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Approche de l'attente
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 Article publié le 21 mai 2023.

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L’approche, l’attente, emmêlées, démêlées…

 

L’attente refuse l’approche tandis que l’approche perçoit l’attente, se repaît d’elle, essaie de la détourner à son profit de son but à elle : en finir avec l’approche qu’elle attend. Ce temps paradoxal, c’est là le lieu de leur entente perverse, et c’est le seul : quand l’attente n’en peut plus d’attendre, l’approche s’approche et se repaît de l’attente pour l’annihiler, et laisser l’attente dans une attente défaite qui n’attend plus que l’approche qui vient ne venant pas, qui profite seulement de l’attente pour s’introduire en elle.

 

L’attente est parfois écrasée par l’approche : elle n’en peut plus d’attendre, alors elle se laisse approcher, et c’est toujours la même vieille expérience qui recommence : quand l’attente s’approche, l’approche recule, entre-temps, c’est fait, en quelques minutes, le rapprochement a eu lieu, et l’attente qui s’est approchée est déçue par l’approche qui n’a pas été assez lente, assez foudroyante.

 

L’attente est engluée dans l’approche, elle joue son jeu : elle se laisse approcher sans pouvoir approcher. Le rapprochement n’a pas eu lieu - peut-être même n’a-t-il jamais eu lieu, impossible à dire - il donne à penser qu’attendre est vain, que s’approcher est vain, cependant l’approche a eu lieu sans répondre à l’attente.

 

Tout est vanité quand l’attente déçue se rabat sur l’approche qui n’a lieu que pour s’éloigner aussitôt que c’est fait. Elle joue le jeu, l’attente, elle est pleine d’attention à l’égard de l’approche qui n’a pas d’égards pour elle : elle y croit encore, elle veut y croire : que, quelque jour, l’approche aura lieu, dans ce lieu des lieux, dans son ventre ouvert, offert à l’approche.

 

L’approche n’est jamais dupe et l’attente est toujours dupée par l’approche. L’approche n’en est pas une, elle est fallacieuse, hypocrite, brutale et mesquine, tandis que l’attente est lourde, prête à toutes les compromissions pour que l’attente cesse.

 

L’approche ne croit pas à l’approche, elle ne s’approche que pour s’introduire dans l’attente, y prendre son plaisir solitaire.

 

L’approche approche de l’attente au moment où celle-ci bascule dans la duperie de l’approche : il faut prendre son plaisir, fût-il solitaire.

 

A la fin, l’attente et l’approche se séparent, se démêlent. Le jeu pervers peut continuer. L’attente a compris qu’il n’y a rien à attendre de l’approche, mais l’approche est là, toujours là, qui veille aux grains.

 

La solitude est pour l’approche qui ne s’approche que pour être seule, tandis que l’attente est toujours seule avec l’approche. Solitude partagée qui partage, laisse seuls et l’approche et l’attente.

 

Manque à ce jeu le goût du temps qui défait son œuvre : l’oubli. L’approche compose mieux avec l’oubli que l’attente. La perversité de l’approche est là : elle table sur cet oubli de la part de l’attente : que l’approche n’a jamais lieu.

 

L’attente n’a pas compris que seul l’oubli peut faire cesser l’approche. L’approche laisse passer le temps pour mieux revenir à la charge et défaire l’attente, mais en créant à son insu une attente toujours plus grande, qui se rabat sur l’approche, faute d’oublier que l’approche n’en est pas une, qu’elle est fallacieuse et stérile, bornée par elle-même en ce qu’elle désespère de jamais s’accomplir dans le sens désiré par l’attente qui désespère d’être jamais approchée pour ce qu’elle est : le désir que l’attente cesse pour que s’accomplisse l’approche. L’attente ne peut jamais s’accomplir dans l’approche de l’approche qui ne s’accomplit que décevant l’attente qui se replie sur elle-même dans l’attente d’une approche enfin réussie.

 

L’attente se trompe de direction quand elle se tourne vers l’approche. L’attente est en direction de l’attente si elle trompe l’attente en oubliant l’approche. Ce faisant, elle court un risque mortel : celui de s’oublier comme attente.

 

L’attente déçue par l’approche n’est jamais assez déçue, c’est la force de l’approche qui sait se rappeler à son bon souvenir. L’approche est une machine à fabriquer de l’espoir déçu sur la base d’une nostalgie qui anime l’attente. L’attente est toute tournée vers le passé quand elle se laisse gagner par l’approche. Elle espère à chaque fois que la chance lui sourira enfin, mais c’est à chaque fois la même expérience : l’attente s’est oubliée comme attente en laissant l’approche s’approcher. Le jeu pervers peut continuer.

 

L’attente, elle veut en finir avec l’approche, elle veut inaugurer un temps nouveau qui passe par l’oubli de sa nostalgie, la négation joyeuse et encolérée de l’attention portée à l’approche. La solitude de l’attente ne veut plus prendre en charge l’approche de la solitude, ne veut plus prendre sur elle cette communauté de solitude qui les partage.

