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I - ante meridiem
Ben Balada - Écrit sur rien (chapitre II)

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 Article publié le 17 avril 2022.

oOo

Comme Dieu, il était seul. Aux barreaux la petite bite frémissait. Il ne quitta pas son lit de la journée. La gamelle tinta deux fois. « Si je sais où je suis… et pourquoi… par quel cheminement… les années… les miennes et celles des autres… comprenez-moi… » ce qu’il demandait : être compris. Maintenant des années entre lui et moi. Quelle étoile ? Ne voyage pas. Ni en rond ni jusqu’à la bibliothèque. La société finit par rendre fou. Il le pensait. L’écrivait. Lazare quelque part. Vieillit sans moi. Mourra sans moi. Moi sans lui. Petite bite 45 degrés passe par deux points le plus court chemin « êtes-vous l’auteur de ce… cette… ? » Leurs murs. Ce qu’ils savent de moi. Et ce qu’ils en ignorent. Ben Balada était seul comme Dieu mais il était moins qu’un homme maintenant. « Décréé, » avait proposé le robin aux oiseaux. Voici ce qu’il est maintenant : moins qu’un homme. Or, Dieu créa la femme. Dehors, on brisait des trottoirs. Au grand dam des vitrines. Il avait connu la balade et les jours. Toqué lui aussi. « Vos pieds !... » Au bois aller. Grêles gambettes et plus loin on se vantait au bord de l’eau. Qui êtes-vous, Ben ? Ni homme, ni Dieu. Je ne sors plus. Mon cerveau produit des impossibilités. Comment appelez-vous ça ? La lumière éclairait des palpitements. Ô prépuce ! Ce qui a été créé ne le sera plus. Qui meurt détruit ? « Avez-vous lu ce livre jusqu’au bout… ? Personne ne le lit jusqu’au… » Revenait poussant le chariot et l’abandonnait devant. Ligne suivie non pas par habitude mais parce que. Cherchait à modifier les données afin que son cerveau, la nuit… Il était, mettons, deux heures de l’après midi quand ce roman (si c’en est un) a commencé à recréer les conditions de son histoire. Soleil d’été. Haut et fier. Mais ne le voyait pas. Ne pouvait qu’en observer les effets sur l’acier et le crépi ancien. Qui a dormi ici… depuis ? Comme les maillons d’une chaîne. Vous pousse à concentrer la dilution. Mais sommes-nous bien ici ? « Vous n’avez rien mangé… » Constate. Puis transmet l’observation. On ne sait jamais. Ce qui peut arriver. À quelqu’un qu’on enferme. Contre la loi naturelle. Qui veut : que l’existence soit vécue ! Mais qui es-tu si tu n’existes plus ? Ferma les yeux. Je suis toujours moi. Lazare n’est plus ce qu’il a été. Comme la télépathie est au mieux un tour de passe-passe nous ne serons plus ce que nous avons été. Silence, lieu unique, temps sans attente. Dire que j’ai été ce que je suis. « Lu ce livre… ? Mais oui… je crois… que je l’ai… » Or, le lit disait le contraire. Ne lit pas. Ni Homme, ni Dieu. Le gardien éberlué : « Animal. » Jeta les dés. « Non plus !... Vous ne trouverez pas… Pas prévu… pas écrit… pas lu… » Et l’esprit circule. Ne quittant pas un point sans avoir repéré le suivant. « Sinon, où se perdre… ? » Jamais perdu. Fixé comme on choisit. Punaisé au mur comme pin-up.

— Vous le connaissez donc… ?

— De vue… Voisins… Conversations à propos de rien… oui… le temps…

— Revenez un autre jour.

L’écriture ne se densifiait pas. Au contraire elle s’étirait. Mais au fil de quoi ? « Toutes les histoires commencent quelque part et finissent à un moment donné.

— Je voudrais être seul…

— Mais vous l’êtes !

— Je suis deux ! »

Il l’était. Deux bites. L’une vue et l’autre caressée. « Nous savons… » Pourquoi ne sauraient-ils pas ? Passent et observent. Notent. Transmettent. Comme l’écume sur le sable. Révélant le coquillage. Ô mes pieds nus ! La proximité des corps. Il avouait tout cela dans le box. « J’ai péché… » Des muges au goût de vase. Pour appâter. Malaxant le pain trempé dans l’eau salée des roches.

« Quel jour était-ce… ?

— Un dimanche…

— Quelle distance vous séparait de… ?

— Je ne sais pas ce qui me conduit ici… ou là… J’étais…

— Seul… ?

— Désargenté.

— Pas possible payer son verre. Ni a fortiori celui des autres…

— Vous appelez ça de l’amitié… ?

— Comment dire en une phrase ce qui ne contient pas en dix ? »

Venait de loin. D’ici, les toitures grises du voisinage aperçu une fois depuis la vitre véloce. Des bras. Reflets de vitre. Pas un cri. L’interminable gémissement des joints et des chaînages. « Si j’avais su que vous le liriez… » Quoi… ? si vous aviez-su… ? Mais l’interlocuteur en question ne sait peut-être toujours pas ce qu’il allait dire. Son cerveau lui a ouvert la bouche, agité sa langue, mesuré le passage de l’air vers l’extérieur où je suis… seul. Pousse le chariot qui se vide. « Ça me distrait, » dit l’autre, mais ça ne le distrait pas. Ainsi, quand il dit qu’il pleut, il ne pleut pas. Et s’il ne pleut pas à ce moment-là, on ne peut pas savoir s’il neige ou autre chose d’aussi reconnaissable que le vent ou l’instinct. De loin. Venu sans bagages. Désert partout. On voulait aimer et même s’aimer. Cueillir. S’endormir avec la certitude de se réveiller avec le jour déjà haut dans le ciel. Mesura la quantité d’écriture possible et considéra l’étendue de la mémoire disponible : Sade se fit minuscule, pourquoi pas moi ?

— Je n’y pense plus…

— À quoi pensez-vous alors… ?

— À rien qui y ressemble. Je suis… asexué.

— … ?

— Et si je l’avais toujours été ? Et que vous vous êtes trompés sur mon compte… ?

— Les preuves… L’ADN… L’écoute de l’enfant… Spécialistes… Expérience garantie par l’État… Écoles nationales… Candidats triés sur le volet…

Je t’écris parce que rien ne sera écrit. Pas de tombe. Pas de pierre dans l’érosion. Ni ce temps que l’érosion définit. Ni les mots convenus. Achetés au coin de la rue. Ex-voto fleuris pour la circonstance. Mais il n’y a pas de circonstances. Tu n’es rien. Pas même ton ombre. Rien pour nommer cette attente qui n’en est pas une. Le nez dans les poils naissants. Qui veut savoir ce que je ressentais alors ? La salle pétrifiée. Les poils de l’enfant. Il écrirait un jour sur le sujet. Mais pour l’heure, il considérait la mémoire disponible avec angoisse, car elle était aussi étroite que le lieu qui le contenait. Ainsi, il s’intéressa aux outils nécessaires à la concentration de l’écriture. « Ça n’intéressera personne…

— Vous oubliez le scandale provoqué par un tel aveu…

— Mais vous ne l’avez pas tué !

— Je l’aimais ! Et il m’aimait ! Je l’aime ! Et il m’aime malgré vous ! »

Ce qu’il faut dire. Que personne n’entend. La chose est jugée.

 

*

 

On commence avec Anaïs parce que tout commence avec elle… Une tête en forme de miroir du matin. M’interrogeait. Au sujet de. Miroir… ? dites-vous. Du soir alors… ? Se voyait nuit. Dans la nuit. Seul avec moi devant. Suivis (nous sommes) par la foule des habitants des lieux qui ont cerné mon enfance. Alors Anaïs… qui dit… qui pleure… seule maintenant… grande salle avec ancêtres pas les siens. Les miens. Cours après la balle lancée depuis la meurtrière. Aux douves la poésie ! Des jonquilles déjà ! Court elle aussi, à la fenêtre, yeux jaunes de Naples. Au reflet bleu d’un ciel lazuli.

— Ça ne veut rien dire, Ben. Vous cherchez à m’égarer dans votre (ne finit pas comme si c’était facile de donner un mot à ce sens que je suis censé avoir donné à cette conversation qui n’en est pas une)

— Non, non ! Je croyais que… mais passons, si vous voulez… Les murs…

— Vous recommencez, Ben !

Pas le choix, mec : la petite bite de Lazare ou la langue maternelle d’Anaïs qui connut l’Empire. Roman en alternance selon la vitesse acquise par la descente. Anaïs et Lazare. Lazare et Anaïs. L’Empire et Dieu. Vous énervez pas… J’ai l’impression de revivre ces moments de non-temps. C’est grand, un château. Plus vaste qu’une mer. En patins à roulettes. Faute d’une goélette. Des couloirs je vous dis pas ! Casse-gueule des marches usées jusqu’à l’os qui les conçut en un temps si reculé que je m’en souviens. Sinon j’en viens. Et je vous…

— Ah ! Cessez donc de vous apitoyer sur vous-même ! Regardez les choses en face. Nous ne souhaitons que vous sauver. Nous connaissons votre douleur…

— Lazare ne souffre pas. Il l’a dit à mes juges.

— Il croit ne pas souffrir, mais il…

— Il deviendra un assassin si…

— Vous délirez, Ben !

Au fait : vous avez terminé le livre que je vous ai… ? Personne ne l’achève. Moi-même… étant enfant. Mais sans château ni goélette amarrée au port d’une résidence secondaire. Vous avez fichu en l’air une sacrément belle existence qui n’attendait que vous pour donner toute la mesure de la chance qui est née avec vous / d’Anaïs, je sais. Elle revenait de l’Atlas. Hâlée d’autres mœurs. Pris froid en remettant les pieds ici. Fabrice de Vermort…

— Dites : mon père…

— J’ai refermé le livre une heure après en avoir lu et relu la dernière page. Vous vous souvenez ?

Le vent, léger, secouait le battant bleu. Son visage comme extrait de ces pierres assemblées. Je croyais devenir fou. Mais pas l’âge de savoir ce qui attend celui qui perd la tête à cause de… vous savez. Vous savez tout. Des années. Il n’y a que ça.

— Vous héritez une sacrée…

Me séparer ainsi de ce que j’ai construit sur le socle en guimauve de mon enfance… Vous. Qui témoignera de ma patience ? Je n’ai plus l’impatience. Vous entendez… ?

— La gamelle… Rôti de porc à la moutarde… Accompagnement de légumes nains. Au dessert du chocolat et des paillettes d’or. Nous ne savons plus quoi faire pour vous redonner le goût de vivre…

— Dites-lui que je l’aime.

(un temps)

— Vous savez bien que c’est impossible, Ben. Plus tard, peut-être… s’il grandit…

— Vous en doutez ?

— Il grandira, mais pas autant que nous le souhaitons. Votre faute… l’enfance… Comment vous comprendre et vous...?

Livre refermé. Page tachée. Plus d’encre. La mémoire travestie. Venise. Vous y étiez. Conventions des genres. Petite bite fait pipi dans le feuillage des troènes en fleurs. Fragrance entêtante. Lueurs dansantes. Toute droite. 45 degrés. À croquer. Je sirotais un Gibson sous la charpente. Guitare andalouse au loin. Filles charmées, presque données. Lazare secoue soigneusement sa petite bite et revient parmi nous. Une tache sur la lanière de sa sandale. Anaïs (une autre Anaïs) frotte avec son mouchoir, genre « tu n’as pas honte ? À ton âge ! »

— Souvenez-vous…

Olive ou oignon. Mordillant le cure-dents. L’œil musicien. « Vous avez déjà vu ça… ?

— Vous voulez dire…

— Je vous parle de cette fille… Mère à son âge !

— Anaïs n’était guère plus âgée quand… je… »

Plus loin, un musicien m’encule. Une fontaine chuinte. Flotte un moment la capote puis disparaît sous un nénuphar. Et moi ? Mais le harpiste s’est transformé en nuit.

— Être surpris ? Vous n’y pensez pas !

— Si, justement… j’y pensais pendant que tu…

— Adieu ! »

Un rire féminin réinstalla vite la réalité d’une soirée conçue pour durer plus que Ronsard. Bras nu avec bracelets d’or. Reflet obscène d’un diamant fort bien imité. Je bavais encore. Elle se servit de son mouchoir pour. Belle perruque asiatique. Mais la coiffure est espagnole. Où est Lazare ?

— Nous le cherchons nous aussi, figurez-vous !

— Il est saoul.

— Qu’est-ce que vous en savez ?

— Je l’ai surpris sous la table…

— Qu’est-ce que mon Dieu il faisait sous la table Sainte Vierge… ?

— Ah ! Nom de Dieu !

Nous courions. En tous sens. Nuit de feuillages et de graviers. L’air tiède des eaux glissantes. Anaïs (l’autre) allait et revenait. On aurait dit qu’elle se conformait à une stratégie déjà mise à l’épreuve des frasques de ce garçon. Je laissai échapper :

— C’est fou ce qu’il me ressemble !

— Oh ! mais pas du tout !

— Je vous assure que j’étais cet enfant !

— Je plains votre…

Croisant le musicien de tout à l’heure (rougissant) je devine l’enfant. L’ombre eut-elle quelquefois un secret à me cacher ? Je saisi son maigre bras. Il bande dans son froc. Il ne s’en cache pas. Ça n’arrive qu’aux vicieux dans mon genre. Jamais je n’écrirai cela. Il me regarde comme si j’allais le trahir et qu’il se soumettait déjà à la punition exemplaire que sa mère ne manquerait pas de me proposer de lui infliger en récompense de ma trouvaille.

— Nous le tenons ! crie une voix d’homme qui n’en peut plus de courir.

— Dans ses poches ! Mon affiquet !

Que je tiens de ma grand-mère… Mais la poche est pleine seulement d’une petite bite bien droite et frétillante comme si l’eau claire de ma pensée voulait la sauver de l’humiliation. Une gifle retentit. J’interdis la poche. Elle me revient. Selon la règle. Tout le monde est d’accord là-dessus. On se recule. Je tiens la petite bite. Elle est têtue. Mais pour ce qui est de l’affiquet…

— Je suis bien sûr que c’est lui qui me l’a volé !

— Un affiquet… voyons, ma chère… Filons avant de nous ridiculiser…

— Il a combien de poches ?

L’autre contient un coquillage et une sucrerie vénitienne typique.

— Nommez-la… c’est nécessaire… sinon on ne comprend plus rien !

— J’avais oublié le nom… On s’en passera. Ma main ouverte exhiba ces objets.

— Non, ce n’est pas à moi.

— Ce n’est à personne. Un coquillage ! Un massepain !

— Et l’autre poche… ?

— Ma bite ! dit Lazare.

En même temps je la libère de l’étreinte. Il s’enfuit. Il a une poche au derrière. Mais tout le monde avoue une fatigue insurmontable. On verra demain. Un affiquet. Vous m’en direz tant. Histoire de l’affiquet. Qui veut l’écrire ?

 

*

 

Ces prisons ! Qui les conçoit ? On y rencontre le pire. Le sang. Le sperme. « Vous habiterez ici, mais vous savez : ce n’est pas définitif. De temps en temps, on vous change…

— Montrez-moi sur la carte…

— Vous avez une carte ? Je ne sais pas si c’est…

— Montrez-moi, je vous en prie !

— Ça ne coûte rien… C’est ici !

Mais demain, ce sera peut-être là. On n’en sait rien d’avance. Mais pas plus loin que l’Empire. L’imagination en prend un coup ! Vous avez d’autres histoires du même cru… ?

— Vous écrivez… ?

— Non. Mais je raconte. Vous écrivez, vous ? Si vous voulez raconter, ne vous privez pas. Je vous écoute…

Curieux personnage. Écoute. Mémorise. N’écrit pas. Peut servir de mémoire. En attendant que j’écrive. « Vous écrirez. » Parole d’or. Prononcée alors que mon cul patine ma place d’écolier. Gondole où je croise le destin de Lazare. La brise du matin l’éternise. Nous observons les crustacés des murailles émergées. Je bande. Me frotte à son épaule. J’aime que l’enfant m’aime. C’est un trait caractéristique de ma personnalité. Je n’innove pas. Je perpétue. Il bande aussi. Bon.

— La soirée vous a plu, monsieur… ?

— Balada… Ben Balada…

— Je croyais que monsieur de Vermort… Anaïs… Moi aussi… Anaïs… Hasard. Sans intérêt. Vous reviendrez ?

— À Venise ?

— À Venise ou ailleurs.

— Je reviens toujours.

— Mais si ça ne vous plaît pas… ?

— Ça me plaît toujours. Je choisis les lieux de mon…

— De votre… ?

Lazare sourit. Je veux le voir nu. Peut-être sur la plage. Au dépourvu. Mais elle ne va pas sur la plage. À cause de la pollution. Lazare privé de plage. Moi privé de la nudité de Lazare. Je ne peux pas m’en passer. Et je ne peux pas non plus pénétrer sans effraction dans leur chambre d’hôtel. Dans le train au retour ?

— Vous retournez, vous ? À Vermort, je suppose…

— Je…

Je quoi ? Je rien. Ni retour ni rester. Désargenté. Coucher dehors ? À Venise ? Faut pas rêver !

— Vous… Vous restez… ?

— Nous résidons ici, mon cher !

(dit pas : nous habitons, bitons, bitons…)

Depuis oh ! des lustres !

Si vieille que ça ? Et lui si jeune.

— Vous n’aviez pas l’impression de plagier… ? (question posée pendant l’instruction)

— Réponse : Non.

Elle jette une serviette de bain sur les épaules de son petit qui se trémousse dedans, comme si je ne savais pas ce que cela lui inspire. Yeux larmoyants de joie.

— Vous êtes sûr que c’était à Venise… ? (instruction)

— Je lisais beaucoup…

— Elle n’a rien vu ? Rien deviné ? Pas un soupçon ? Vous ne la courtisiez pas. Elle aurait pu se douter. Mais vous êtes un sacré dissimulateur, monsieur de Vermort… Je commence à m’en apercevoir, moi !

Oui. Je ne suis jamais sorti de moi-même. J’ai toujours résidé ici (montrant la région du cœur) / Je ne sais pas ce que vous en pensez… L’idée de moisir en prison pendant tant d’années… brrr… à mon âge…

— Heureusement que vous ne l’avez pas tué…

— Tuer Lazare ? MON Lazare ! Comme s’il voulait me tuer maintenant que nous… nous ne nous reverrons plus… les années… l’enfance au placard… nos joies… le désir… Nous nous ressemblons tous. Tellement. Vous. Moi.

— Moi !

— Pourquoi pas ? Pas besoin d’inverser les rôles.

— Vous n’avez jamais mis les pieds à Venise…

— Je peux vous raconter des tas d’histoires. Des que j’ai vécues et d’autres encore.

Mais maintenant c’est fini. C’est joué. Le narratif judiciaire est joué. J’ai baissé la tête à l’énoncé. Ça m’a déçu, de baisser la tête alors que je ne souhaitais même pas m’excuser, me repentir, me damner ! Lazare aurait crié sa colère et son désespoir s’il avait été là. Mais il n’y était pas. J’étais seul. Anaïs en son château. Peut-être morte. Qui sait qui meurt si on n’est plus là pour s’en convaincre ? Gamelle après gamelle. Sauces divines des cuisines. Vous avez pas des histoires que c’est pas vrai qu’on y croie ? Personne. Questions du désir. Des années. L’enfant disparaît déjà, avec des années d’avance sur le désir mémorisé. Des histoires que j’en ai, mec ! Mais personne pour m’écouter depuis qu’on n’instruit plus. Vous guérirez. La science sait déjà des choses qu’aujourd’hui on sait pas encore. On y travaille. Vous travaillez pas, vous ? / Non, pas besoin. Même pas pour pas m’emmerder avec le troupeau encerclé.

— Vous serez libéré un jour, vous verrez. Mais attention à ne pas recommencer !

— Je ne suis pas Dieu !

 

*

 

Je ne sais pas si je vous en ai assez dit. Ceci est un écrit. Je ne témoigne pas, je m’emmerde. Je chipote dans la phrase. Me croiras-tu si je te dis que je recommence chaque matin ? Je vais finir par me ressembler. Il fallait que vous sachiez ça aussi. Et puis peut-être que vous connaissez Lazare : ce gosse heureux de m’avoir connu et d’avoir baisé avec moi, ce que vous rendez maintenant impossible, comme s’il fallait à tout prix qu’il soit malheureux et que j’en crève en attendant qu’il ne soit plus un enfant !

 

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