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 Article publié le 9 avril 2023.

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Le ciel bande son arc d’azur. Les yeux flottent dans l’air, cherchent en vain les deux extrémités de l’arc.

 

Ah s’il suffisait d’essaimer pour être aimé ! Assez, je laisse à d’autres le plaisir de procréer.

 

Un vase, une goutte.

Allez, avoue que tu préférerais être la goutte plutôt que le vase ! Tu débordes d’impatience à l’idée de déborder, mais cela ne te suffit pas.

 

Il me faudrait atteindre un point d’équilibre à partir duquel il me serait loisible de me taire une bonne fois, m’estimant heureux d’en être arrivé là où je suis.

Faire tant de chemin pour en arriver là peut paraître absurde, mais c’est un désir de sage plus que de philosophe, tu sais. Un sage que je suis bien loin d’être, je te rassure, alors je reprends la route. Tu m’excuseras auprès de nos invités. Il se fait tard.

 

Les sons aigrelets-maigrelets d’un certain rock-blues anglais à la fin des années soixante ; blues anémié qui appela en réaction un rock sur-vitaminé, gros son bien gras comme une grosse tache d’huile étalée sur une nappe toute blanche.

 

La dimension parodique perd de sa force à mesure que s’efface de l’actualité puis du contexte culturel tel ou tel travers dénoncé par une satire virulente. Que reste-t-il alors à se mettre sous la dent du strict point de vue esthétique ?

Chez Frank Zappa, satire mise à part, il nous reste une musique de grande qualité, composite, hétéroclite même, diront ses détracteurs. La musique atteint un premier sommet avec Uncle Meat dont une version longue restée longtemps inédite est désormais disponible. On pourrait s’installer dans cette musique des décennies durant, y vivre sans se soucier de personne.

Aussi loin que je me souvienne, tout jeune, j’aurais aimé me perdre et demeurer dans certaines musiques, bien planqué à l’abri des sillons de mes 33tours. Cette sensation heureuse apparut la première fois durant l’écoute de ThirdStone from the Sun de qui vous savez. La musique, en entrant en moi, me donnait le désir de résider en elle.

 

Ce goût immodéré pour les consonnes sourdes, d’où te vient-il ? et ce goût que tu as des consonnes soufflées sonores qu’on appelle plosives ? Tu t’es toujours appuyé sur le consonnantisme de la langue allemande, toi, le malentendant. Le brouillard sonore anglais, beaucoup trop aigu et nasillard, ne convenait pas à ton oreille qui entendait si mal dans les aigus.

Accent tonique sur la première, la deuxième ou la dernière syllabe : Arbeit, bearbeiten, Bäckerei : la langue allemande déconcerte par la richesse entrecroisée de ses rythmes, d’autant qu’un déplacement d’accent tonique change le sens de certains verbes.

La rythmique devient vertigineuse, lorsqu’il s’agit d’intoner des mots composés tels que celui-ci : Eierschalentsollbruchstellenverusacher !

Je n’ai compris la grammaire française qu’après avoir compris la syntaxe allemande ; j’ai alors porté un intérêt d’autant plus passionné à la grammaire française que j’y voyais une revanche à prendre sur l’abstraction mathématique à laquelle je ne comprenais que couic.

On comprend que j’ai toujours souri jaune à chaque fois qu’on m’a asséné le cliché d’une langue allemande difficile à réserver aux forts en thèmes, comme on disait encore au début des années 70. Comment faire comprendre aux gens que l’écolier en grande difficulté que j’étais s’est transformé en l’espace de seulement trois mois en un élève brillant capable de tenir la dragée haute à tous les élèves de son collège, et ce grâce à sa rencontre avec la langue allemande ?

 

Un homme de conviction.

Formule d’autant plus fascinante qu’il me semble pouvoir rencontrer des hommes et des femmes de conviction à chaque coin de rue. Imposture, imposture !

