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III - serena
L’enquête de Frank Chercos - chapitre XXIII - 7

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 Article publié le 26 février 2023.

oOo

— Vous n’allez tout de même pas…

— Je ne suis pas un loup-garou.

— Les ce que vous dites c’est avec une balle d’argent

— Moi ce sera de l’or je n’ai pas de plomb

— C’est de la folie ! Je ne vous laisserai pas…

La flamme s’éteignit dans la lutte. Le dos de Frank Chercos l’étouffa. Roger était sur lui, brandissant le bridge comme une arme. Elle allait s’abattre sur. Mais il renversa la situation. Heureusement parce que sinon. Et Roger s’immobilisa enfin dans le fauteuil parmi des coussins innombrables, aussi nombreux qu’il l’avait toujours souhaité. Frank trouva le temps d’allumer une cigarette avant de reprendre la conversation interrompue par. La flamme dura un instant et Roger réclama un verre. Frank, jugeant sans doute justement, qu’il s’agirait d’un verre de trop, reboucha la bouteille qui gémit en même temps que le bouchon s’enfonçait et Roger eut la sale sensation de se faire enculer une fois de plus par l’histoire, celle qu’il ne pouvait plus raconter parce qu’elle s’était compliquée. Un air à peine frais circulait sans logique. Il y mit le nez et respira ces parfums de fleurs aussi différentes que probables.

— Vous allez trop loin, Roger, dit Frank.

— Et vous pas assez !

Frank reconnut la justesse d’un tel propos., une fois de plus. Ses joues étaient inégalement rasées, deux heures séparaient leurs rasages respectifs et cette dissymétrie le hantait. Il ne savait plus laquelle frotter pour avoir l’air de penser à autre chose. La fumée allait vers la fenêtre, revenait puis sombrait à ses pieds comme la vague des naufrages.

— Vous voulez dire que… commença-t-il

Roger profita de cet instant de faiblesse mentale pour remettre les choses à la place qu’elles occupaient avant que l’extraterrestre ne vienne interrompre la fin du repas, au moment où il s’apprêtait à achever la crème aux amandes.

— Je connais cette crème, dit Frank avec un accent de nostalgie. Elle m’en donnait toujours un verre si je passais par là et que c’était le jour de la crème aux amandes…

— Ce n’est pas le sujet…

— Le sujet c’est cette maudite balle en or !

— Le sujet c’est cet extraterrestre qui a entrepris de m’enlever ma mère !

— Mais il est mort cette nuit !

— Pas celui-là, Frank !

Il y avait deux extraterrestres et le deuxième était vivant. Frank l’avait raté de peu. Roger montra comment sa mère et l’alien s’étaient mis en route pour aller louer une barque à fond plat. Frank le regarda évoluer sur le tapis dont la bordure personnifiait le rivage avec son petit port de plaisance.

— Ça ne personnifie rien, dit Frank avec prudence. Ça représente. C’est tout.

— Je ne suis pas mathématicien, s’écria Roger menaçant encore avec le bridge en l’air. Je suis un homme… de théâtre. (il fait des pas) Je joue. J’interprète. Je fascine quelquefois. Jamais rideau n’est tombé sur la tête du souffleur.

— Qu’est-ce que vous dites… oh !

Roger reprit place dans le fauteuil. Il avait terriblement mal au crâne, une douleur écrasante.

— Nous devrions rouvrir cette bouteille, vous et moi…

— Ni vous ni moi… Je vais aller jeter un œil du côté de l’Aulnier, à la hauteur du port, si vous voyez ce que je veux dire.

— On voit tout sur le pont. Parapet fleuri aux frais de la population. Dessous les amoureux sautent dans les barques et les rames rutilent dans le soleil. Vous verrez…

Frank ne prit pas le temps de voir ce que Roger voyait, mais il attendit que le sommeil l’entreprenne et il se glissa dehors comme il était venu. Il ne croyait guère à cette histoire de vieille qui renoue avec les choses de la chair parce qu’un extraterrestre lui conte fleurette. Dans le hall, il demanda des nouvelles de l’autopsie au téléphone. Le cadavre était en attente. Le Parquet ne communiquait pas. À la radio locale, on s’intéressait plutôt à la sortie de Ben Balada qui ne sortait toujours pas ou alors il était sorti et on s’était fait berner une fois de plus. On attendait de savoir. Frank raccrocha sans bruit. Des lys lui chatouillaient les narines. Il caressa un moment la dentelle de la console. Son visage n’avait pas changé. Il ne changerait jamais s’il continuait d’en guetter les changements dans les miroirs que le hasard de ses déambulations mettait sur son chemin. Dehors, on pouvait entendre les véhicules secouer le gravier du château qu’il ne chercha pas à approcher. Il craignait de rencontrer Anaïs. Ce serait inévitable. Elle ne quittait pas le château, jamais. Si vous la rencontriez, c’était dans les limites du château. Il n’y avait plus de vacances pour elle depuis que Ben Balada était en prison. Par contre le comte ne se privait pas. Il allait et venait. Entre le château et une quantité impossible à quantifier d’endroits dont la plupart vous étaient parfaitement inconnus. Vous ne savez jamais où vous mettez les pieds quand vous entrez dans un château où on ne s’adonne pas encore à la visite historique. Il sauta sur sa bicyclette et prit le chemin du port, descendant d’abord sous le pont avec les promeneurs pressés à cause du nombre limité de locations, puis il dut foncer à travers des feuillages inconnus qui caressèrent ses joues qu’il lui fut dès lors impossible de distinguer. Il n’y avait plus de barques à louer et les gens, jeunes pour la plupart, patientaient sur les clôtures de planches ou sur les piquets esseulés. Le gérant n’avait pas vu d’extraterrestre. Aucun extraterrestre ne l’avait payé pour mentir. Quant à la vieille, si elle existait, elle s’était peut-être noyée, plaisanta-t-il en se curant les narines. Frank renâcla. Roger lui avait encore raconté des histoires. Il remonta sur sa bicyclette et pédala jusqu’à la prison. Il y avait foule. On avait aperçu Ben Balada à une fenêtre. C’était une des fenêtres de la direction, indiquaient les mieux renseignés. Pas de Lazare dans le coin. Ni l’un, ni l’autre. Mais si on avait vu Ben Balada, c’est qu’il n’était pas sorti. Et s’il n’était pas sorti, il sortirait tôt ou tard. Et alors il faudrait être là pour assister à ce que cela provoquerait. On en avait une petite idée, mais on n’osait à peine y penser. On buvait sur place. Les perroquets répétaient, comme s’ils étaient venus pour jouer. Il ne manquait plus qu’une banda.

 

 

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