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Vêtue de brocatelle à l’abri des étrivières voici ` Une pensée mortelle comme une lettre de Derrière Cause de terribles beautés À la limite cette lettre-pensée fuite par le bout C’est la langue quand cela est Aussitôt l’inconnu diffère et le proche manque aussitôt Puis viennent les sèves ornementales (fairy d’après Rimbaud) Féérie ! c’est donc le jour du jour mat avec un centre évidé La lettre l’appelle le pas encore mais doux si doux neigés Pour dire qu’elle est gorgée de poison vital Coiffée par brassées de clarté L’air et le rêve fraîchissent à portée d’aiguille peut-être Fériale qui sait ? dans le brouillard du palais où l’humide Le dispute aux musiques rose et chair brandies fols bouquets Souffle ô palmes et franchises premières est-ce cela entre Elle et son Autre ? Tandis que l’Esprit se prend au jeu des figements bleu-sentine Le dire décorpore l’écrire : faudrait-il alors raturer le Mot pour le mot et dispenser l’immoral au cœur des oreilles ? Oui ! la bouche sera celle qui dira la surprise et la peur éternelle (L’œil furieux par ailleurs !) Enfin multipliée la Fée-féérie s’ombreporte jusqu’aux pierres qui la Jouent à pilpoul et face autrement Car nous sommes de tout c’est-à-dire un corps Un corps qu’on imagine plein de membres pensants (Pascal, pensée 403)…
Jacques Cauda |
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La lettre, la fée, le vertige
Fairy de Jacques Cauda n’est pas un poème qu’on comprend. C’est un poème qu’on traverse, comme un souffle dans le brouillard, ou un regard dans une langue qui n’aurait pas encore été dite.
Ici, la lettre n’est plus véhicule, mais être. Elle pense, elle fuit, elle brûle. Elle est ce qui reste quand tout le reste manque. C’est elle, peut-être, la fairy, la fée du poème : une pensée vive, qui tremble entre la naissance et l’effacement, entre le corps et son image, entre l’être et l’écriture. Elle ne révèle rien : elle rend sensible.
Car Fairy ne parle pas du monde, il parle de ce qui se tient derrière — l’invisible qui fait vibrer la parole. Il y a, dans ce poème, des choses vues à travers un voile : une femme vêtue de brocatelle, une clarté qui coiffe, un palais de brouillard où la chair se mêle à la musique. C’est une langue qui tangue, une syntaxe volontairement ouverte, qui cherche non à dire, mais à faire naître.
La beauté ici n’est pas décorative. Elle est terrible, au sens où elle engage tout : le corps, l’esprit, le dire, le silence. Le poème invente un espace où la parole devient matière — non plus pour signifier, mais pour exister. Chaque mot pèse, chute ou s’élève. Il y a du Pascal, du Rimbaud, et du pur Cauda : un chant de l’entre-deux, une fêlure offerte comme prière.
Lire Fairy, c’est approcher ce point d’énigme où le poème devient ce qu’il évoque — un lieu habité par ce qui nous manque. La fée, c’est peut-être cela : la forme mouvante de ce qui nous traverse quand on écrit pour ne pas mourir.