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Écos des tatanes (Patrick Cintas)
En avoir ou pas

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 Article publié le 19 octobre 2014.

oOo

— Vous délirez, monsieur Artaud. Vous êtes fou.
— Je ne délire pas. Je ne suis pas fou. Je vous dis qu’on a réinventé les microbes afin d’imposer une nouvelle idée de dieu.

 

Il en a bien de la chance, Artaud ! On le traite de fou. C’est bien, fou. Ça vous fait habiter quelque part. Schopenhauer dit que le sort des mortels peut être ramené à trois conditions fondamentales : Ce qu’on est, ce qu’on a et ce qu’on représente. Il est pas con, ce mec. Je le connais pas personnellement. Aurélie m’avait promis de me le présenter, mais elle a quitté la maison sans me prévenir. Le jour où je me ramène pour avoir la médaille promise ! Enfin, Artaud, c’est de fou qu’on le traite. Et on le traite bien. Gallimard, CNL, Amérique, Monde même… Il ne lui manque plus que le Nobel. Modiano m’a dit qu’il lui donnera le sien en échange. En échange de quoi ? Un truc entre eux. Mais Artaud est fou. C’est ce qu’on dit quand on le traite. Il en a de la chance d’être traité ! C’est pas tout le monde qu’on traite. Et de haut. « Vous délirez, monsieur Artaud. Vous êtes fou ! » Et il l’est. Je sais pas ce qu’il a, mais il l’est. Je demanderai à Arthur. Il doit le savoir, lui qui n’est pas fou. Quant à ce que représente Artaud, il faut le demander à Fleur. Elle demandera à Aurélie. « Vous êtes fou ! » Pour se le représenter, il faut d’abord être traité et ensuite fou. Ou l’inverse, je ne sais plus. Je le savais. Mais depuis que j’ai couché avec Aurélie. La forme microbienne de Dieu… Etc. Bref, moi on me traite pas de fou, mais d’anarchiste. Et encore, c’est pas un traitement. Je touche rien. Je suis pas un fonctionnaire de la poésie qui écrit de la poésie pour justifier qu’on le traite. Mais de poète seulement. Pas fou. Ça, c’est réservé à Artaud, et même des fois à Céline. Tellement qu’on sait plus si son œuvre est une satire ou pas du tout. Du coup, Céline est maltraité. C’est con, parce qu’à côté, Modiano… Bref, on me traite, une façon de parler, d’anarchiste. Qu’on me traite ou pas, je m’en fous. Mais d’anarchiste ! Moi ! J’aurais préféré être fou, mais on choisit pas ses parents. Ni ses amis. Donc, disais-je, un prof m’invite dans sa classe. Comme il était accompagné, j’accepte. Ils sont bien fringués maintenant, les élèves. Et connectés. Ça me regarde pas, mais je regarde. Et je vois. Passons. J’étais pas seul avec le prof. Vingt potaches. Le prof aurait pu me faire plaisir, pour une fois, et me traiter de fou. Je m’étais d’ailleurs préparé à être traité de cette manière. Il veut être le premier à ouvrir la bouche et il l’ouvre pour me traiter, si on peut dire, d’anarchiste. Ça lui fait plaisir. Il est le seul à en éprouver. Les uns pensent que c’est une insulte et que je vais me révolter. Les autres se disent que puisque le prof le dit, ça doit être vrai. Au lieu de montrer mon cul, je cite Schopenhauer. Les trois conditions fondamentales. Putain, l’effet !

« Vous êtes sûr que c’est de Schopenhauer ? » me demande le prof.

Comme c’est Aurélie qui me l’a dit à un moment où je pensais à autre chose et qu’elle n’est pas là pour confirmer que Fleur le sait pas non plus, je sue. Que voulez-vous que je fisse ? Dans cette quatrième condition de ma triste existence, je sais plus fisser. Alors je dis :

« Prenons comme axiome celui qui dit que l’homme est un animal social.

— Le contraire n’est même pas imaginable, alors ! » fait le prof.

On sent qu’il aimerait être seul avec moi. Je continue : 

« Si nous admettons pour vraie cette proposition, alors l’homme doit être gouverné.

— Je sais bien par qui ! Hou ! Hou ! Hou ! fait le prof.

— La question est alors, poursuivis-je : Mais par qui ?

— Par l’homme, dit un potache, parce qu’on n’imagine pas que l’homme puisse être gouverné par quelqu’un d’autre. Par exemple, moi, je ne veux pas être gouverné par les [censuré]. »

Le prof me regarde d’un mauvais œil, l’air de dire : « Vous êtes un anarchiste ! Partout où vous passez, c’est le bordel ! »

Je sens que je vais devenir fou, mais sans qu’on me traite, ce qui ne me vaudra rien. Je m’écrie :

« L’homme doit être gouverné par lui-même et par un gouvernement démocratiquement élu ! Voilà ce que je voulais dire.

— Mais ça, dit le prof, on le savait déjà. Si j’étais seul avec vous…

— Mais vous ne l’êtes pas !

— Vous êtes un anarchiste !

— Parce que je ne veux pas être seul avec vous ?

— Entre autre ! Et je ne dis rien ! »

On a jeté un froid, le prof et moi. On est filmé. Je souris.

« Étant donné que je considère que la démocratie consiste à donner le plus de pouvoir (de gouverner) à l’individu et le moins possible à son gouvernement, je ne suis pas un anarchiste.

— Vous délirez, monsieur Cintas. Vous êtes fou ! » s’écrie le prof.

Enfin ! Enfin fou !

Je l’ai toujours été. Justement parce que je ne suis pas anarchiste. Si je l’étais, serai-je fou ?

Mais je ne dis pas cela. Je me retiens.

« Il vaut mieux être fou que con, dis-je le plus calmement du monde.

— Vous me traitez de con ? »

J’y avais pas pensé. On peut être con. Et se faire traiter de con ! Pas seulement de fou et d’anarchiste. Les cons, ça existe ! Aurélie avait raison : « Des fous, il n’y en a pas beaucoup. Et un petit peu plus d’anarchistes. Mais alors des cons ! » On s’est séparé sur ces mots.

Ce que je suis ? Un fou ? Un anarchiste ? Un con ?

Ce que j’ai ? Mal.

Ce que je représente ? Demandez à Aurélie. Fleur ne connaît pas la réponse, alors.

 

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