 

La nostalgie de l’attente : s’occuper de l’approche dans l’espoir qu’un jour prochain elle approchera.

 

Espoir déçu, récurrence de la déception jamais assez grande, si elle s’accroche à l’espoir fou, pervers, de rendre possible une approche qui ne désire pas s’approcher, ne s’approche que pour décevoir l’attente en ne s’approchant pas comme l’attente l’attend. L’attente s’y attend, elle s’attend dans cette attente qui n’est jamais une atteinte. L’attente n’atteint rien, elle s’éteint d’elle-même quand l’approche a fait son œuvre de déception.

L’approche est destructrice, elle détruit l’attente au moment où elle s’approche ne s’approchant pas.

 

L’attente sait cela depuis le début, que l’attente sera déçue, elle le sait depuis toujours, mais elle ne se résout pas à tirer un trait sur l’approche, tant qu’elle n’oublie pas que l’approche table sur l’oubli majeur qu’elle est tout entière : l’approche dit, ne le disant pas : « Oublie-moi comme approche pour je puisse t’approcher, ne t’approche jamais de moi ! »

 

Alors, l’attente décide d’oublier l’approche, décide de s’accomplir comme attente latente, pure de toute approche.

 

La latence de l’approche fera cela : que l’oubli qui fait la force de l’approche gagnera l’attente qui s’oublie comme attente pour s’accomplir comme atteinte. C’est l’issue : oublier l’approche comme approche, s’accomplir comme attente de l’attente. La solitude n’est plus partagée, la solitude est seule, elle s’en va, elle s’éloigne pour s’accomplir ailleurs dans l’attention portée à une autre attente qui, elle, s’accomplit dans l’approche de l’attente.

 

Le temps de l’oubli est long, infini, il n’est pas mesurable, il n’est ni long ni bref. Seule l’approche compte le temps qui lui est compté. Le temps de l’approche est compté, qui escompte encore que l’attente s’oubliera comme attente pour accomplir encore une fois son œuvre de déception.

 

L’accomplissement de l’approche passe par l’attention donnée à une autre approche, non perverse, une approche qui s’approche sans s’éloigner, qui répond aux attentes et aux attentions de l’attente en voie d’accomplissement dans l’approche réelle enfin d’une attente amoureuse de l’atteinte que lui prodigue l’attente.

 

Il faut que l’attente n’oublie pas l’atteinte, pour ce faire l’attente amoureuse de l’attente rayonne de mots forts pour exhorter l’attente à oublier le malheur de l’approche qui ne s’approche que pour s’éloigner.

 

L’attention à l’égard de l’attente, elle ne vient que de l’approche neuve en qui s’accomplit la fusion de l’attente et de l’approche dans la rencontre amoureuse qui unit l’approche à l’attente.

 

Il faut être deux attentes pour que l’approche s’approche : approche, attente, à ce point solidaires que l’attente perverse est oubliée. C’est l’accomplissement au-delà de toute attente, c’est l’atteinte pleine d’attention portée à l’attente qui s’accomplit comme attente ouverte sur l’approche qui approche pour répondre à l’attente.

 

Il y a les mots d’une attente à l’autre, pour dire le désir d’accomplissement qui s’accomplit dans la réponse à l’attente : les mots ouvrent l’espace et le temps nécessaires à l’oubli de l’approche qui ne s’approche pas.

 

Les mots sautent par-dessus la distance, vivent de la distance pour la nier en la relevant : l’attente sort grandie quand l’approche, préparée par les mots, s’accomplit dans l’approche réussie de deux corps qui exultent d’être ensemble réunis.

 

L’attente peut alors dire cette vérité essentielle à l’approche qui s’accomplit deux fois, dans les mots et dans les corps : « On dirait que ces pensées de toi « claquent » ces éclairs fulgurants dans mon ventre. »

 

Il n’est jamais temps de se taire, ça parle toujours de toi à moi, mon amour. Tu t’es approchée comme jamais de moi qui me suis approché de toi.

 

Toi qui as répondu à mon appel en attente, à l’attente de mon appel aussi bien, je veux vouer une attention infinie à ton attention pour que s’accomplisse la promesse de notre attente réciproque toute tournée vers l’infini turbulent de notre approche. 

 

Nous nous aimons. C’est l’entente qui s’accorde sur l’attente comme accomplissement de l’approche. 

 

Tu peux m’approcher avec toutes tes attentes à fleur de peau.

 

Je ne désire que ton approche, moi qui ne désire que m’approcher de toi.

 

Tu désires mon approche pleine d’attentes et d’attentions.

 

On dirait que ces pensées de toi « claquent » ces éclairs fulgurants dans mon ventre. 

 

Tu me dis cela un jour de grande attente.

 

 

Jean-Michel Guyot

29 septembre 2006

 

 

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