Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Forum] [Contact e-mail]
Navigation
Les textes publiés dans les Goruriennes sont souvent extraits des livres du catalogue : brochés et ebooks chez Amazon.fr + Lecture intégrale en ligne gratuite sur le site www.patrickcintas.fr
OH
OH lire à la souris - Passager

[E-mail]
 Article publié le 6 mars 2016.

oOo


Obtenu avec OHOH - Site [TELEVISION]

qui descendit était un homme d’une taille au-dessus de la moyenne. Il était accompagné d’une assez jolie femme qui se plaignait de la froidure en abaissant son bonnet sur ses oreilles. Un autre homme, qui paraissait chétif et qui ne cachait rien de sa nervosité, faisait jouer son poids sur la vitre qu’il n’avait réussi à baisser que d’un tiers environ, ce qui situait le bord de la vitre à la hauteur de ses yeux, à peu près. Ce manège agaçait la femme dont le minois séduisait Chacier qui aimait ce genre d’enfantillage sans en être très conscient d’ailleurs. La femme ne s’était pas attardée sur le quai et elle était remontée sur la première marche, se tenant à la main courante d’une seule main tandis que l’autre accompagnait son bavardage. L’homme était reconnaissable. C’était bien lui que Chacier venait chercher. Il ne pouvait pas se tromper, lui avait dit le comte. L’homme était en effet le portrait exact de madame la Comtesse, à qui il ressemblait plus par sa manière de regarder les autres (il regardait la femme qui semblait lutter contre le besoin de regarder l’homme que la vitre agitait toujours) que par son physique qui n’évoquait son ascendance nègre que parce que Chacier savait qu’il était le frère de Madame. Mais il était en conversation avec la femme oblique sur la marche et Chacier n’osa pas s’approcher. C’est pourtant ce que firent les instituteurs. Comme ils avaient attendu le train à l’autre bout du quai, Chacier eut le temps d’observer l’homme qui arrivait, malgré la présence troublante de la femme que son propre bavardage semblait étourdir tandis que l’autre homme, bataillant avec la vitre descendant si lentement qu’il était condamné à cette lutte jusqu’au départ du train qui ne pouvait être qu’imminent, eût mieux fait d’abandonner sa tentative désespérée de ne pas la rejoindre sur les marches où elle régnait sans lui à l’avantage de l’autre. Chacier, qui se divertissait, voyait cela en même temps que les instituteurs qui arriveraient à la hauteur de l’homme au moment où le train reprendrait sa marche. Il lui semblait même reculer pour céder la place aux instituteurs qui hélaient l’homme en question. Le train s’ébroua, la femme remonta les marches et reparut derrière la vitre que l’autre tentait cette fois de remonter, le foulard s’éleva dans l’air puis s’entortilla autour d’un poteau vers lequel le cheminot trottinait, portant le drapeau sous le bras et retenant sa casquette dans l’air agité. Chacier était déçu. Il quitta la gare le premier. La voiture des instituteurs le dépassa avant le croisement où il s’arrêta cette fois à cause de la circulation. Il aimait bien les chemins de retour, Chacier. Même pour rien. Même au risque de perdre sa place. Il ne pouvait pas se reprocher de ne s’être pas présenté au frère de la comtesse. Il n’expliquerait rien. Il avait le temps. Soixante à l’heure était une bonne vitesse de croisière pour un retour qui n’avait plus d’importance. En arrivant, il examinerait le chien et puis il passerait la majeure partie de son temps à éviter le singe pour ne pas être tenté de répondre à ces provocations. L’horizon était étonnamment clair. À cette vitesse, la route pouvait paraître bonne. Le mauvais temps ne tarderait pas à s’installer pour plusieurs jours sans doute. Il se mettrait à pleuvoir peut-être avant qu’il n’arrivât au château. Cette fin de tableau lui paraissait presque nécessaire, en tout cas inévitable. Il trouverait le chien sous la pluie, dans une flaque élargie aux marges dentelées par le vent. Le singe ne sortait pas sous la pluie. Ce n’était pas qu’il n’aimât pas l’eau. Il s’y baignait les jours de soleil. Mais la pluie le tourmentait, comme si elle annonçait des preuves de noyade ou d’électrocution. Ces idées ravissaient Chacier. — N’oubliez pas les journaux ! avait dit le comte. — Les journaux ? avait répété la comtesse. Le chien gisait déjà dans ce qui aurait pu être une mare de sang. Il était inquiet parce que c’était un chien. Expliquer la mort du singe eut été un plaisir parce qu’il le partagerait avec le comte. Il ne voulait rien partager avec la comtesse. Pas le plaisir. Ni le prix de son silence. C’était pourtant ce qui arriverait si le chien mourrait. Ou s’il l’avait éborgné. Rien que cet œil. Il frémit. À cette allure, il n’arriverait pas avant midi. Cela lui donnait du temps. Le temps du chien. Il eût aimé sourire encore de sa présence d’esprit au moment d’annoncer les mauvaises nouvelles. C’était la route qui lui inspirait ces réminiscences. N’importe quelle route eût fait l’affaire, pourvu qu’il ne voyageât pas. Il réservait les voyages au lendemain. Une fois réglé tous les problèmes. — Il me ressemble, lui avait dit la comtesse pour le rassurer, vous ne pouvez pas vous méprendre. Qui était cette femme qui ne lui appartenait pas ? La nuit était tombée quand il redescendit au village, mais cette fois pour s’y arrêter et attendre le retour du comte et de la comtesse. Le maire avait eu la même idée que lui. Ils se retrouvèrent sous le porche de l’église. Chacier avait garé le tricycle sur la place, ce qui attirerait l’attention de la comtesse qui avait l’habitude de prendre le volant au retour de leur petit

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

 

www.patrickcintas.fr

Nouveau - La Trilogie de l'Oge - in progress >>

 

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -