Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Forum] [Contact e-mail]
  
Champ libre XIX
Navigation
[E-mail]
 Article publié le 3 mars 2024.

oOo

Cette conscience critique est une première forme de maîtrise, sinon de solution. Mais les écrivains vont aussi détourner à leur profit la maîtrise mondaine des signifiants pour sublimer le malaise dans la beauté du style qui le dénonce. Cette lucide sublimation, préférée à une critique plus directe, caractérisera le classicisme de 166 à 1678, du Misanthrope et d’Andromaque à Phèdre et à La princesse de Clèves. On la trouve déjà chez La Rochefoucauld, mais plus impulsive et fragmentaire, comme il convient à un grand seigneur et à des flashes critiques.

Jean Rohou, Préface aux Maximes de La Rochefoucauld

*

Passant par tant et tant de richesses accumulées créées par vous seul, non pas acquises mais, je le redis, bel et bien créées de toutes pièces par vous, vous ne pouviez, à mesure que votre pensée s’étoffait, que vous appauvrir peu à peu, et voir votre corps comme peau de chagrin se rabougrir et se reintrir, jusqu’à donner à la peau de ce qu’il restait de votre corps décharné cette consistance de momie et cette constance de parchemin dont les veinules bleutées, les creux et les bosses propre à ce vélin et les ombres qui semblaient danser en son sein selon la luminosité et l’angle de vue qu’on lui imposait, par exemple en le tenant à peu près droit, tout de même légèrement incliné, devant une fenêtre illuminée par une de ces journées de printemps que l’on aurait cru appeler à renouveler de fond en comble la vie même de toutes celles et ceux qui s’y sentaient prêts, au point de s’emparer de tous les moyens de création et de production, afin de conduire une politique réellement novatrice respectueuse de tous et de toutes, et non plus bêtement tueuse, comme cela s’était pratiqué depuis des millénaires avec une régularité de métronome.

Raison d’Etat et cause révolutionnaire, même résultat : des centaines de milliers voire des millions de vies sacrifiées sur l’autel d’un cause soi-disant juste, le tout étant de la faire passer pour telle aux yeux du grand nombre.

 

Les battements imposés au continuum temporel, le rythme, les rythmes, la polyrythmie, la folie rythmique, la granulation du temps projetée sur l’écran mental des auditeurs, sa ponctualité soulignée à l’infini par des micro-battements de plus en plus brefs, follement concaténés, concaténation rendue possible par les techniques les plus récentes, tout cela, oh oui vraiment, quelle prodigieuse richesse d’invention ! 

On dirait bien que tout cela n’en barrait-bouchait pas moins l’horizon d’une quête d’infini qui négligeait par la force des choses une quantité astronomique de possibilités harmoniques.

En l’occurrence, la force des choses consistait dans les limites qui s’imposaient aux esprits qui s’y adonnaient avec une ferveur sans égale. Limites que s’imposaient ces grands esprits, pensait-on. Limites non aisément repoussables ou bien limites pas faciles à repousser, comme ça vous chante. Bourbe, pétrin ou merdier, selon le vernis de culture de chacun ! Limites non aisément repoussables ou bien limites pas faciles à repousser, comme il vous plaira. 

 

Rendre compte du monde dans tous ses aspects, des plus sublimes aux plus sordides, pourquoi pas ? A quoi bon ?

A quoi bon répéter ce qui est, en se limitant nécessairement à tel ou tel aspect, choisis selon quels critères ? Où est la pertinence dans tous ces choix et pour quelle cohérence ?

L’amoralisme est la règle, si l’on veut rendre de compte de ce qui est en une œuvre puissante-globalisante, sans émettre de jugements de valeurs, mais cette œuvre, elle, n’échappera pas aux jugements de valeur laudatifs ou dépréciatifs. 

Le marché tranchait dans le vif de cette question opportunément esthétique, s’en emparait pour la défigurer à son image : le choix était simple : plaire au plus grand nombre ou végéter dans un milieu interlope. L’underground et ses arcanes glauques ou bien la pleine lumière menteuse à souhait !

Oui, pour un peu, à se plonger dans ces séries télé incroyablement léchées, parfois génialement mises en scènes et superbement jouées, à s’immerger dans ces scènes en séries, dans cette arborescence luxueuse qui ne cessait de croître de manière exponentielle, on pouvait à bon droit s’imaginer verni, incroyablement chanceux de vivre à une telle époque d’abondance narrative.

Cette colossale richesse, c’était du vent, un soufflé au fromage, du vide enrobé d’une pâte onctueuse et savoureuse à souhait pour qui n’avait jamais goûté à des plats de résistance plus épicés.

 

La densité d’une œuvre allant de pair avec les contraintes stylistiques nombreuses et concurrentes que son créateur avait su s’imposer pour ne pas s’effilocher dans la verbosité de la folie douce qui guette tout créateur trop indulgent avec soi-même, il fallait rendre justice à une horizontalité narrative capable d’englober tous les sujets possibles et imaginables mais sous différents angles de vue, sous différentes facettes, ce qui impliquait de toujours penser en trois dimensions des objets et des figures ascendantes, afin de permettre au lecteur de tourner autour des figures ainsi créées, puis de planer au-dessus d’elles, ce qui n’allait pas sans un risque de dispersion, sans s’exposer au danger mortel d’un morcellement de la perception, la figure entière devant apparaître comme la finalité d’un projet non pas impossible à réaliser mais comme une quête de sens et des sens en éveil, vue et toucher, ouïe et olfaction étant les yeux et les oreilles, le nez et les mains d’innombrables lecteurs potentiels - impossibles à dénombrer a priori - capables de goûter pleinement tant les recettes finement élaborées - ah les figures de style ! - que le plat final gargantuesque proposé aux lecteurs avides de mots.

S’absenter dans les mots qui absente la chose, s’évader, prendre du recul, mieux : prendre de la hauteur, telle était la terre promise.

A une œuvre d’art total, il fallait bien se garder d’opposer une fragmentation du discours qui laisserait supposer l’existence passée ou à venir d’une totalité pour l’heure inaccessible.

Ni fragments laissant miroiter la possibilité d’un ensemble cohérent, fermé sur soi-même, sorte de Graal esthétique clos sur un soi et de pure fiction, un absolu en somme servant de dérivatif face au réel omnipotent et omniscient, impossible à circonscrire, il fallait de toute nécessité créer les conditions d’une perception continue au sein d’un univers dont tous les éléments étaient en même temps les miroirs et les reflets des uns et des autres.

Un kaléidoscope géant tourné vers soi en expansion continue, capable de renouveler tant ses formes que ses couleurs, aux dimensions de l’univers narratif ainsi inventé en même temps que découvert pas à pas, peu à peu, brouillant ainsi les pistes temporelles, l’avenir devançant un passé voué à un présent sans avenir.

Le tiers-exclu de tout récit d’ampleur ou très bref ne devait pas être confondu avec ses angles morts, c’est-à-dire ses non-dits, ses implicites laissés à la discrétion des lecteurs.

Non-dits et tiers exclus entretenaient un rapport de contiguïté et non d’inclusion réciproque. Tout devenait métonymie heureuse.

Ce que l’auteur, à dessein, ne dit pas, en d’autres termes, l’ensemble de ses choix implicites, pouvait être assez aisément explicité par une lecture attentive qui irait toujours évidemment à rebours des intentions de l’auteur qui ne cache rien en procédant par non-dits mais s’attache seulement à « lisser son discours » : il s’agissait de ne pas alourdir, il s’agirait toujours de suggérer et non de décrire pesamment des situations et des actions.

Se situer au cœur de l’événement ? des événements ? Il n’y a que des points de vue subjectifs face à la limpide objectivité des faits qui ne peut que demeurer dans une semi-obscurité, tremblante comme une flamme de bougie exposée aux courants d’air. Nous sommes les courants d’air, que nous nous comportions comme tels ou non.

Si tous les écrivains-musiciens étaient reporters de guerre ou « grand reporters » sillonnant la planète pour « couvrir les conflits brûlant de notre actualité », alors la littérature serait bien peu de chose, ce qu’elle tend à devenir au vu de l’importance de toute une littérature de témoignages et aussi d’essais plus ou moins éclairants consacré aux nouvelles conflictualités, sans qu’il faille par ailleurs exiger – au nom de quelle autorité inexistante ? celle du bon goût ? - que toute littérature de quelque valeur et de quelque ampleur soit pure fiction, que cette fiction se nourrisse de faits réels (réalisme), transforme en allégorie tout ce à quoi elle touche (contiguïté métonymique, voire synecdoque, inclusive par définition et fantaisie métaphorique débridée), développe un univers parallèle avec ses us et coutumes, ses lois et ses pratiques cultuelles, ses techniques et ses politiques (science-fiction dystopique) ou se lance dans une aventure onirique-psychédélique (merci Aldous ! Grand merci, Henri !) censée rendre compte des interactions entre le cortex de qui écrit et le monde tel qu’il le ressent, le voit et le conçoit sans ou avec le concours de drogues psychotropes.

Le tiers-exclu, toujours. Soit ce qui, confrontant l’œuvre à l’indicible en se colletant avec les moyens techniques à disposition, toujours insuffisants, mais toujours plus nombreux jusqu’au vertige, affronte l’indicible jusqu’à désirer se confondre avec lui.

Impossible silence de l’œuvre qui aspire au silence, détourne ce qui, ainsi, menace d’en ruiner le projet et les fondements mêmes, vers une parole qui assume sa singularité, prend le risque de finir noyée dans une pluralité collectionneuse-bibliophile !

 

Le raccord musique-cinéma était aisé à concevoir pour de brillants esprits viennois en exil à Hollywood. Musique post-romantique recyclée, d’un bon rapport financier, un avatar de la musique classique germanique mise au service de l’image animée souvent faible dans ses effets malgré des grandiloquences, des plans épiques larges, des scènes de bataille ou d’abordage. Robin de Bois, King Kong, etc…

 

Toute hypothèse est de l’ordre du passé ; appartenant dès sa conception au passé, elle s’en passe allègrement, en s’actualisant constamment, passant ainsi par les étroits défilés de sens qu’elle ménage à travers temps. Qu’elle aménage aussi en de coquets et confortables lieux de villégiatures pour touristes de la pensée.

Nous passons le plus clair de notre temps à vivre sur des hypothèses dures comme le granit aux conséquences durables, imprévisibles, changeantes, toujours surprenantes.

Il est temps de rompre avec certaines hypothèses, dont la plus ruineuse est l’hypothèse de l’existence de Dieu.

Les dieux sont infiniment plus probables qu’un dieu unique comparable à un supercalculateur qui ne peut se nourrir que de données préalablement collectées. Bref, une contradiction dans les termes. Une création ex nihilo est absurde.

Pour circonvenir l’absurdité, on congédie la raison jugée par la raison théologique inférieure à une supposée rationalité supérieure en tous points à la raison humaine, supra-rationalité exclusivement « accessible » par le cœur et la foi qui en découle, le secoue, le remue, l’épuise, le dessèche.

Credo qui absurdum ! Ce cri de la raison est pathétique en ce qu’il mêle cœur et raison, l’un et l’autre se révélant incapable de fournir des preuves de l’existence de Dieu.

Un croyant fervent n’a pas besoin de preuves ; il vit sa foi qui le fait vivre. Cette foi chevillée au corps est le comburant de son cœur qui se veut le carburant de son ardeur.

Avec l’advenue d’une Révélation, tous les crimes deviennent licites.

Ce ne sont pas des crimes aux yeux des croyants mais une mesure de salut public appliquée à tous les récalcitrants. Les croyants ne peuvent s’expliquer cette résistance au dogme nouveau que par la survivance d’une ancienne foi véhiculant des démons. On met à bas les anciens temples et on extermine les brebis galeuses qui s’accrochent à la foi ancienne, faute de pouvoir exorciser les démons supposés habités les récalcitrants.

Les Chrétiens, doux comme des agneaux ou anges exterminateurs, c’est du pareil au même. Ce n’est qu’une affaire de circonstances, une question d’opportunités historiques.

 

L’ampleur des moyens mis en œuvre : on la pressent devant la compacité du texte, son volume, sa masse qui peut effrayer quelque peu. Ambition totalisante. Vouée à l’échec, mais l’irrémédiable fascine.

 

Œuvre d’art total, un film ?

Dialogues portés par des acteurs : intonations, voix uniques, gestes et déplacement dans l’espace, expressions du visage, lumière, décor… Tout cela en interaction : un détail parmi d’autres qui concourent tous à une expression d’ensemble qui impressionne « la pellicule » puis les spectateurs.

