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L’existence est le seul poème... par Jean-Michel Guyot
L’existence est le seul poème
/ dommage qu’on ne connaisse pas
Le moyen d’en traduire la quotidienneté
Sans être forcé d’en faire le roman / Patrick Cintas
*
D’aucuns en font tout un plat ; ceux-là ne risquent aucunement de mourir de faim, peut-être de souffrir de la soif, tout de même, mais, en somme, ils ont de quoi déblatérer ; étrange appétit qui consiste à dégurgiter la bouillie des mauvais jours, à servir tout un vomi savamment compilé dans les entrailles d’un ressentiment bien tempéré. Et ils se trouvent des gens pour avaler ça !
*
D’autres, plus rares peut-être, en font tout un poème ; mon père était de ceux-là qui usait volontiers de cette expression désobligeante à l’égard de la poésie, cet art ductile qu’aucune définition sérieuse n’est jamais parvenu à cerner de manière satisfaisante ; j’eu beau un jour, exaspéré par cette phrase toute faite, lui faire remarquer qu’un poème n’avait rien de bien compliqué, il signa et persista dans cet usage délétère appris je ne sais où ; cet orphelin de père savait appuyer là où ça faisait mal. De fait, de toute ma vie, je n’ai pu avoir une discussion sérieuse avec lui ; il ne m’écoutait que d’une oreille distraite car il se savait en danger d’imposture en ma présence : il avait un fils peu enclin à écouter ses jérémiades ni à supporter ses jugements à l’emporte-pièce venus d’un autre âge.
Le prosaïsme de mon père me donna beaucoup à réfléchir durant mon adolescence, puis vint le temps d’écrire… des poèmes, peu épiques ceux-là, mais délicatement narratifs, tout me venant pêle-mêle sous la forme de scènes plus ou moins hautes en couleurs.
*
L’art et la manière de dérouler le maigre fil d’une histoire, d’en faire un monde magique ou tristement réaliste ou alors franchement dystopique en jouant de fils de couleurs empruntés à l’écheveau échevelé du temps présent, tout cela, et plus encore qu’il me faut taire, l’inavouable étant la demeure de tout écrivain un tant soit peu sérieux, m’amène à vous signifier par la présente mon durable congé.
*
N’ayant aucun dieu à prier depuis ma lointaine naissance, pas même le ventre jadis fécond de ma mère, je me vois dans l’obligation de refuser votre offre, très chère amie ; jamais vous ne m’entendrez dire : Seigneur, donnez-nous notre poème quotidien !
*
C’est curieux comme les tombes, même apparemment les plus sophistiquées et les plus solides, se dégradent vite sous l’effet des intempéries. Des pyramides aux humbles tombes des morts lambda - Regrets éternels - c’est la même histoire qui va se répétant. L’usage de plus en plus répandu de la crémation tend à vider les cimetières, même si on y voit encore fleurir de nobles tombes appelées tôt ou tard à se disloquer.
Jour après jour, il s’écrit des poèmes… Faisons en sorte qu’ils ne sonnent pas comme des épitaphes ! Les formules lapidaires appartiennent à un autre siècle.
*
Diseuse de bonne aventure, la poésie qui dessine à l’encre sympathique nos lignes de vie à même la paume de nos mains vouées au tâches quotidiennes. Ce n’est qu’appliquées au rudes tâches des jours sans pain ni vin qu’on y peut lire quelques bribes de notre destin.
Le pain est devenu rare, la manne céleste n’est plus qu’un mot. Dans cet espace-temps raréfié subsistent l’ami et l’amante.
Au coin du feu, une rêverie s’obstine à fixer les flammes du foyer. Poésie du feu, pas forcément enflammée, mais Phoenix toujours
Si nous tendons la main, c’est pour serrer celle de l’ami. De là partent tant et tant d’aventures plus ou moins épiques.
La caresse sur le sein rose ou brun s’en mêle, ouvre aux mots des perspectives de saveurs de fruits défendus. Poésie alors impose ses rythmes capricieux.
