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![]() oOo Vers un accomplissement ? N’oublie pas alors les plis et les replis de ta mise. Ton drapé large, cette toge qui te vient du fond d’un âge, te sied, il est vrai, mais pense en premier lieu à ceux et celles qui cultivèrent le lin, puis tissèrent ce fin tissu qui te sied tant, à ton serviteur zélé aussi qui, savamment, tous les matins, enroule et plie cette toge autour de toi, afin que tu puisses t’y draper dignement. Je te sais assez fière pour ne pas être encline à te draper dans ta vertu, et je t’en sais gré, amie. Ainsi en va-t-il aussi de notre langage. Haillons, peaux de bêtes ou nobles vêtures, parures précieuses ou simples colliers de coquillages. * Une phrase résonne, se perd si vite, résonne bientôt dans le lointain, se confond avec un brouillard de mots indistincts dont on ne sait s’ils transportent encore l’idée mise en branle par une simple phrase qui n’a pu trouver son aboutissement, s’étant perdue avant que de germer pleinement dans ton esprit. Il était question de moi et de soi. Ecrire sur soi, c’est-à-dire un moi solide sûr de ses droits, érigé, dressé face au réel et puis très vite désirer se défaire de ce moi tout puissant, plein d’orgueil, se dépouiller dans le même temps de toute vanité, cette velléité récurrente, cette houle. Aborder aux confins du soi cachés dans les plis de l’écriture. Un soi qui reste soi, un soi entre soi pour le dire ainsi et non un moi avorté mais un moi différé indéfiniment ? Un point d’interrogation suspendu au-dessus d’un moi constitué, d’une substance, d’un sujet ? Non, il n’en va pas. Pas d’épée de Damoclès, aucune menace tangible venu de quelque extériorité blanche ou noire ou grise. Les nuances et les axes sont de ce monde, or il appert que le soi ne répond à aucun appel, ne connaît que sa dynamique propre et que l’arrêter au seuil d’un moi constitue la grande affaire de toute écriture qui refuse obstinément toute quête des origines. Le sourire d’une mère penchée sur ton berceau doit s’effacer pour un temps. Par l’autofiction - autosatisfaction - la matière vivante que tu es pour toi devient matériau pour un soi. Fictionner, c’est frictionner vigoureusement un matériau hétéroclite antérieur à toute appropriation. Il en jaillit des étincelles qui agrègent d’innombrables particules en suspension dans l’air ambiant. Une sorte d’électrostatisme est à l’œuvre. Il faudrait oser le jeu de mots : qu’un mouvement électro-statistique est en jeu, pour dire, ne serait-ce qu’un peu, ce qu’il en est au sein de ce puzzle en construction scruté à travers la lorgnette d’un kaléidoscope qui passe de main en main. Tout cela en sons bien sûr. Image inventée par Mick Jagger lors d’une interview datant du début des années 70 pour décrire le processus de composition mis en œuvre avec Keith Richard. Que l’immobile se disperse, tandis que le mouvant demeure. Ne serait-ce pas la meilleure définition qui soit du groove ?
Jean-Michel Guyot 28 août 2021 |
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