Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Forum] [Contact e-mail]
  
Polemos, Makhai, Hysminai, Phonoi, Androktasiai, Kères et compagnie
Navigation
[E-mail]
 Article publié le 3 septembre 2023.

oOo

Que l’insolence (hybris) ne vienne jamais parmi les nations ou les villes des hommes, trouvant grâce auprès de la foule, car après elle, la guerre sera à portée de main.

Babrius, d’après une fable d’Esope, La guerre et sa mariée, numérotée 367 dans l’Index Perry

*

Quelle peut bien être la valeur de ce qui est qualifié d’actuel, soit ce qui, au jour le jour, traîne sur nos écrans de télévision, nos ordinateurs et nos smartphones, c’est-à-dire cette soupe informationnelle que nous sert l’information en continu ? Soupe à la grimace, cela va sans dire.

Qui pense que ce qui est actuel a plus de valeur que toutes les références culturelles appartenant au passé se voit de facto condamné à entrer en contradiction latente mais permanente avec soi-même : en effet, le propre d’une actualité étant d’en chasse une autre, toute actualité se voit bien vite, si brûlante soit-elle, dévaluée puis remisée aux oubliettes.

Les poubelles de l’Histoire regorgent de sujets qui furent considérés comme passionnants, brûlants, essentiels en leur temps, un temps très bref, celui-là même de l’actualité qui se dévore elle-même dans une course effrénée à la nouveauté.

La machine médiatique s’emballe, ne parvient plus à traiter en temps réel une masse colossale d’informations qui, à dire vrai, ne servent à rien, si elles ne sont pas mises en perspective, dûment analysées, comparées et commentées dans un souci de comprendre l’Histoire en train de se faire.

Qui plus est, la masse d’informations jugées fiables se double d’une masse tout aussi importante de fausses nouvelles : information et désinformation jouent dans la même cour et se disputent l’audience des masses hyperinformées. On parle de fake news, d’intox, de fausses nouvelles, selon le niveau de langue que l’on adopte…

A cela s’ajoute enfin les lacunes, les incertitudes, les non-dits des chancelleries, des acteurs économiques, des armées et des services secrets : les commentateurs en sont réduits à formuler des hypothèses ; ils se livrent à des spéculations sans fin en se débattant au milieu d’une mer d’indices jugés concordants et des déclarations entre les lignes desquelles ils prétendent lire ce qui se trame en termes d’intentions et ce qui se joue en termes d’influence et de pouvoir.

Les médias font ainsi le jeu des pouvoirs en place - occultes, publiques et privés - en se faisant la caisse de résonance d’une soupe informationnelle qui s’autoalimente constamment, ce qui rend toute réflexion digne de ce nom impossible, s’il est vrai qu’instantanéité et réflexion sont parfaitement antinomiques. On parlera de réflexion à chaud ou à froid pour donner le change, mais les mécomptes, les bévues et les déconvenues en matière d’information sont trop nombreux pour ne pas rendre suspect toute espèce de spéculation journalistique.

Comment expliquer la fascination qu’exerce l’actualité sur nombre d’esprits ? comment expliquer sa survalorisation au détriment de la réflexion ?

Tout se joue dans un rapport au temps présent qui n’existe pas ; on tente, par divers moyens, d’attraper ce spectre des temps modernes - et par conséquent des temps anciens - en figeant par l’image et le son enregistrés des moments sur lesquels on pourra spéculer à loisir. Le « direct » et le « différé », léger ou non ne changent rien à l’affaire : il s’agit toujours de réfléchir présentement à ce qu’il se passe présentement.

Outre le fait que la masse de données est absolument considérable - on serait même tenté de dire inhumaine, si elle n’était justement produite par des humains - il y a le fait que ces données en nombre astronomique peuvent être impurement mais sûrement fabriquées de toutes pièces : deep fake, mais aussi images tronquées et images d’archives réarrangées plaquées sur des événements récents.

Une guerre des images fait rage. Et la seule vraie victime, dans cette triste, interminable et très minable affaire, c’est la vérité. Si difficile à « cerner », à vrai dire, qu’on pense qu’elle n’existe pas, mais, cependant, tout ce qui se manifeste porte en soi sa vérité, si, par vérité, l’on entend la non-occultation de ce qui, se manifestant, ne peut pas néanmoins être immédiatement appréhendé, toute médiation - linguistique ou mathématique - étant l’obstacle nécessaire à la manifestation de la vérité.

 

Jean-Michel Guyot

21 juillet 2023

 

Un commentaire, une critique...?
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides. Servez-vous de la barre d'outils ci-dessous pour la mise en forme.

Ajouter un document

Retour à la RALM Revue d'Art et de Littérature, Musique - Espaces d'auteurs [Contact e-mail]
2004/2024 Revue d'art et de littérature, musique

publiée par Patrick Cintas - pcintas@ral-m.com - 06 62 37 88 76

Copyrights: - Le site: © Patrick CINTAS (webmaster). - Textes, images, musiques: © Les auteurs

 

- Dépôt légal: ISSN 2274-0457 -

- Hébergement: infomaniak.ch -