Tu me dis un jour que mes textes t’avaient souvent désespérée ; bêtement, je n’osai t’en demander plus, et je craignais je ne sais trop quoi, à vrai dire, pressé que j’étais toujours de revenir à mon point de départ. Je n’ai jamais su voyager, tu sais bien. Lire entre les lignes, ça, je sais faire mais dès qu’il s’agit de saisir au vol une remarque surprenante, je m’évanouis dans les airs. Pourquoi me réclamais-tu sans cesse de nouveaux récits, si ceux-ci te désespéraient tant ? C’est la question que j’aurais dû te poser ; une réponse de toi aurait peut-être permis à l’un comme à l’autre d’éviter de s’enfoncer dans une relation amoureuse sans espoir ; elle aurait sans doute mis fin à ce jeu littéraire dans lequel je m’enfermai plusieurs années durant, espérant, par la littérature, t’attirer à moi, alors que de toute nécessité il m’apparaît maintenant clairement qu’il fallait à tout prix te fuir.

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Ni l’ivresse ni la folle densité éphémère des rêves ne conviennent à la sorte de défi que je me suis lancé il y a de cela fort longtemps, mais il est plus que temps de revenir à nous, à ce « nous » qui s’étend devant vous qui n’êtes pas nous, ne le serez jamais, aucune frontière, à dire vrai, n’existant entre nous, aucun « limes », aucun haut mur, aucun rempart, aucune citadelle, mais cette force qui va croissant et nous éloigne salutairement de vous et vous de nous.

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Le propre dans l’intimité doucereuse d’une chambre d’amour ne révèle rien que l’éveil à soi du même qui va se répétant de corps en corps dans le corps à corps, de phrases en poèmes, de corps de phrase en lexèmes fleuris.

Il nous faut tirer la leçon de tout ceci, célébrer l’amour par-delà ses utiles vagissements, ses plaintes et ses cris qui lui sont propres et que nous revendiquons comme nôtres par notre langage, quitte à prendre du recul par rapport à ses charmes immédiats. 

Jean-Michel Guyot

27 avril 2023