couteaux de ma défense de dormir seul
je ne vous ai pas assez défendu
couteaux que j’affine au fil du rêve
je ne vous ai pas assez aimés
poignées douces de sueurs froides
vous ai-je assez caressées
pendant que la nuit étendait
ses velours et la soie de ses puits
pointes nues je vous aimais tant
que je n’ai pas connu l’acier
et d’ailleurs si je l’avais connu
y aurais-je pris le même plaisir
couteaux couteaux de ma passion
je ne vous ai pas oubliés
sous la terre je pense encore
vous retrouver
couteaux couteaux je vous enfonçais
dans le matelas des rêves commencés
et jamais finis
couteaux qu’on enfonce dans l’angoisse
pour ne plus penser à revenir
en beauté triste
la nuit avance des pions au hasard
et le chemin s’accroît
d’un autre chemin
claire angoisse de l’obscurité
qui change l’enfer en acier
même rougi
cette nuit je me sens de force
à redire ce que je n’ai jamais su
sans toi
carcan des frondaisons logiques
au bout de ce feu refroidi
en moi
nous n’étions pas encore mûrs
pour célébrer la refonte
de l’oiseau
en chien capable de mordre
sa propre chair sans en souffrir
vraiment
couteaux l’un et l’autre enfoncés
dans l’épaisseur de ce qui n’existe plus
sans cette eau vous n’êtes rien
et je peux me voir dedans !
couteaux de mes inventions
pour parfaire le monde
où je ne suis plus seul
comme au temps de l’acier
je vous donnais du fil
à retordre sur le cuir
de ces années encore
prochaines et suivantes
couteaux qui vous taisez
en présence d’un enfant
que cette fleur coupée
vous coupe la parole
ainsi la nuit se finira
comme finit le jour
en apothéose
osée
couteaux je ne sais plus
si je dois vous appeler
par le nom que je vous
ai donné en ces temps
de fuite et de colère
mais si je connais encore
votre nom ô couteaux
que je n’ai pas assez aimés
ne vous enfoncez pas coupez
coupez et qu’on n’en parle plus
c’est le travail des couteaux
de couper et d’oublier
c’est aussi ma patience
de chercher et d’en vivre
sans donner à penser
couteaux qui coupez net
que le sang ne vous cache pas
la vérité des yeux convoqués
au spectacle de mon orgasme
donné sans lever de rideau
les couteaux aiment bien
qu’on les aime
pour ce qu’ils sont
début et fin de ce qui cesse
d’exister pour tout le monde.