À Paris, en 1978, je portais la barbe...
À Paris, en 1978, je portais la barbe
Des Maures. Nous n’avons pas balayé
Notre seuil avec ces poils de conquérant
Mystique. Nous en avons aussi hérité.
La barbe sentait bon comme les épaules
Des femmes légèrement vêtues. Les tableaux
Marquaient des endroits précis du voyage
Mais rien sur le temps passé à parfaire
L’outil de travail, temps de l’adolescence
Si on en juge par les premières toiles
Si définitives. Qu’en est-il de l’enfant
Que je fus au regard de ces autres aujourd’hui
Disparus ? Que possédais-je d’aussi vivace
Qu’un souvenir de transes ? Quelle Ode
Coula de source ? Je pensais à l’enfant
Qui s’arrêtait inexplicablement pour attendre
Ce que personne ne voyait venir. L’enfant
Ne devient pas bachelier. L’enfant s’arrête
Quelquefois et ce sont les autres qui agissent
À sa place. Sommes-nous l’enfant que nous avons
Été ou bien ce que les autres ont fait de nous ?
Que signifie alors la femme promise et oubliée
Et toutes les autres femmes qui participent
À cet oubli majeur ? Nous ne retrouvons rien.
Nous jouons avec ce côté évocateur des mots
Comme si la langue, comme langage, avait accès
À ce qui faute d’être de la profondeur
N’est que la marge de l’existence.