SOLILOQUE
CÔTÉ JARDIN
D’UN TRAGIQUE
UN JOUR DE RELÂCHE
Fleurs armées comme des soldats
Délivrez-nous des chaudes serres
Fleurs assoiffées des vérandas
Sachez vous rendre nécessaires
Dégorgez vieux rhododendrons
Lierre retors et colérique
Dans l’eau bouillante des chaudrons
De ma fantastique fabrique
Qu’ils aillent le houx aux clairons
Les glands l’églantine aux vacarmes
Le volubile liseron
Aux armes citoyens aux armes
Qu’ils aillent le gui aux guitares
La marjolaine aux Marseillaises
L’asparagus aux étendards
La bergamote aux grosses caisses
Qu’ils aillent le thym l’estragon
La sauge le laurier qu’ils aillent
Par vents par vagues par wagons
Griser les mangeurs de grisaille
Qu’ils aillent l’ail aux racontars
La ronce aux pieds des sentinelles
Mes pauvres amours pas plus tard
Qu’hier vous m’étiez éternelles
Je préfère la route au rail
La nuit au jour au calme plat
L’âpre tempête Je me raille
De vos jasmins de vos lilas
O mes amantes vous ici
Ne vous avais-je point froissées
Sur mes parterres de soucis
Sur les chemins de mes pensées
Je préfère la guigne au coing
La mandragore à l’orchidée
Blague dans le café du coin
Vous m’étiez sorties de l’idée
Je joue mes mots sous le manteau
D’Arlequin belles des baignoires
Et je vous sers sur un plateau
Du fiel dans des tulipes noires
Robert VITTON, 1989