Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Forum] [Contact e-mail]
Navigation
Les textes publiés dans les Goruriennes sont souvent extraits des livres du catalogue : brochés et ebooks chez Amazon.fr + Lecture intégrale en ligne gratuite sur le site www.patrickcintas.fr
Goruriennes (Patrick Cintas)
J’en profitai pour me connecter au Monde

[E-mail]
 Article publié le 16 juin 2013.

oOo

— On n’achète pas le bonheur…

— On en a plus besoin si on est bien couvert.

*

J’arrêtais pas d’chialer ! Ils m’avaient administré un euphorisant et je produisais des larmes ! Pas facile d’en avoir marre de ce Monde de merde et d’avoir encore envie de vivre sans que ça s’arrête jamais. Puisque c’est possible, hein ? de pas crever. C’est pas donné, ce qui limite la démographie et les conflits qu’elle secrète sans qu’on puisse en calculer les conséquences sur une Éternité infiniment finie.

*

J’suispas porté sur les questions scientifiques, mais je les comprends parce que mon cerveau est conforme à la directive Lisez Au Moins Un Livre Pour Que Les Enfants Vous Comprennent. Ce dont je me fous.

*

Il était LE CHERcheur COSmogonique et il avait écrit plus de quarante livres dans un esprit de Conquête et sans jamais se prendre pour un TROUveur BAladin DOUblement Ridicule. Les Cosmogoniques, ça fait pas dans la dentelle, seulement dans l’écriture. Il avait la réputation de pas supporter longtemps les Vessies Gonflables des Lettres. Il en descendait une de temps en temps pour se faire plaisir.

*

J’aimerais surtout qu’on me foute la paix ! J’vais finir par en avoir marre d’attendre et la mort en profitera pour saboter le travail de l’agonie.

*

Dehors, la nuit fendait les pierres. Sally Sabat surveillait la façade d’un hôtel minable situé de l’autre côté de la rue, presque en face de la fenêtre qu’elle avait investie de son ombre. C’était tout ce que je pouvais voir d’elle. J’étais couché à cause d’une migraine et je broyais mes dents dans un rêve qui revenait chaque fois que je manquais de cette sacrée réalité dont elle dosait les apparences pour que ça ressemble à quelque chose de pas trop ressemblant, des fois que quelqu’un s’interroge sur ma véritable nature. Je voyais son ombre pliée, le profil d’un ventre gonflé à l’enfant, et elle ne cessait de rendre compte de ses observations et j’étais censé mémoriser ces secondes d’angoisse noire flasque rugueuse. On a pas idée d’aller aussi loin pour ne pas aller ailleurs.

*

Seulement voilà, une analyse approfondie du sujet [moi] donnait d’autres résultats [l’autre].

*

Ce qui ne répond pas à la question de savoir pourquoi il n’y a qu’une race humaine et tant de nations pour représenter l’Humanité.

*

Je pipais. Je m’agitais, mais je pipais. Ma langue suçait le métal. DOC descendit le long de la douleur. Si je souffrais encore, c’était à cause de la dilution N100, comme s’ils veillaient scrupuleusement à ce que je sois puni pour avoir bu l’urine de mes contemporains.

 

*

Moi aussi j’avais envie de dire mon nom, mais ma langue était clouée avec les autres.

*

Des fois, j’suis tellement nase que je confonds le jour et la nuit. Faut pas m’en vouloir : j’suis un retraité sans responsabilité professionnelle.

*

Mais si on en était là, c’était la faute à qui ? On était pas bien à la maison ? et il était pas agréable notre jardin potager ? Pourquoi qu’elle m’avait emmené au bout du Monde ? Qu’est-ce que j’en avais à foutre, moi qui avais parcouru le Monde en long et en large ? J’aspirais à une vie tranquille au bord du ruisseau artificiel qui m’avait coûté une fortune. J’étais en train de construire un pont japonais avec la complicité de deux cygnes blanc et noir. J’en demandais pas plus à l’existence maintenant que je pouvais plus en demander trop à la vie. Si on redescendait, poulette ?