Conviction et indignation ne prouvent rien. Beaucoup de crimes de masse furent ordonnés ou perpétrés par des hommes et des femmes de conviction. Les nouvelles recrues formées à Ravensbrück avaient le choix entre se défiler ou en rajouter dans la violence comme cette Irma Grese de sinistre mémoire.

 

Il y a longtemps : ça cogite, ça s’agite, s’assagit.

 

Creuser pour creuser, cela ne se peut qu’entre toi et moi, jamais entre eux et nous. Il me faudrait plus de détails pour en démarrer le récit, sans qu’un terme suffisamment ferme puisse clore le débat qui agiterait l’ensemble de ces détails, je veux dire, leur nécessaire mise en ordre mise en branle par le récit pluriel.

Ecrire le récit de ce récit, voilà la tâche non pas ultime mais nécessaire, quoi qu’il en coûte.

La naïveté de tout récit : croire qu’un ordre naturel va s’y imposer, sans aucun déterminisme extérieur au récit lui-même : censure, auto-censure, contexte historique, état des lieux, c’est-à-dire des possibles qui s’offrent à la narration au sein d’une configuration historique déterminée.

 

Les faits, en eux-mêmes, ne signifient rien.

Il y aurait comme une balance de l’Histoire avec un plateau pour les bonnes actions, un autre pour les mauvaises. L’idée de la balance est habile : elle permet de relativiser les crimes : il suffit pour cela de charger le plateau consacré à ce qui es jugé positif.

Cette vieille idée égyptienne en console encore beaucoup de par le monde. L’Enfer pour les criminels de tous poils, le Paradis pour les Justes, ah Seigneur, c’est trop beau pour être vrai !

Au tribunal de l’histoire, tout le monde est juge et partie. S’il fallait répertorier et juger tous ls crimes, on n’en sortirait pas. Entendez-vous hurler les millions de millions de victimes depuis que les hommes se font la guerre ? Ils vous crient : Vous nous avez oubliés ! Alors pourquoi cette soudaine mémoire depuis 1945 ? Les Américains de 45, racistes pratiquant la ségrégation, jugent les nazis : c’est l’hôpital qui se moque de la charité. N’en persiste pas moins « dans l’esprit des gens » un besoin de justice, avec tous les accommodements que cela implique : crimes soviétiques jamais jugés, crimes nazis en partie jugés, crimes des uns et des autres, partout, de tout temps.

Les soviétiques ont combattu avec succès le nazisme (sacrifice de millions d’hommes et de femmes, en oubliant au passage de citer le rôle décisif du matériel militaire fourni par les USA), voilà pour le positif qui compense largement aux yeux des communistes français les crimes de masse et les déportations dans les goulags, crimes et déportations qu’ils approuvent tacitement, les jugeant nécessaires : il fallait bien défendre la révolution en éliminant ses ennemis. En d’autres termes, tous les moyens sont bons et la fin justifie les moyens.

Les crimes et les déportations ne sont pas mauvais, ne sont que la conséquence d’un idéal en marche. L’idéal justifie tous les crimes.

Plus de bourgeois ! Nous voilà enfin entre nous ! Que reste-t-il à faire ? Nous entretuer.

Pendant le chaos, des crimes et des crimes, des pillages, de l’enrichissement personnel, du sadisme débridé. Après le chaos, un ordre nouveau, rien de nouveau sous le soleil.

 

Faut-il regretter que ce qui fit ton malheur fut, pour notre bonheur de lecteurs, la substance -l’intense substance - de tes écrits ? Comme si ta poésie ne pouvait exister que fondée sur ce malheur dont il nous faudrait alors nous réjouir de ce qu’il fut à la source de tes écrits.

Faut-il déplorer que ce qui fit ton malheur fut la condition sine qua non de tes écrits poétiques ou, tout au contraire, célébrer non pas le malheur qui t’accabla mais ce que tu fus capable ta vie durant d’en faire, passant ainsi d’un enfer subi à un faire souverain ?

Déplorable, regrettable malheur sublimé par ton écriture : qu’aurais-tu bien pu écrire, si tu avais connu moins de malheur ? Mais ce malheur, comment faut-il l’entendre ? Deux fatalités obscurcissent une vie jusqu’à parfois la détruire : la vie familiale et l’Histoire. Jeté dans une famille et projeté dans l’Histoire, dès nos premiers jours nous surnageons en faisant au mieux ou au pire, c’est selon.

Le pur donné n’existe pas : les intentions des uns et des autres au sein d’une famille restent pour une large part obscure à celles et ceux qui les manifestent en actes et en paroles, obscures a fortiori à l’enfant qui les subit. Ces signes ne sont que des indications, selon la terminologie de Husserl, et nullement des expressions, de ce fait sujets à questionnement : qu’a-t-il/ qu’a-t-elle bien voulu signifier en me disant ceci, en me faisant subir cela ?

A cet impur donné, il faut donner un sens. Tout œuvre se construit sur cette nécessité vitale première, faisant des heurs et malheurs, de toutes les vicissitudes possibles non pas une raison d’être mais une raison de vivre et d’écrire.

Vivre d’écrire vaut mieux que vivre tout court. Si « aristocratie sans distinction » (Derrida) il y a, c’est bien là dans ce quelque part entre vivre et écrire qu’elle se manifeste de manière discrète ou éclatante. Ce quelque part mouvant est le lieu ou vie et écriture échangent leur flux, la sève des jours écrits montant dans l’arbre de vie que tu deviens et qui donnent les fruits nombreux d’un labeur d’écriture que tu sais interminable.

 

Le vif de la pensée glisse sur la pensée. Aucun arrêt possible, aucun fondement tangible, inaltérable, donné par avance, aucun a priori autre que ce glissement-même.

 

Il me fallut penser avant à ce qui ne pouvait advenir qu’après. Anticiper la fin, tout en laissant se dérouler la pelote.

 

Il nageait dans l’eau. L’eau ne nageait pas en lui. Il cherchait l’eau dans l’eau, pour cela introuvable.

 

Creuser pour établir de solides fondations.

« Creuser le terrain, chercher sur quelles fondations nous sommes établis ». (Blanchot, Celui qui ne m’accompagnait pas, 1953) :

A l’endroit où j’étais arrivé, je ne me tins pas longtemps. Le sentiment de posséder quelque chose d’infiniment important allait de pair avec l’impression que je n’en tirais pas parti, et bien qu’à l’usage l’importance fût presque sûrement destinée à se dissiper, je n’avais pas d’autre moyen de la maintenir vivante. Page 21/22

Tout ne serait qu’affaire d’impressions. User d’impressions au risque de les voir s’user. L’impression vécue comme outil d’arrachement au réel qui s’use au contact du réel, laisse le réel nu, l’impression une fois dissipée. Ne pas tirer parti du temps qui nous est imparti, voilà la clef du problème. Le problème étant qu’aucune porte n’existe qui convienne à cette clef. Tourner en rond dans l’espoir insensé d’épuiser le cercle, alors qu’on ne fait que le parcourir incessamment.

Sauter hors du cercle : bâtir le récit du saut hors de ce cercle. L’infinie importance portée par le récit : insaisissable présence diffuse, diffusion de l’insaisissable : le corps du texte du récit.

 

Ah les tavelures, je les aime plus pour le mot qui les désigne que pour ce qu’elles sont, moi qui ne suis plus à mes yeux qu’une vieille pomme d’api toute reintrie. La preuve ! même Word ignore ce mot trop comtois pour être au goût de tous ! 

 

Trop rare cardamine, je guette ta venue par les prés fleuris.

