Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Forum] [Contact e-mail]
Navigation
Les textes publiés dans les Goruriennes sont souvent extraits des livres du catalogue : brochés et ebooks chez Amazon.fr + Lecture intégrale en ligne gratuite sur le site www.patrickcintas.fr
Goruriennes (Patrick Cintas)
J’crains pas les longueurs excessives, dit-elle

[E-mail]
 Article publié le 1er avril 2014.

oOo

Je nageai jusqu’au yacht, presque fougueux dans la brasse. Une petite embarcation contenant des filles joyeuses s’approcha. Le mec qui godillait n’était autre que Spielberg. Sa Rollex rutilait comme une preuve. Il me tendit sa rame tandis que les filles maintenaient l’embarcation à distance des rochers, épuisant leurs minces bras dans un effort commun. Je m’agrippais, fou de joie. Jusqu’où j’avais été ? Est-ce que j’avais souhaité me noyer devant tout le monde ?

— Vous faites jamais rien comme les autres, Youyou, dit Spielberg qui m’accueillait contre sa poitrine. Alors on sait pas. On peut pas savoir vraiment ce que vous faisiez. C’est bon pour le ciné !

Il me souleva à bout de bras au-dessus de l’équipage hurlant.

— Voilà la future star que Dreamworks propose à l’avenir de l’industrie cinématographique. Ce mec est un concept, les mecs ! Personne ne descendra ce concept en dessous de la ceinture. Du pur amour et du sexe en chair et en os !

*

Je savaispas ce que j’avais espéré de l’eau. J’avais jamais rien sur des endroits où je m’étais pourtant réfugié pour en finir avec le jugement des hommes. Je revenais toujours avec cette mémoire trouée qui provoquait des commentaires joyeux.

*

Je me sentais appartenir à ce Monde et non pas à l’ombre qu’il projetait sur la politique.

*

Ça avançait. Les portes giclaient de l’inconscient. On se penchait sur la fusion métallique que j’avais provoquée en tentant de mettre fin à mes jours. J’avais pas l’impression d’avoir tenté le diable.

*

Ça, c’était pas du cinéma. On était en plein dans un Réel qui réagissait mal aux erreurs du système.

*

Personne m’avaitparlé de l’angoisse du remplaçant. En principe, elle durait pas plus d’une minute, le temps d’arriver sur les lieux et de procéder au remplacement. Le client avait pas l’temps de se morfondre. Sauf…

— Sauf en cas d’suicide…

*

La Cellule Anti Suicide était planquée quelque part dans le Complexe du Bureau des Vérifications. Spielberg installa ses caméras dans le jardin d’agrément, ce qui dérangea le personnel affecté aux Services du Secret et de l’Aveu, le sinistre SSA auquel tout le monde a affaire un jour ou l’autre et particulièrement les minables de mon espèce.

*

Je demandais si je pouvais vraiment m’asseoir à la place d’un autre, ce qui énerva le dos étroit de Spielberg qui le gratta plusieurs fois avec sa main d’ivoire aux doigts strictement ongulés d’acier trempé.

*

J’en avais le cerveau secoué d’informations contradictoires, mais on me demandait pas de juger, seulement d’accepter les faits.

*

— Désormais, dit DOC, vous porterez la barbe et vous vous torcherez avec les doigts. On vous a trouvé un petit rôle dans un film porno pour expliquer votre nudité. On est en train de chercher le moyen d’expliquer les traces d’acier aux endroits stratégiques de la mort. Si on n’explique pas tout, on a aucune chance de convaincre que les gosses peuvent participer sans inspirer l’érection et ses conséquences désastreuses pour l’imagination. Vous avalerez ce truc toutes les heures (il me donna le pilulier qui ne contenait qu’un comprimé). Vous avalez et une demi-heure plus tard vous chiez et vous récupérez la bête. Vous l’avalez de nouveau une demi-heure plus tard. Le tout doit se passer entre les prises de vue. Spielberg est impératif : vous arrêtez de faire chier la production avec vos péripéties psychotropes et stupéfiantes ! Vous êtes ici parce que la CÔS soupçonne le personnage principal de préparer son suicide et de chercher à le maquiller en assassinat prémédité par un autre personnage qui n’a aucun espoir d’éviter la Cour Criminelle Aléatoire, la terrible CCA qui est le pendant organique du SSA. Vous comprenez c’que j’vous dis, Yougo ?

— Faites-lui lire l’Évangile de Thomas s’il résiste, conseilla Spielberg sans se retourner.

*

Il* scrutait les écrans de contrôle de son œil de maître, découpant la scène en plans sécants qui correspondaient à un scénario musical qui avait subi l’épreuve d’Alzheimer dans une vie antérieure. C’était un grand professionnel reconnu même par les couches inférieures de la population cinématographique. Si t’avais pas compris ça, t’étais bon pour la poubelle psychique et le monde des schizophrènes te tombait dessus comme le ciel des gogos. J’avais vraiment pa zenvie de crever sur le bord de la route, la gueule ouverte dans le fossé sous le regard intermittent des agros du secteur. Je me disposais pour la première fois de mon existence à obéir à des impératifs industriels, acceptant l’arrachement des dents au profit de l’implantation métallique et le remplacement au pied levé des prothèses russophones par des prolongements mieux étudiés pour garantir le succès en salle.

*Spielberg

*

— Tout c’qu’on vous demande, Yougo, c’est d’éjaculer au bon endroit et au bon moment. Vous comprenez ? C’est comme la bombe atomique : on a droit à un coup. Le suivant, si vous déconnez, c’est dans votre propre cul que ça se passera. Une bonne grosse queue comme vous n’en avez jamais reçu en grandes pompes. Est-ce que vous comprenez que vous finirez par vous donner la mort parce que c’est écrit au dos de toutes les cartes que l’existence vous a données sans jamais atteindre le jeu complet ? Mettez-vous dans la tête que ce type veut votre mort. Et vous savez pourquoi ? Parce que c’est dans son intérêt !

*

Je fus alors reçu par les singes qui bandaient eux aussi. Mais pas selon le même processus. En fait, ils étaient reliés électriquement à un système antidouleur. On voyait pas les fils parce qu’yen avait pas. J’attendis un trou avec une impatience de gosse qui croit au papanoël. DOC m’avait promis que l’ajustement à la meule abrasive se ferait sans douleur. Et j’entendais le disque siffler dans la broussaille. Une pulsion électrique constante m’empêchait de fermer les yeux. Je verrais tout !

— O. K., dit Spielberg. Faites entrer la seule raison de se suicider sans que la morale s’en mêle.

*

Elle faisait face à la caméra. Elle commença :

— J’aime ce mec comme si je l’avais inventé. Chaque fois que je trahis sa confiance, j’ai un orgasme fulgurant. Y veut pas comprendre.

— Mais vous mesurez l’importance de l’amour, dit la voix off.

— Sans amour, je me sentirais inutile et fragile.

— Donc, on peut en conclure que vos déviations vous garantissent l’utilité et la force ?

— C’est exact, mec. Et c’est la raison pour laquelle je vais pousser cet autre mec, qui n’est qu’un employé, à se donner une mort qui constituera le meilleur divertissement jamais imaginé au cinéma.

Elle s’approcha de moi sans me voir. Elle voyait que ma queue et s’apprêtait à ajuster le diamètre à son trou.

— J’crains pas les longueurs excessives, dit-elle.

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

 

www.patrickcintas.fr

Nouveau - La Trilogie de l'Oge - in progress >>

 

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -