balle a traversé mon ventre, c’est ce que ce type que je ne connaissais pas a dit —La balle est ressortie par là…— et son doigt désignait quelque chose au niveau de mes reins, sans y pénétrer, l’autre écarquillant les yeux, me regardant à la sauvette, comme s’il se voyait à ma place, il est parti lui aussi, les morts sont restés, sans draps, nus ou entortillés dans ce qui reste de leurs treillis, je ne connais personne ici, ceux que je connaissais sont morts, ils ne sont pas retournés chez eux, le seul endroit où on se sent bien, on ne se sent pas à son aise dans une nation, on sort de chez soi seulement si c’est la guerre, et je suis sorti, comme tout le monde, laissant femmes, enfants, voisines, vieux jouets recyclés, refrains, vieux contes du soir, chansons du matin, fontaines de jouvence —Ils détruisent tout !— mais je n’étais déjà plus là, j’avançais, m’éloignant, pour aller où, avec qui, de seul qu’on était, bien avec les siens et ses petites propriétés, on devient ce que nous sommes tous quand nous ne sommes plus nous-mêmes, fiers de l’être, zigzaguant aux tranchées, plus vite que l’officier qui gueule, en avant, et soudain le ciel devient toile de tente, pas de lumière au plafond, ne fumez pas, ne criez pas, étouffez les cris, mordez la poussière si vous ne sentez plus rien —Ya plus que lui, dit-il. Ça sert à rien de rester ici. Partons. Toi et moi partons. Il n’en a plus pour longtemps de toute façon— partis comme ils étaient venus, comme l’air qui entre et sort, voltiges des poussières, du noir, du blanc, j’en ai la langue noircie, puis blanchie, puis encore noire, et blanche, comme si le Temps se comptait ainsi désormais, pas un visage, des corps ça oui mais sans visages, des godasses crottées, déchirées, ouvertes, pieds en os —Comment s’appelait-elle ?— Vous n’allez pas recommencer !— ils recommençaient, la même fille mais enfant, je ne l’ai pas connue enfant, pas même en photo, connue entre les autres, choisie ou choisi par elle, comment savoir, trop tard pour y penser, pas le temps de savoir ce qui s’est réellement passé entre elle et moi, enfants aussi, poupons automates, charmants de naïveté et d’anticipation, qui aime qui —Tu ne sauras jamais ce genre de chose, mec. Personne ne le sait jamais. On finit sans savoir. Alors autant s’en foutre dès maintenant. Tu me suis ? (à l’autre) Il est entrain de tourner de l’œil— blablabla, pensez à la mort avant d’y aller, plus de femmes, ni d’enfants, des cadavres aux brancards, la terre des pluies dehors, et dedans l’obscurité s’organise, comme au théâtre, sauf que personne n’entre ni ne sort, on entend la pluie, les ruissellements, les craquements, les gaz, plus une trace de volonté dans ces corps, pas même moi, volontaire, une fois suffit, c’est la saison des pommes, nous avons de beaux pommiers, un ruisseau au milieu, et ce chemin que nous pratiquons depuis l’enfance, clôtures aujourd’hui sous la boue, fil de fer et piquets, le portail avec ses charnières en pneu, ses gros clous de jadis, tête large sous la rouille, vous ne connaîtrez plus la mousse des écorces ni le saut de la carpe —Je te dis qu’il est foutu ! Partons avant que ça nous tombe dessus— et dans ma mémoire vaseuse ils partaient sans se retourner et pourtant ils se sont retournés aucun homme ne s’en va sans se retourner, la toile est retombée, un instant la pluie à verse, les giclées des flaques, ça sentait la neige, chez nous aussi il neige, mais plus tard, et nos pas nous suivent, ainsi chaque hiver, mais la saison des pommes commence, pommiers arrachés par les souffles verticaux, puis traversant l’horizon des fenêtres, si toutefois on est encore là, hagard, n’y croyant pas, qui sont-ils, femme morte en criant le nom de chacun de nos enfants, pas le mien, trop tard pour le mien, disait-il, et nous avons avalé nos verres sans nous faire prier —Des fois ils reviennent de loin…— insiste l’autre et l’autre secoue la tête en pinçant les lèvres —Je le connais. Connaissais sa femme. Plus d’enfants. À quoi bon revenir, même estropié ou à moitié fou ?— l’autre secoue aussi sa tête pour donner raison à la raison —Partons avant qu’ils arrivent. (constatant) J’en ai plus…— sa main efface les ampoules de la table, on ne les entend pas chuter, chuter sur quoi, il n’y en a plus —Il vaut mieux qu’il meure avant que ça ne fasse plus de l’effet— et la toile est retombée, je pensais qu’il valait mieux que je meure avant que ça ne fasse plus d’effet, j’aimais cet effet, je savais ce qu’il réduisait presque à néant, tout à fait non, la douleur s’agitait comme une marionnette qui veut sortir de la malle, averse dehors, aucune odeur de tabac, plus de sentinelles (donc), une vraie solitude, à l’abri de la pluie, mais pas du feu, d’ailleurs j’ai froid, j’attends impatiemment la douleur, je la vois, mais la malle est fermée, je suis assis dessus, je ris, je deviens fou, plus personne à qui parler, tout ceci disparaîtra un jour, la ferraille rouge, les traverses métalliques, les toiles que le vent a commencé à déchirer et à emporter Dieu sait où, ces pauvres morts qui finiront par me ressembler, il y aura des pommiers, comme naguère chez moi, et des carpes en rut surgissant de l’eau tranquille, des clôtures, des animaux, des filles en jean, des garçons nouvellement conçus pour elles, des enfants qui ne savent pas trop, mais qui rêvent déjà, j’ai connu ça, en mon heure printanière, plein d’amour pour la vie et de reconnaissance envers mes aïeuls, de la fraternité au cœur et du désir entre les jambes, tout ceci, sans aucune erreur de conception ni d’intention, tout ceci sera effacé, sans ratures, sans palimpseste, sans torticolis historique, et je ne serais plus là, emporté par d’autres rêves, rêves noirs de suie et de graisse, sport désormais national, heureusement le corps a d’autres souvenirs, une génétique gagnée sur la connaissance de la douleur, femmes, enfants, voisines, cousines, pommiers, parties de pêche, la yole filant dans les ondes que les rives croisent sous ce beau soleil d’été, à l’heure où je jouis pour la première fois avec quelqu’un —Il délire… C’est l’effet, tu comprends ? J’ai bien envie d’en prendre… Tu en veux ? Il reste deux ampoules… (maugréant) Il n’en a plus besoin. Il sera mort avant que la douleur…— déjà le troisième acte, celui qui ne peut pas changer le cours des choses, j’ai eu ma chance, je ne l’ai pas saisie, fuir, traverser la frontière, ne pas revenir, laisser femmes, enfants, cousines, voisines, mais ne pas mourir comme ça, seul au milieu des morts, sous cette pluie qui rage, avec le vent rage de ne pas pouvoir emporter tout ça ailleurs où ça n’existe pas, quand ça arrive tu as le choix, mais tu as perdu, mort ou vivant tu es le perdant, et tes femmes, tes enfants, tes cousines, tes voisines sont perdues, vivants ou morts ils sont perdus, tu ne les retrouveras plus, sans paradis on ne retrouve plus ce qu’on a laissé, et sans enfer on ne revient plus pour fouiller la terre où tout ceci s’est passé —Viens, te dis-je ! Nous avons deux ampoules et un flacon de gnôle, deux paquets de tabac pas entamés et de quoi nous caler l’estomac si jamais on se perd dans la nuit— car la nuit va tomber et l’autre en a peur, il a peur de sortir, sous la pluie sortir, on ne sait pas ce que c’est cette pluie, il a vu le film japonais, au ciné-club, les joues noires de la fille, la surface de la mer qui noircit, les écailles noires maintenant —Cesse de te mettre des idées dans ce crâne qui n’est pas fait pour en avoir, merde ! Suis-moi ! (hésitant) Y aller seul… (en aparté) Moi, seul, alors que la nuit va tomber et Dieu sait quoi encore de ce maudit ciel qui ne nous appartient plus depuis que nous avons perdu la guerre… (à haute voix, terrible comme s’il présidait un congrès de fuyards) Reste ici si tu veux mais moi j’emporte les ampoules et tout le reste… (attendant la réaction de l’autre) Tu en veux une gorgée… ? Bois, si ça te chante de rester ici. Il sera mort et toi vivant mais jusqu’à quand ? (tendant le flacon à la belle étiquette pleine de couleurs) Bois si c’est tout ce que tu sais faire maintenant que tu te sens plus seul que lui !— ils sortent, la toile ouverte, la pluie cisaille l’air gris, noir par endroit, lumière grise et ombre noire, ou quelque chose comme ça, j’imagine —Fais gaffe à pas mettre tes sales pieds de citadin là où il faut pas !— entends-je encore, puis plus rien, les craquements de jointures, les gaz qui filtrent à travers les tissus, personne ne bouge, mais ce n’est plus personne, un mort, je me sens quelqu’un, pour pas longtemps encore, j’en ai vu d’autres , mais pas comme ça, sans rien entre moi et la mort, ni femmes, ni enfants ni, il y a aussi les œillets, des brassées d’œillets, des coups de brosse dans tous les sens, aux poitrines des cueilleuses, en Espagne c’est pour les morts, ici c’est pour les balcons et les rebords de fenêtres, pour les angles des jardins, pour les cheveux de celle qui promet de me pas tenir sa promesse d’enfant —Quelqu’un me fera-t-il la grâce de parler ? Dire quelque chose qui ressemble à quelque chose ? Et non point laisser les gaz fuir par tous les trous ! Répétez après moi…— partition aussi éphémère que le papillon qui n’est pas un morio, douleur se signale par une torsion vertébrale, moelle coupée sans doute, survivre en paralytique assisté par le gouvernement, avec médaille à l’appui, embrassades au podium comme un athlète, filles aux jambes choisies, belles chevelures de filles de messe, Papy encourageait la foule, secouant son vieux chapeau de cuir, peau de rhinocéros, avec dents de lion, loin j’étais de m’imaginer qu’un jour je serais ce vainqueur illusoire, jambes immobiles et queue dressée, ô fessier sous la jupe sportivement enfilée, m’imaginant plutôt mort et enterré avec croix dessus et dessous de belles pierres empruntées aux réserves du cimetière, me voyant traverser des corps vaincus et retrouvant mes esprits dans un joyeux banquet de vainqueurs, de toute façon les uns gagnaient et les autres perdaient et je voyais bien que c’est toujours ce qui arrive à celui qui préfère ses pommiers aux industries de nos propriétaires, ils ont tellement besoin de nous, (se reprenant alors que la douleur atteint des zones sans traces de morphine) le gagnant ne gagne rien, Ernie, mais le perdant que perd-il s’il ne possède plus rien ? pensai-je sans y penser parce que penser dans la douleur devient vite impossible et le cri devient alors beaucoup plus efficace que la raison, même s’il n’y a plus personne pour entendre, même si demain je suis emmailloté dans des draps frais avec injection de morphine à volonté en attendant que tout ça se termine comme s’achève toute bonne histoire à raconter à ses petits-enfants