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L’existence est le seul poème
/ dommage qu’on ne connaisse pas
Le moyen d’en traduire la quotidienneté
Sans être forcé d’en faire le roman /
Patrick Cintas
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D’aucuns en font tout un plat ; ceux-là ne risquent aucunement de mourir de faim, peut-être de souffrir de la soif, tout de même, mais, en somme, ils ont de quoi déblatérer ; étrange appétit qui consiste à dégurgiter la bouillie des mauvais jours, à servir tout un vomi savamment compilé dans les entrailles d’un ressentiment bien tempéré. Et ils se trouvent des gens pour avaler ça !
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D’autres, plus rares peut-être, en font tout un poème ; mon père était de ceux-là qui usait volontiers de cette expression désobligeante à l’égard de la poésie, cet art ductile qu’aucune définition sérieuse n’est jamais parvenu à cerner de manière satisfaisante ; j’eu beau un jour, exaspéré par cette phrase toute faite, lui faire remarquer qu’un poème n’avait rien de bien compliqué, il signa et persista dans cet usage délétère appris je ne sais où ; cet orphelin de père savait appuyer là où ça faisait mal. De fait, de toute ma vie, je n’ai pu avoir une discussion sérieuse avec lui ; il ne m’écoutait que d’une oreille distraite car il se savait en danger d’imposture en ma présence : il avait un fils peu enclin à écouter ses jérémiades ni à supporter ses jugements à l’emporte-pièce venus d’un autre âge.
Le prosaïsme de mon père me donna beaucoup à réfléchir durant mon adolescence, puis vint le temps d’écrire… des poèmes, peu épiques ceux-là, mais délicatement narratifs, tout me venant pêle-mêle sous la forme de scènes plus ou moins hautes en couleurs.
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L’art et la manière de dérouler le maigre fil d’une histoire, d’en faire un monde magique ou tristement réaliste ou alors franchement dystopique en jouant de fils de couleurs empruntés à l’écheveau échevelé du temps présent, tout cela, et plus encore qu’il me faut taire, l’inavouable étant la demeure de tout écrivain un tant soit peu sérieux, m’amène à vous signifier par la présente mon durable congé.
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N’ayant aucun dieu à prier depuis ma lointaine naissance, pas même le ventre jadis fécond de ma mère, je me vois dans l’obligation de refuser votre offre, très chère amie ; jamais vous ne m’entendrez dire : Seigneur, donnez-nous notre poème quotidien !
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C’est curieux comme les tombes, même apparemment les plus sophistiquées et les plus solides, se dégradent vite sous l’effet des intempéries. Des pyramides aux humbles tombes des morts lambda - Regrets éternels - c’est la même histoire qui va se répétant. L’usage de plus en plus répandu de la crémation tend à vider les cimetières, même si on y voit encore fleurir de nobles tombes appelées tôt ou tard à se disloquer.
Jour après jour, il s’écrit des poèmes… Faisons en sorte qu’ils ne sonnent pas comme des épitaphes ! Les formules lapidaires appartiennent à un autre siècle.
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Diseuse de bonne aventure, la poésie qui dessine à l’encre sympathique nos lignes de vie à même la paume de nos mains vouées au tâches quotidiennes. Ce n’est qu’appliquées au rudes tâches des jours sans pain ni vin qu’on y peut lire quelques bribes de notre destin.
Le pain est devenu rare, la manne céleste n’est plus qu’un mot. Dans cet espace-temps raréfié subsistent l’ami et l’amante.
Au coin du feu, une rêverie s’obstine à fixer les flammes du foyer. Poésie du feu, pas forcément enflammée, mais Phoenix toujours
Si nous tendons la main, c’est pour serrer celle de l’ami. De là partent tant et tant d’aventures plus ou moins épiques.
La caresse sur le sein rose ou brun s’en mêle, ouvre aux mots des perspectives de saveurs de fruits défendus. Poésie alors impose ses rythmes capricieux.
Jean-Michel Guyot
13 février 2023