Depuis que mes boutons d’or, réfugiés dans mon petit pré qui me sert de pelouse sèche, près, tout près des Monts de Gy dans les pelouses sèches desquels poussent gaiement de délicates orchidées - je connais, non loin d’une vigne, un chemin au bord duquel pousse un majestueux cornouiller qui donnent de magnifiques fruits noirs - voilà que prolifèrent, à la faveur de trop de sécheresses, la Véronique de Perse et le Mouron qui ressemble à s’y méprendre au délicat Myosotis. J’ai semé des pavots de Californie qui se plaisent bien ici. Le ton oranger de leurs fleurs et le vert tendre de leurs tiges et feuilles envahissent peu à peu la petite parcelle de terre pauvre que j’ai reçue en héritage. De cardamines presque plus, hélas.

 

J’ai navigué d’isthme en isthme, ces virgules aquifères entre deux terres hostiles.

« Nos militaires » les appellent des brèches humides, lorsqu’il s’agit de les franchir, confondant sous un même vocable rivières, ruisseaux et isthmes, bref tout ce qui est susceptible de ralentir la progression d’engins de combat motorisés.

 

On ne cultive pas son jardin sous une pluie de bombes.

Le quiétisme, l’insolent quiétisme.

Les pacifistes ? la paix à tout prix ? des larmes mais pas de sang versé. Accepter le joug d’une puissance hostiles ?

Renvoyer dos à dos nazisme et communisme ne fut pas une mince affaire. Une politique du moindre mal, du moindre empire s’est imposée. Préférer l’hégémonie américaine à la tyrannie nazie ou communiste, un moindre mal pour les esprits libéraux.

Que signifierait renouer avec la puissance à l’échelle strictement nationale ?

L’Europe commerçante-mercantile n’a pas le désir de s’unir à cette fin, préférant le « parapluie américain » jugé plus efficace et certainement moins coûteux.

Qu’arrivera-t-il, lorsque, tôt ou tard, les USA concentreront toutes leurs forces dans le Pacifique pour combattre la Chine impérialiste ?

Les USA ne tolèrent l’Union Européenne que faible, docile, soumise. Après avoir, après-guerre, siphonné les forces encore vives du « Vieux Continent », il ne restait plus qu’à rétablir des puissances économiques moyennes comme débouchés commerciaux et comme remparts face à l’Union Soviétique. Cette politique a vécu.

La chance historique de l’Allemagne fut la menace soviétique. Morgenthau, qui voulait voir l’Allemagne réduite à un état agraire, dut ravaler des plans au profit du plan Marshall.

Les pacifismes japonais et allemands sont purement circonstanciels, imposés qu’ils furent par leur défaite.

Personne n’a jamais su de quoi demain sera fait. Il n’est pas interdit, cependant, d’émettre des hypothèses quant à l’avenir en fonction de ce que nous savons des rapports de forces en présence. Malheureusement, nos connaissances sont toujours insuffisantes, elles manquent de finesse.

Conjonctures appellent conjectures, toutes démenties par les faits.

La destruction totale de la Chine et de la Russie étant impossible, parapluie atomique oblige, une politique de contention s’impose. Appauvrir au maximum ses deux nations, contrer leur influence grandissante sur le continent africain, entre autres, sera la tâche du siècle.

Toujours plus de technologies mortifères-militaires, voilà notre seul horizon.

Depuis que la guerre fait à nouveau rage en Europe, tout le monde s’interroge en fonction de son idéologie. L’Europe puissance, personne n’en veut.

Les Empires ne sont que des châteaux de carte. Il n’est pas sûr que les Etats Unis d’Amérique resteront unis dans les siècles à venir. Personne ne connaissant la dynamique sourde des forces en présence qui travaillent à l’éclatement de cette nation, nul n’est ne mesure de prévoir une issue.

L’issue est une eschatologie. Une pure illusion.

L’histoire bricole, les nations bricolent, les humains bricolent-rafistolent.

 

Jean-Michel Guyot

2 avril 2023

 

 

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