Il est assez connu que le cinéma parlant n’ajoute pas seulement au spectacle un accompagnement sonore, il modifie la teneur du spectacle lui-même. Quand j’assiste à la projection d’un film doublé en français, je ne constate pas seulement le désaccord de la parole et de l’image, mais il me semble soudain qu’il se dit là-bas autre chose et tandis que la salle et mes oreilles sont remplies par le texte doublé, il n’a pas pour moi d’existence même auditive et je n’ai d’oreille que pour cette autre parole sans bruit qui vient de l’écran.

Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 271.

Un dialogue (voire un monologue) trop brillant par les traits d’esprit qu’il donne à entendre ne risque-t-il pas d’entrer en conflit avec le décor et la mise en scène mais surtout avec les mouvements de caméra et les focales choisies ?

Pénible impression, lorsque les dialogues prennent le pas sur la mise en images, comme dans la chanson de variété dans laquelle le texte chanté avec la voix mise très en avant prime sur la musique réduite au rôle subalterne d’accompagnement.

Voix, texte et musique entrent dans un rapport hiérarchique, la voix est centrale, mais mise qu’elle est au service du texte dialogué, elle tend à éclipser l’image, un comble !

On peut subvertir le primat de la voix en lui donnant à dire un texte absurde, mais rien n’y fait, c’est alors la voix subvertie par l’absurdité des propos tenus - voir les films échevelés des Monty Pythons - qui s’impose encore au détriment de la mise en scène.

Une critique de film s’attachera à montrer le traitement subi par les différentes composantes d’un film - pose de la voix et dialogues, décor et mise en scène, mouvements de caméra et lumière - et de dire quels rapports entretiennent ces diverses composantes, c’est-à-dire quelle hiérarchie s’instaure - fixe ou mouvante - entre elles toutes.

 

Que serait l’art contemporain sans un marché de l’art dynamique, c’est-à-dire un complexe mouvant d’institutions publiques et privées ainsi qu’un vivier de collectionneurs richissimes ? à peu près rien. Il cesserait bien vite d’exister aux yeux mêmes de ses créateurs et créatrices qui en vivent parfois grassement.

Et le cinéma ? mais qu’entend-on au juste par cinéma ?

Le cinéma comme industrie produisant des films est un art ambigu par nature, en ce qu’il produit des œuvres nécessairement collectives mais dirigées par un « réalisateur », conçues par un scénariste et financées par un ou plusieurs producteurs, lesquels, au moins à la grande période hollywoodienne, agissaient en véritable censeur soucieux d’un certain ordre moral mais aussi et surtout de rentabilité commerciale.

Le cinéma est un art impur, mais quel art, et au-delà de l’art, quelle activité humaine organisée peut se dire pure, c’est-à-dire libre de toute contrainte commerciale, religieuse et politique ? Nous vivons dans un monde où même la pureté des eaux est sujette à caution… quant à la pureté des intentions, on nous permettra d’en sourire.

Une économie, une histoire, une psychosociologie et une esthétique du cinéma sont possibles qui révèlent une extraordinaire diversité d’approche de l’image animée (laquelle inclut évidemment le dessin animé).

Art majeur au double sens de ce terme : dominant dans la production artistique contemporaine depuis au moins les années 30 du vingtième siècle avec l’arrivée du « parlant » et arrivé si rapidement à maturité qu’il peut prendre des tournures et des visages si différents que l’on peut dire de lui qu’il est protéiforme, qu’il est un art en constante métamorphose.

 

Au service d’une pensée unique, un langage normé, régulé, épuré de toutes scories, de toutes impuretés héritées de siècles d’erreurs : quel esprit dogmatique en diable ne rêverait de mettre ce programme à exécution au profit d’un tyrannie qu’il estime garante d’un ordre moral utile à l’exercice de ses passions ?

 

De quelques contraintes majeures faire tout un pataques : avoir un corps sexué, être ici et non ailleurs et, subséquemment, être rivé par le corps et la culture à une époque donnée imposée par la naissance, appartenance culturelle à une nation plus ou moins prospère, dominante ou dominée, hégémonique ou non.

Partant, la littérature ne serait-elle pas, au contraire des autres arts (qui célèbrent l’ici et le maintenant, quitte à se contenter de copier le passé), une sorte d’arrangement permanent avec le réel, sa perception, l’attention que l’on accorde à tel ou tel phénomène ressenti comme particulièrement significatif en fonction d’une sensibilité toute personnelle, d’une idiosyncrasie affirmée et affichée ? 