*

On pouvait vivre peinard avec ma pension et le produit de ses passes. Mais ya rien qui lui procure plus de plaisir que de travailler pour les autres. Je l’savais avant d’l’’épouser !

*

Le vent sifflait comme un roseau. J’étais cloué au lit. Je me supporte pas quand on me supporte plus. Je devais avoir fait une crise à propos d’une restriction.

*

Furieux, Mescal menaça ma langue de sa langue. Il avait ce pouvoir sur moi, me rendre parfaitement muet au bout d’une accélération des mots qui constituaient ma seule explication.

*

J’écrivais. J’ai toujours redouté d’écrire sous la dictée, mais j’avais pas le choix. Je trempais mon sergent Major dans la mescla de substances qui remontait des profondeurs. Je voulais les inquiéter.

*

Il connaissait la technique de l’avance sur intention, un truc qu’on enseigne plus à la maternelle, ce qui explique que les gosses soient si cons de nos jours. J’dis ça pour ceux qui croient dur comme fer que tout est la faute à la consommation. C’est pas assez profond comme pensée, ils se gourent. Consommer, c’est donner un sens à la vie. Je consomme de l’autre parce que je suis arrivé au bout du rouleau.

*

— T’es qu’un looser, dit Mescal. La nuit, tu dors au lieu de réfléchir.

— J’y réfléchirais à quoi ?

— À c’que tu n’es pas !

*

— Qu’est-ce que vous faites dans la vie ? me demanda-t-il doucement, presque comme une confidence.

— La question maintenant est de savoir ce que j’y fais pas.

— Alors je vous souhaite bonne chance. On dit que c’est un long voyage.

Il s’éloigna pendant que je criais sans doute inutilement :

— Mais j’ai voyagé toute ma vie ! Des milliards…

de cités pour rien. J’finis jamais c’que j’ai à dire aux inconnus qui débarquent dans mon existence comme un Kokovokais dans un roman de gare.

*

Il souriait derrière ses dents.

*

Ils me promettaient tous l’aventure et on en était à filer le mauvais coton de l’angoisse. J’imaginais tout de suite un Monde concave.

*

Il plongea ses mains dans l’interstice qui séparait ma condition physique de mon pouvoir sur les choses. Il avait jamais vu un tel désordre de fils. Il tenta de reconnecter le plus urgent à la nécessité de paraître plus clean que j’en avais l’air. Je l’interrogeais du regard, ouvrant la bouche pour recevoir ses offrandes. J’en avais mal aux dents.

*

Je voulais en finir, mais sans les moyens du néant. C’était improbable et par conséquent lancinant comme la douleur.

*

À la retraite, ils agissent par le bas, verticalement. On met du temps à comprendre et encore plus à agir. En fait, on agit jamais. On a pas l’temps.

*

Ils discutaient en marge de ma souffrance et ne souffraient pas. Ils se posaient des questions, mais sans souffrir, alors que moi, je demandais rien à cette merde de Monde et j’en concevais une douleur de femme au travail.

*

Je criais par intermittence, ravalant le contenu du cri avant qu’il ne franchisse mes trous. De quoi j’avais l’air si je n’avais aucun sens ? Ils étaient capables de ce mensonge.

*

— Un personnage est un personnage, dit DIC. Vous ne pouvez pas agir sur lui avec des moyens inappropriés. Je vous conseille le repos, voire l’inactivité.

— Pourquoi pas la mort, DOC… !

— Je ne suis pas DOC. Je suis DIC. DOC n’est pas qualifié pour…

*

J’exprimais ma joie en agitant mes sourcils. J’avais plus rien d’autre à agiter. Ils avaient conservé la disponibilité du muscle corrugateur. J’en profitai pour me connecter au Monde.

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

 

www.patrickcintas.fr

Nouveau - La Trilogie de l'Oge - in progress >>

 

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -