|
![]() |
||||||
|
Navigation | ||
La calbombe céladone de Patrick CINTAS
(2) Une nouvelle idée de dieu
![]() oOo Claude Bartolone, riche catholique socialiste, vient de proposer de rendre le vote obligatoire. C’est oublier que le Code électoral prévoit, dans un court article, que « l’inscription aux listes électorales est obligatoire. » Mais cet enfant de chœur n’ose pas, de crainte de déplaire à sa populace préférée, prononcer le mot « sanction », tant il est vrai que l’obligation susdite n’est assortie d’aucun châtiment. Et ce manque de disposition n’est au fond que l’expression d’un sentiment bien français et sans doute né en France : le vote ne confine pas à la démocratie, mais au contraire à l’aristocratie. Or, Bartolone présente son projet comme un effort d’améliorer la démocratie française. C’est une idiotie ou un mensonge. Comment savoir ? Tout le monde sait qu’une démocratie idéale choisirait ses élus, non pas par l’élection, mais par le tirage au sort. Bien évidemment, notre voisin Rousseau, plus clairvoyant que Montesquieu, prévoit quelques aménagements à cette règle immuable. Voir. Bartolone, à force d’avaler les hosties bénites du premier bedeau, a-t-il oublié cet aspect du programme dispensé par l’Éducation Nationale ? Ou bien faut-il s’en remettre aux sondages d’opinion pour en savoir plus sur ce phénomène mis à la mode par les taux d’abstentions inouïs qui ont marqué les dernières élections du sceau de l’indifférence ou de la colère ? Il ressort de ces sondages qu’une majorité confortable de français exigent, ce qui donne raison politiquement à Bartolone, que le vote soit rendu obligatoire et que des sanctions durailles soient prévues pour intimider les paresseux et les rebelles. On peut sans autre effort en tirer la conclusion que lesdits Français sont moins partisans d’un système de société de type démocratique et que leurs voix vont plutôt à un système aristocratique. La bonne tradition française s’éloigne. La « classe » politique est un exemple frappant de cette tendance. Et plus récemment, un sondage nous indique que la majorité des Français ne verrait pas d’un mauvais œil un système de protection sociale réservé à ceux qui en ont le moins besoin, sanctionnant ainsi « ceux qui ne payent pas d’impôts ». Je suis sûr qu’en approfondissant le sujet, on en arriverait à la conclusion que la croissance du Front National tient, non pas à une colère rentrée, mais bien plutôt à une intention de limiter le droit à ceux qui votent et à ceux qui sont élus, heureux nationalistes de tendance étatiste, autrement dit socialistes de droite comme de gauche. Que Martine Aubry se trouve lavée de tout soupçon dans l’affaire de l’amiante peu après s’être ralliée à ses opposants dans la perspective d’un congrès est une anecdote de plus à verser au dossier des crapuleries possibles mettant en œuvre la puissance de l’État et la servilité d’une administration judiciaire plus habile à se dorer la pilule qu’à rendre la justice. C’est discutable en tous cas. Mais quand un politicien inverse le processus philosophique pour tenter d’étoffer sa proposition, on ne peut pas croire qu’il n’est pas en train de conforter l’opinion la plus partagée pour tenter d’en demeurer le représentant, même au prix d’une trahison aussi grossière que celle qu’est en train « d’étudier » le président de la république. Je ne crois pas que la politique exerce une quelconque influence sur la nature et le devenir de la société. Je pense qu’au contraire, c’est la société qui modèle sa représentation politique. Et pas seulement par ignorance de principes aussi basiques que ceux qui président à l’établissement d’une démocratie ou d’une aristocratie. La tradition française est celle de la démocratie, mais les temps changent. Ils changent depuis bien longtemps. Et les épisodes de souffrances fomentés par les briseurs de grève, les va-t-en guerre et les racistes de tous bords marquent chaque fois l’Histoire de leurs pierres blanches. Il n’est pas impossible que, finalement, la France, et bien d’autres démocraties, n’en viennent à aménager une aristocratie qui ne sera pas seulement celles des nantis, mais aussi celle des fonctionnaires et employés de la classe dite moyenne. Et là-dessous, c’est la résignation qui formera l’esprit. Et la société ne trouvera le repos que quand cette soushumanité aura complètement disparu. Oui, je crois à l’anéantissement de tout esprit de révolte. Dans ce sens, le Front National est l’avenir de la république. Et nous voyons aujourd’hui comment les autres partis politiques, qui prétendent à hauts cris s’en détacher, reprennent petit à petit ses idées. Une nouvelle idée de dieu (conservons la minuscule à l’initiale) est en train de naître de ce simple microbe indestructible : l’aristocratie. Et le temps n’est plus aux aménagements démocratiques. C’est plus grave que ça. |
![]() |
Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs | [Contact e-mail] |