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Seriatim 3 - [in "Seriatim"]
Seriatim 3 - Petits maîtres tout droit sortis de l’université et des églises (Patrick Cintas)
![]() oOo Río et Blanco dans un décor.
RÍO (lit)
Petits maîtres tout droit sortis De l’université et des églises En rang par deux chez l’éditeur Se disputant les miettes laissées Par le combat douteux des larbins La Ville n’est pas devenue une cité.
Croissez, oiseaux des tombes ! « Nous attendons l’employé Municipal : c’est lui qui a la clé. » Ce matin, ma chérie, j’ai les fleurs. J’ai le bison séminole et toute la Floride. Le soleil n’est pas encore debout. Qui a déposé toute cette rosée ? Mes espadrilles trempées : « Tu Ne prends pas assez soin de nous ! » Sont-ce des dahlias / « je m’en parfume En lisant l’histoire de ces femmes, Princesses et courtisanes, amantes Pour servir de prétexte, ne m’en veux pas ! »
L’employé municipal a la clé. Il arrive dans son auto verte. Il a déjà un coup dans le nez. Mais il a la clé, nom de Dieu !
Ce matin les fleurs sont mouillées. Le dallage est sombre, la terre noire, Il manque une étoile à ce ciel de deuil. « Je vous ouvre ! » Parole d’employé. Il a la clé, ma mie ! C’est l’aube qui le veut ! Bouquets en main, La lavande du jardin, Le persil du potager, « Vous avez vu cet engin ! » Tonnerre de guerre, tuyère Rouge traversant le ciel Encore noir à cette heure. « Nous allons tous mourir ! » Vases des nuits de colombe. Les vieilles fleurs dans la poche. Les nouvelles caressées comme Si « elles pouvaient parler » / nous Sommes au printemps de l’automne. « Je vous ouvre et je m’en vais. » Il ouvre et il s’en va. « Revenez Quand vous voudrez ! » Et au soir, Nous voilà devant les inscriptions Séculaires, « nous avons bien travaillé ! » « Mon Dieu ! Qu’est-ce que ce monde ! » Froissements des jupes, claquettes des semelles, « Il va nous arriver quelque chose ! » / MAIS Rien n’arrive de ce que nous avons souhaité Ensemble ou dans le secret de nos écrits / Ellipses et syllepses / fées des siècles passés / raison de ne pas rester à la maison « à attendre que ça recommence »
Carthage en feu Dans ton esprit / personnages Parmi les Personnages !
Ces morts doucement exprimés. Croix, étoiles et demi-lunes, rien / Patriotes de la langue plus que de l’écriture. La fournée de « la main tendue » Sur le déclin / l’âge n’est pas étranger À cette dissipation des sources vives.
Ce matin je ne sais plus Si j’habite encore ici / avec vous, citoyens Des sillons, et sans vous Électeurs des futurs enfants.
Ce matin je suis aux Everglades. Je croise les pélerines amantes Du bonheur / mais je ne sais plus Si ma maison est ma maison Ni si ce que je suis a bien été.
Donnez le sein si ça vous chante. Fumez du gris avec ou sans visions. Jouez à ne pas jouer pour exister. Moi, je ne me sens pas d’ici. Je me mets à parler kinoro. Je ne peux pas m’en empêcher. Je salue et même je bavarde, Mais le cœur n’y est pas, n’y Est plus / je ne suis plus un enfant. Ricky vous salue bien, mes ouailles !
Les fleurs tremblent doucement. La guerre en route vers l’Afrique Ou l’autan qui lutte contre l’Ouest d’où vient la pluie. « Nous venions avec elle Il n’y a pas si longtemps, Ô ma voisine en turlututu ! Et les goélettes de mon enfance Se déposaient avec la neige Sur tes fleurs toujours vieillissantes. C’était l’hiver, Avec ses loups nourris de vent Ab intestat / « t’as raison mon filou ! »
Que chasse le chasseur abstrait ? Quel est le nom de cette forêt ? Suis-je né pour la qasida ? Moi Qui vient de nulle part / avec toi Et avec la tramontane qui rend fou Les petits poètes de la Grande Poésie.
Tous ensemble avec l’industrie Guerrière et les vacances promises ! Sur la plage on revoit les films Qui ont nourri notre adolescence. « J’ai oublié de quel mot il s’agissait » Ailes delta dans la nuit finissante. Déchirement des airs. Mais bientôt Nous ne serons plus là pour y penser Comme nous y pensons aujourd’hui Car nous n’avons pas d’enfants, Pas de patrie, pas d’ennemis, rien Que la musique et cette lenteur Héritée des meilleurs romans Que le siècle propose aux poètes En signe de deuil / « Voici les fleurs Que j’ai arrachées au talus en venant Ici pour me souvenir encore de toi » « J’ai oublié de quel mot il s’agissait » « Avant j’étais plus proche de la nature » « Qui a brisé ce vase, nom de Dieu ! » Voici le vent qui chasse la pluie / le pain (sur la table) devient dur comme du bois / « Veux-tu que nous allions sur la Côte ? » « Avant, j’étais ouvrier dans le bâtiment » Lions des cirques sans dompteurs / « Le malheur est le principe de la reproduction » Piquant les troupeaux de poètes Comme à la campagne / la Ville mon cher N’est pas la cité dont vous rêviez En bon architecte de la tranquillité.
Ne rêvez plus si vous avez déjà rêvé.
« C’est vous qui cuisinez ? — Ça m’arrive des fois. — I’ll be back un de ces jours. — Mais d’autres fois, je suis mort ! »
Dehors, la rivière s’en prend aux rives. « Je ne sais pas si je sortirai ce matin… — Pour aller où ? » / le vent mouche L’allumette / « Ça sent le kérosène Comme en vacances / mais c’est pas Les vacances » / sur le pont on se penche : Dans la passe les poissons en lutte. « D’où sort donc toute cette eau ? » « Avez-vous la clé ? (et ajoute) au moins ? » Petite ascension du monticule Où couvent les petits animaux. « L’année dernière, à cette époque, Il neigeait (au moins !) — Mais c’est La neige (ma chérie) cette blancheur Qui a pris la place de la poésie jadis Si volubile ! — Ah bon ! Tu crois… ? »
Le campanile maintenant. La même oraison sonore. Ne veut rien dire mais ça Tourmente le cervelas De la poésie Gallimard.
Vous êtes déjà venu ici. Souvenez-vous de l’enfant. Déjà le plaisir d’exister. Les jeux sans innocence. La poésie des éditeurs. « La mineur, je crois… »
Au campanile les pendus Et les corbeaux, les chairs En ciel de lit, les putains Qui font de la vieillesse Un spectacle pour le peuple.
Ce matin, il ne pleut pas. Mais l’asphalte est mouillé. L’employé a la clé / ça grince « sinon ce n’est pas une grille » Ça ne grinçait pas autrefois. L’allée laisse filer des rus Minces comme des fils d’Ariane. « Vous êtes déjà venu, non ? On ne vient pas ici sans au moins Une raison » / C’était avant de devenir fou !
Je reconnais l’allée, les lentes destructions, Mais le ciment encore frais n’a pas de langage. Nuit de plomb en phase avec d’autres fusions. Voici la portion de mur qui s’écroula Dans nos jambes / « Qui sont ces morts ? » « Oui ! Vous avez raison (pas fou) sans la clé Il n’y a plus d’employé et sans lui, la porte (vous vouliez dire la grille) ne s’ouvre pas » Sauf esprit d’escalade / puis la fuite au moment Où un mort s’est mis à parler / Pas le temps D’écouter ce que disent les morts Quand on a l’âge de l’enfance !
« Il fait jour ? » Pas vraiment. Rafale à l’exercice de nuit. La tuyère en feu dans l’interstice Du volet / « Toi tu sais peut-être De quoi est fait le Monde ! — Mais j’y étais, ma chère ! Et je peux vous dire que… »
SVP, pas de flatterie. On ne flatte pas la mort. Or, j’en suis une. Parmi Les morts de l’université Et des communes associées.
« Qu’est-ce que vous aimez le mieux ? »
Je ne sais pas si j’aime. Mais si c’est possible I’ll be back wiz you or wizaout ! La route n’a pas été si longue. Demandez-le aux corbeaux. Ce matin nous perdons une étoile, Dit la radio en sourdine sous l’oreiller. Suffit pas de s’baisser pour la retrouver ! Il sort. Reste Blanco.
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