Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Forum] [Contact e-mail]
Navigation
Les textes publiés dans les Goruriennes sont souvent extraits des livres du catalogue : brochés et ebooks chez Amazon.fr + Lecture intégrale en ligne gratuite sur le site www.patrickcintas.fr
II - post meridiem
Frank Chercos – Roussin et pisse-copie - chapitre XVI

[E-mail]
 Article publié le 4 septembre 2022.

oOo

Barman interrompit le. Robinet gicle. Un verre tinte. Il dit voila le Vieux et les deux pisse-copie, qui à peine se levaient, après une nuit de dialogue, virent la 504 coupé injection se garer le long du trottoir les pneus de bâbord dans la rigole et comme il avait plu un passant sauta en l’air et bouscula des chalands devant la vitrine du boulanger /ou de la boulangère si / la Rouquine jeta un œil expert dans le miroir entre Barman et les manettes :

— je savais bien qu’il

— tu sais toujours tout avant les

— j’ai préparé des questions à tout hasard

— je ne crois pas au hasard surtout avec toi préparons-nous à

— que crois-tu que je fasse

Et Barman cessa de surveiller la voiture pour les observer /il avait déjà vécu cette scène mais c’était dans un roman de gare ses yeux s’embrouillèrent dans l’auburn et le Vieux apparut au niveau de la porte d’entrée s’arrêtant un instant pour regarder à l’intérieur et agacé par la présence des deux pisse-copie. Enfin il poussa la entra et se débarrassa de son imper vinyle Midica le Chauve remarqua qu’il était mouillé et se demanda sous quelle pluie

— Bonjour Frank ! fit Barman et Frank Chercos lui tendit une main gantée de noir cuir mouillé que les doigts du cafetier essorèrent un instant avant de les frotter sur le tablier façon franc-maçon de son ventre dodu yavait longtemps dit le flic

Il n’avait pas encore soumis son regard de faucon aux deux pisse-copie qui s’étaient rassis et touillaient leur express comme si et Barman sourit saisissant au vol de sa main encore humide un verre dans le ciel de son bar et le posa en face du flic qui attendit patiemment qu’un contenu mais Barman dévissait encore un bouchon récalcitrant

— Je pensais bien vous trouver là, dit Frank Chercos sans se tourner mais il se voyait et les voyait dans le miroir entre une pub dorée et un pot de caoutchouc en formation.

Ils bafouillèrent des saluts. Le Chauve avait l’air réjoui et la Rouquine tentait vainement de cacher ses jambes sous le guéridon. Frank prit son verre et les rejoignit sans se soucier du contenu car Barman luttait toujours contre le bouchon. Il fit glisser une imitation PVC Thonet verte à rayures jaunes et prit place entre leurs jambes car ils étaient assis côte à côte dans les cuirs fatigués de la banquette sous les encadrements où des pêcheurs des chasseurs des rugbymen des écharpes tricolores pas une femme ni l’ombre d’un gosse qui aurait vécu depuis

— C’est le grand jour, dit-il et il offrit des cigarettes et même leva et contorsionna son bras pour en proposer à Barman qui se déplaça sans lâcher sa bouteille

— Vouais, dit le Chauve. On est là depuis hier au soir, la Rouquine et moi.

— Je viens d’arriver, dit Frank ce qui n’expliquait pas pourquoi son imper dégoulinait au pied du portemanteau est-ce que ça a de l’importance pensa le Chauve mais il était bien incapable de répondre à cette question sans doute la même dans la tête immobile et froissée de la Rouquine qui agitait le marc de son café dans la soucoupe et ne disait rien ce qui étonna Barman car d’habitude elle était pire qu’une pie depuis l’école et sa cour où ses jupettes

— Vous ne me demandez pas pourquoi je suis là… continua Frank et le Chauve ne le laissa pas continuer il dit :

— La routine, je suppose, dit le Chauve (ce qui arracha un sourire narquois aux lèvres de la Rouquine qui avait joué du bâton ce matin avec un rien d’exagération /des fois queue…)

— Il ne se passera rien, dit la Rouquine qui remuait ses pieds sous le guéridon. On est là pour ça, nous…

— Comme ça on rentrera à la maison sans rien à dire, fit Frank en avalant le contenu de son verre et le bouchon de Barman se dévissa enfin

— Des fois ça se passe comme ça, dit ce dernier. Et des fois il ne se passe rien. Il parlait du bouchon mais on pouvait très bien comprendre qu’il participait ainsi à la conversation qui venait de donner des signes de commencement sans qu’on sache vraiment ce qui l’avait initiée

Il resservit Frank qui cette fois parut satisfait et pourtant c’était le même et Barman retourna à l’évier il avait négligé la vaisselle hier au soir ce qui lui arrivait rarement mais ce n’était pas le sujet aussi Frank sortit la Méridienne de sa poche, déjà dépliée à la bonne page, celle qu’il voulait montrer à ceux qui en savaient forcément plus long que lui sur ce ridicule jeu-concours et la Rouquine dit d’une voix de moulin à café que ni elle ni le Chauve n’y étaient pour quelque chose

— C’est pas notre secteur, dit ce dernier, il reluquait le verre du flic et sa langue luttait pour se frayer un chemin entre ses lèvres à peine entrouvertes.

— En tout cas ce vieux comte de Vermort s’est encore fait remarquer, dit Frank. Un vrai Forneret. Et pas avare de ses sous si j’en crois…

— N’en croyez rien, bava Barman en indiquant l’ardoise effacée tellement qu’on ne pouvait pas lire ce qui y avait été écrit.

— Vous allez jouer, inspecteur… ?

— Lieutenant… (verre vide) Je ne joue jamais.

— Pas même au… ?

— Pas même. Je ne suis pas venu pour jouer. Vous non plus,I presume

— Le papier sera prêt avant ce soir…

— Au sujet du jeu ou de… ?

— On ne joue pas nous non plus, dit la Rouquine qui consultait le fond de sa soucoupe. Mais si vous avez une idée…

— Au sujet de quoi ? Je veux dire : en quoi ce jeu me…

— Le comte connaît la solution. À tous les coups c’est lui qui l’emportera. Comment voulez-vous que nous…

— J’en sais sans doute autant que lui sur le sujet, déclara joyeusement le flic.

Le Chauve réprima sa tourette nasale. Il avait une envie folle de jouer, mais il n’avait jamais rien gagné et il ne jouait plus depuis longtemps. La Rouquine jouait faux et il n’avait jamais eu l’occasion de l’applaudir. Frank sentait cela. Il se souvenait de l’avoir déjà senti, en une autre occasion, la même salle de bar à la vieillesse rurale. Les deux pisse-copie essayant de lui tirer les vers du nez. Et lui impossible à percer comme on fait du mystère quand on a le sens du lendemain à l’heure des rumeurs médiatiques. Il les connaissait depuis longtemps. Elle était aussi jolie que le Chauve était triste, autant à regarder qu’à oublier. Frank leva son verre vide et Barman, se précipitant comme un ailier, posa la bouteille sur le guéridon, non sans en avoir astiqué la surface déjà couverte de traces de doigt et de cendre et d’autre chose. Puis il reprit sa place et le flic ajouta :

— On sait ce qu’on sait des personnages principaux, dit-il, professoral et sirupeux, parce qu’on les a vus jouer et qu’on a eu le temps d’y penser. Mais le comte connaît la difficulté que le lecteur (si le lecteur de la Méridienne en est un) peut éprouver en présence d’un personnage dit secondaire qu’il n’a pas pris le temps d’observer de près, ignorant au moment de le rencontrer qu’il va prendre de l’importance à l’occasion d’un jeu-concours dont il n’a pas vu arriver les modalités. Ainsi le comte, de Vermort ou de Lautréamont ou de Dracula ou de ce que vous voulez ou pouvez imaginer (Bradomín est marquis crois-je), savoure à l’avance sa victoire sur cette populace que la multiplication des bibliothèques et des théâtres vivants n’a pas élevé au rang que lui a hérité par droit d’intelligence. Que voulez-vous (dit-il en lançant une œillade en direction de Barman qui entrechoquait des verres et des couverts) le monde est ainsi fait…

— Cependant tout le monde peut jouer…

— Personne ne joue s’il ne sait pas jouer, c’est une tautologie…

— Quelle importance si la solution nous est donnée à la fin… ? Fin qu’il suffit d’attendre, car elle arrive toujours, par définition même…

— Cependant c’est du temps perdu et vous savez comme moi que le temps…

— Oh la la ! Vous avez l’art de compliquer… Comme au procès… Rien n’était plus clair que les conclusions de votre enquête, mais nous n’avons rien compris après…

— Après quoi… ?

— Une fois qu’on l’a enfermé et que…

— Ah ! Ça…

La main du flic tapotait la surface plissée du journal à l’endroit du schéma que le comte avait révélé à ce qui, on pouvait le savoir maintenant, constituait son public. Et la liste des personnages secondaires apparaissait entre le pouce et l’index du policier qui tapotait aussi, mais avec l’autre main, la surface humide du guéridon qui exhalait, à bien sentir, une odeur de vaisselle douteuse. Ainsi venait-il d’organiser sa posture face à ceux qui le priaient maintenant de les guider vers la première partie de la solution, laissant à une autre fois la complexité à priori redoutable qui consisterait à établir une relation (sans doute multiple et sur plusieurs plans définissant un espace improbable) entre les deux schémas, ce qui pourrait alors passer pour une espèce de fin ou de conclusion, même provisoire, cartésienne si on connaissait le goût de Frank Chercos pour les certitudes probables. Il en riait et Barman se tuait en ce moment-même à chercher à comprendre car il avait lu le journal et n’avait pas du tout envisagé les choses comme elles se présentaient maintenant suite à l’intervention du Vieux. Il voyait ou croyait voir que les deux pisse-copie n’en savaient pas plus que lui. Frank Chercos était doué d’une intelligence telle que Ben Balada avait été contraint d’avouer sa défaite et il avait descendu l’étroit escalier de sa disgrâce en se maudissant au lieu de haïr ses juges et surtout celui qui les avait inspirés.

— Nous direz-vous quelque chose que nous ignorons et qui nous mettrait sur la voix de la double solution proposée par le comte… ? dit la Rouquine.

— Je peux même faire mieux…

— Mais avons-nous le temps ? s’inquiéta le Chauve.

— Le temps, nous l’avons, car Ben Balada ne sortira pas aujourd’hui…

— Première nouvelle ! s’écria la Rouquine.

Le Chauve crut se trouver mal. Sa tasse était vide. Il approcha son visage blême du journal, offrant au regard du flic la morosité de sa calvitie.

— Vous en savez plus que nous… dit-il tandis que sa tête s’inclinait encore. Mais que diable venait vous faire ici ce matin, si je réfléchis bien… ?

— Et bien… comme je n’ai rien à faire… puisque Ben Balada ne sortira pas aujourd’hui… ni demain d’ailleurs… pourquoi ne pas jouer avec le comte… ? Vous ne souhaitez pas en savoir plus sur ces personnages secondaires dont vous avez négligé, ne dites pas le contraire, les plus ou moins discrètes apparitions ?

La Rouquine perçut alors toute la perversité du flic, qu’elle avait déjà eu l’occasion d’expérimenter, au cours d’une aventure… dont il ne saurait être question ici. Elle lui offrit un sourire avec la langue dedans et ses yeux pétillèrent. Le Chauve tentait d’assumer sa déconvenue. On m’avait dit que… Et maintenant il n’est plus… cependant il lui vint à l’esprit que

— Vous n’êtes pas vous-même un personnage, murmura-t-il dans la feuille offset… Ni principal, ni même secondaire… Vous arrivez alors qu’on ne vous attendait pas. Le comte sait-il cela… ? Est-ce que cela ne fausse pas sa démarche ludique… ? À quel endroit de cette mascarade romanesque figurez-vous donc, insp… lieutenant… ?

— Il est ici ! pouffa Barman et Frank pouffa lui aussi, la Rouquine émit un petit rire nerveux, mais le Chauve releva sa tête lisse et son visage était empreint de colère ou de désarroi, cela Frank n’aurait su le dire, en tout cas pas à ce moment crucial du matin en jeu ici.

— Je ne suis pas dans ce roman, dit enfin le flic, après avoir trop franchement approché le visage blanc du journaliste en perdition qui répliqua aussitôt par un

— Alors vous y êtes dans un autre ! Et cet autre… heu… sauriez-vous au moins me dire… (changement de registre comme à l’orgue, je précise parce que ça devient compliqué) Comment est-il possible que Ben Balada ne sorte pas comme c’était prévu depuis des…

— C’est possible, c’est tout, fit la Rouquine. Frank sait ce qu’il dit…

— Moi aussi je sais ce que je dis !

Il ne le savait pas, pensa la Rouquine. Il n’a jamais su. Et comme elle crut qu’elle s’exprimait ainsi à voix haute, elle craqua une allumette et brouilla les pistes dans la fumée de sa cigarette. Frank en chassa l’essentiel.

— C’est un fait. Ben Balada ne sort pas.

— Sortira-t-il un jour… ?

— Je n’en sais rien.

— Tu n’en sais rien ! s’écria la Rouquine.

Ce tutoiement consterna Barman. Il n’avait pas prévu que. Heureusement, il n’y avait personne pour. Ceux qui étaient censés être là attendaient devant la porte de la prison. Et ils ignoraient ce que Frank Chercos venait de révéler. Ils attendraient en vain jusqu’à ce que quelqu’un, peut-être Octave Cérastin, sorte pour les informer que. Alors ils entreraient ici et « ce ne sera plus la même chose » /il n’osait plus regarder de leur côté. Et il avait même envie de ne plus les écouter. Raison pour laquelle il disparut, exactement comme elle acheva de chasser la fumée à la place de Frank.

— Nous ne sommes pas venus pour rien, dit le Chauve. Allons voir ça de plus près.

— Vas-y toi. On… je t’attends.

— Tu le regretteras encore… Chaque fois que tu… tu regrettes de ne pas…

— Je veux en savoir plus sur le jeu imposé par le comte. Toi la fausse sortie de Ben Balada, moi le jeu du comte sur les indications de Frank…

— Oh ! Ce sont plus que des indications !

Le Chauve sortit. Clochette tinta. Quelle idée d’avoir installé une clochette sur la porte d’entrée ! Ce n’est pas une boutique. Il leva le nez pour sentir les gouttes, mais ce n’était pas la pluie. Ou pas encore. Allait-il, une fois sur place, leur annoncer la nouvelle ? Ou attendrait-il avec eux qu’Octave, ou un autre, vînt leur apprendre… que nous apprendra-t-il ? Que Ben Balada ne sortira que demain ? Ou plus tard ? Ou… jamais ? Mais pourquoi ? Frank n’a pas. Ce non-personnage. Elle en saura tellement que je serai incapable d’en dire plus que ce que je sais maintenant. Gagnera peut-être le concours. Admiration du comte qui aime les rousses. Madame est rousse. Je l’ai entendu dire. Joie du flic qui renoue avec leur vieille histoire. Moi de retour dans l’aquarium. Cette existence sans roman. Et même sans poésie. Des nouvelles en veux-tu en voilà. Il entra dans la boulangerie et y consomma un jésuite. En vitesse. Vous allez vous étouffer. Les jésuites, ça étouffe si on les ingurgite comme ça ! Mais comment que je les avale, madame la boulangère ? Hé bé comme ça. Et elle avale le même jésuite. Ensemble avalant. Riant. Elle ne sait pas pour Ben Balada. Et je ne saurais rien des personnages secondaires ni de leur rapport avec les principaux dont je suis. Mais qui suis-je si j’ignore ce que le lecteur pense de moi ? Là, dans la Méridienne. Il abandonna la boulangère et ses jésuites et fila vers la prison. Disparut au coin. La Rouquine attendait ce moment. Et Frank la surveillait. Il avait prévu de la revoir. Mais il ne savait rien des circonstances de cette rencontre ce matin en se rasant. Il avait même eu hâte d’arriver. Il s’était arrêté au bord de la route pour pisser. Et la pluie s’était mise à tomber. Il était retourné à la voiture et au lieu de se remettre au volant il avait enfilé son imper et il était resté sous la pluie tandis qu’elle s’intensifiait et la terre avait commencé à se gorger d’eau et il avait repris la route sans avoir quitté l’imper ce qui expliquait mais le Chauve n’y pensait sans doute plus tellement il était occupé par sa nouvelle mission

— Des lunes ! fit-elle.

— Je ne savais pas que tu jouais avec le comte…

— Je n’ai rien demandé, figure-té !

Elle minauda une seconde. Il avait toujours aimé cette petite fille, se souvenait des sandalettes, des poésies, de l’herbe, des poissons frétillant dans

— Tu veux gagner le concours avec moi… ? susurra-t-elle.

— Je peux le gagner sans toi.

— Pas si je te demande de le gagner avec moi…

— Tu as raison. Tu aimes tant avoir raison…

Elle rit. Il frotta le journal pour lui redonner un aspect de journal. Puis il le porta à la hauteur de ses yeux ou il s’en servit soit pour se cacher soit pour supprimer son visage de femme qui revient vers lui parce qu’elle vient d’y trouver un nouvel intérêt. Elle n’avait pas changé. Mais s’il s’était préparé à ces circonstances. Elle n’avait jamais agi autrement. Winner takes nothing. De nouvelle en nouvelle, la vie. Il ne serait plus question de Ben Balada. De quoi d’autre alors ? semblait-elle lui demander sans cesser d’interroger sa soucoupe. Elle peut coucher avec qui elle veut : pas moi (avec qui je veux).

— Je te parlerai de ces personnages, dit-il sur le ton de Segalen ou de Saint-John Perse, il ne savait plus à quel saint se vouer et elle attendait qu’il prononce la première vérité impossible à démentir. Oui, oui, parle-m’en ! Ainsi, poursuivit-il dans le genre Whitman, tu gagneras avec moi le concours…

— Mais je veux jouer seule !

Bien d’elle cette façon de me retenir dans le roman auquel elle appartient parce que le comte est son maître. Je ne trouve pas cette perpendiculaire. Je vais disparaître si je ne la trouve pas. Elle le sait et elle en joue. Non, elle commanda un autre café et il se fit servir sa bibine habituelle. Elle ne se griserait pas, comme d’habitude, mais elle atteindrait le lit dans un état de nervosité telle que je ne saurais pas par quel… bout la prendre. Ce qui ne changera rien à notre échec. Une fois de plus.

— Nous ne pouvons pas rester là, dit-il. Quand ils sauront que Ben Balada… ils s’amèneront et notre tranquillité…

— Je ne suis pas tranquille et tu le sais !

— Il y a un tas de choses que je sais de toi, mais ça ne m’aide pas à penser…

— D’accord. Sortons. Pour aller où ?

Elle n’oublia pas le journal, afin d’avoir l’article du comte sous les yeux, car il en était l’auteur, elle n’en doutait pas et Frank abonda dans son sens. Un autre roman, pensa-t-il, est impossible maintenant que celui-ci est dans son lit comme c’est naturel que ses eaux rejoignent la géographie sans doute tracée à grandes lignes avant qu’il ne commence à. À quoi ?

— Il ne saura pas où nous trouver, dit-elle.

……………………………………………………………

— Entrez donc, dit Anaïs. Je ne vous attendais pas. Figurez-vous que Fabrice a appris que Ben Balada..

— Nous savons nous aussi…

— Frank le savait avant que…

— Il est furieux. Pensez donc ! Ce concours n’a plus de sens.

— Ah bon… ?

Elle passa devant, poussant des portes qui se refermaient derrière eux, sans bruit et sans explication. Elle les invita à s’installer dans son petit salon égyptien, son île secrète « pas déserte, secrète » et Octavie servit du thé et des croquants et la comtesse ne tarissait pas d’éloge à son sujet et elle ne savait pas (Octavie) comment prendre la fuite alors Frank demanda un cendrier et sans permission ni attendre qu’Octavie revienne avec un cendrier il alluma une cigarette, se recula dans les coussins de cuirs récemment frottés de cire et il demanda des nouvelles de Lazare qui allait être bien déçu de ne pas revoir son

— Je ne sais même pas où il se trouve… fit la comtesse.

Elle enfouit ses doigts dans le paquet que lui tendait le flic et ses doigts d’or et de diamant en retirèrent une cigarette que le flic alluma à la flamme de son briquet qui illumina un instant leurs regards. La Rouquine soupira, alluma elle-même sa cigarette, s’enfonça elle aussi dans les coussins, respira l’air des baies vitrées ouvertes sur la pluie qui tombait doucement, la terrasse rouge devint noire et les feuilles de l’automne passé étaient agitées de petits spasmes lunatiques. Il y avait longtemps qu’elle n’était pas revenue au château. Lazare ne lui écrivait plus. Elle n’y serait pas revenue si Frank n’avait pas eu cette idée d’y coucher cette nuit. Il avait ses aises ici depuis qu’il avait résolu l’affaire Ben Balada, mais il prenait soin de se renseigner sur la présence ou non de Lazare, la comtesse était sa seule source dans ce sens. En attendant la nuit, elle s’efforçait, bien sûr en vain, de ne pas y penser.

— Est-on bien certain qu’il ne sera pas libéré aujourd’hui ? Il faudra bien qu’ils le libèrent un jour. Cela arrivera tôt ou tard, je le sais bien. Rien n’arrêtera cet absurde roman qu’est devenue notre existence, sauf la mort de chacun de nous, sans doute un après l’autre, ou comme un château de cartes... Vous voyez ce que je veux dire... ?

— Frank prétend pouvoir résoudre la seconde énigme et même en relationner la structure avec celle des personnages principaux.

— Et mon Dieu comment cela se peut-il, Frank ? Je suis bien persuadée que Fabrice a prévu que personne d’autre que lui…

— Ainsi donc il n’a pas changé, fit Frank Chercos en écrasant son mégot dans le cendrier qu’Octavie tenait dans ses deux mains en attendant de le poser sur la table.

 

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

 

www.patrickcintas.fr

Nouveau - La Trilogie de l'Oge - in progress >>

 

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -