Soleil Soleil
Tu nous cabosses nous écaches
Range tes masses tes marteaux
Tes mailloches et tes pointeaux
Si nous jouions à cache-cache

Soleil Soleil
Tu nous perces nous brûles l’âme
Range tes vifs vilebrequins
Tes traits tes vrilles tes trusquins
Tes boutefeux tes lance-flammes

Soleil Soleil
Mais qu’avons-nous peur de tes ombres
Égaieras-tu mon triste endroit
Te lèveras-tu du pied droit
Quitteras-tu tes habits sombres

Soleil Soleil
De Pampelonne à Pampelune
L’amour me fait voir du pays
De Pont-Aven à Pompéi
Je sérénade au clair de lune

Soleil Soleil
Tu ris tu blagues tu paresses
Tu nous promets de doux avrils
Tu nous retournes sur tes grils
Tu nous accables de caresses

Soleil Soleil
La Dèche a des trous aux semelles
Les rats rongent son paletot
Le froid la faim la lèvent tôt
Chauffe ses os sa gargamelle

Soleil Soleil
Nous te payons en pirouettes
Pour peu que ton leste crayon
Ajoute à nos roues des rayons
Voguez vélos broutez brouettes

Soleil Soleil
Sur les plages de cassonade
D’or fin de poudre d’orébus
Combien de diseurs de phébus
De mirliflores se panadent

Soleil Soleil
Je te dessine sur le sable
Sur mes cahiers à gros carreaux
Je me souviens de mon sarrau
Le mois d’août était haïssable

Soleil Soleil
Quand tu te risques dans les brumes
Ou quand la pluie vide ses seaux
Je dis C’est mon dernier morceau
Je meurs je meurs et je m’enrhume

Soleil Soleil
Quand tes valeureux valets versent
Des louches de cuivre et de plomb
Sur nos grèves dans nos blés blonds
Nous espérons la bonne averse

Soleil Soleil
Apprend-on que tout ce qui brille
Ici là-haut n’est pas de l’or
N’en souffle mot pauvre milord
A ceux qui rêvent sous les grilles

Soleil Soleil
Tu lèches le miel de l’Hymette
Tu t’en barbouilles jusqu’aux dards
Tu te soûles comme un soudard
Tu joues avec nos allumettes

Soleil Soleil
Arrête un peu ton char que j’aune
À coups de pelle et de bâton
Tes grands chevaux ton phaéton
Tes arrogantes nippes jaunes

Soleil Soleil
Ma barque éraille l’étamure
Vois-tu j’en suis à mon couchant
Je me noie dans ton rouge chant
Ce soir sur la calme saumure

Soleil

Robert VITTON, 2003