Il n’y aurait littérature qu’à partir d’une intention qui germine et chemine - processus naturel sui generis et démarche intentionnelle - dans l’esprit d’un locuteur « mécontent de tout et de tous ». Affirmation un peu légère, d’autant plus légère qu’il est matériellement impossible de poser la question à l’ensemble des hommes et des femmes qui se disent écrivains-écrivaines : écrivez-vous parce que vous êtes « mécontent de tout et de tous » ?

Musique et littérature, promesse d’un ailleurs ici et maintenant, tant au moment de la création-recréation qu’au moment où l’intentionnalité du créateur rencontre l’attentionnalité du lecteur ou de l’auditeur. Attentionnalité aléatoire-déterminée dépendant du niveau de culture générale acquise et du statut socio-professionnel d’un certain public atomisé (littérature et musique) ou rassemblée (musique en concert).

Prisonnière d’une langue unifiée mais toujours plurielle, sujette à des écarts dans l’espace (sociolectes, parlers régionaux voire dialectes étrangers au français et dispersion linguistique : le français du/au Québec, en Louisiane, dans les Départements et Territoires d’Outre-Mer) et dans le temps, ce quelque chose d’insaisissable qu’on persiste, sans doute à bon droit, à nommer Littérature voit son rayonnement dépendre de facteurs géopolitiques et économiques qui charrient tout un passé essentiellement colonial mais pas seulement : l’hégémonie culturelle française au dix-septième et dix-huitième siècle qui se conclut puis de dissout avec l’hégémonie militaire napoléonienne qui accouche du nationalisme allemand qui conduira au désastre européen que l’on sait, France et Allemagne - petite ou grande, une fois le Saint Empire romain-germanique dissous en 1806 par Napoléon - étant largement responsables du déclin européen, une fois « réglée » la question coloniale par la dissolution-liquidation progressive et convulsive des empires coloniaux portugais, espagnols, français, néerlandais et britanniques.

 

L’anglolâtrie actuelle bat son plein dans la publicité, le jargon managérial, la doxa journalistique et l’industrie culturelle des loisirs.

L’anglolâtrie, c’est-à-dire la propension à adopter massivement des anglicismes - y compris étrangers à la langue anglaise, elle-même en voie accélérée de dispersion, par exemple ce récent et ridicule « home-jacking » – parce que c’est chic et choc de singer la langue du vainqueur nord-américain qui a pu et su imposer son hégémonie économique et culturelle sur les nations européennes ruinées au sortir de la deuxième guerre mondiale.

Mots et tournures de phrases, propension à la nominalisation étrangère au français qui préfère verbaliser que nominaliser, lourdeur induite par la nominalisation paresseuse : on ne se donne même plus la peine de dire en bon français, c’est-à-dire en rendant analytiquement ce que l’anglais exprime synthétiquement, abandon massif des subordonnées relatives complexes qui donne lieu à d’invraisemblables galimatias dans « les bouches autorisées » des journalistes télévisuels, débit trop rapide de la parole et éclipse de la pensée réflexive qui produit des phrases parfois incompréhensibles : Qu’a-t-il voulu dire au juste ? On se surprend à devoir traduire du français en français, pour essayer d’y comprendre quelque chose !

Pour les linguistes, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. La langue se renouvelle, pas d’inquiétude à avoir !

Entre fatalisme linguistique et archaïsme académique, entre renouvellement forcené de la langue et ce, parfois, jusqu’au délire verbal et logorrhée lénifiante truffée de poncifs, choisissez !

Dans ce contexte de parole relâchée, la Littérature a le choix entre le mimétisme et le maniérisme, l’usage archaïsant - le beau style ! - et les divers parlers actuels tous marqués sociologiquement.

Tous les langages sont appelés à mourir. La postérité sanctionne un goût qui ne peut être partagé par tous ; il lui arrive, par la voix de quelques-uns, de corriger des injustices criantes, mais elle ne garantit aucune pérennité. Au mieux, la postérité est muséale.

Seul le rebond créatif peut redonner un semblant de vigueur à ce qui fut un long temps négligé, oublié, méprisé. Voyez la fortune actuelle des musiques baroques ! Il s’agit bel et bien d’une recréation se basant sur l’emploi d’instruments anciens dans un souci d’authenticité.

Pour ma part, je préfère de beaucoup les risques pris par « nos » jeunes compositeurs qui tournent le dos au néo-classicisme en vogue.

 

Jean-Michel Guyot

26 février 2024

 

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -