Ne puis

Puise plutôt

Dans le déficit des années antérieures

 

A la rareté exposées

De celle que n’use ni le temps

Ni l’avidité des hommes de bonne volonté

 

Poèmes comme on enfile des perles

Un jour de pluie

 

Vague nostalgie des vagues de terre brune

De l’enfance ternie

 

Dans le potager

Une pelle de fer à la main

L’enfant tourne er retourne la terre saccagée

 

Dans le tronc du vieux cerisier

Son père lui révèle la présence

D’un obus qui ne l’a pas tué

Il en extrait les restes fortement corrodés

Les montre à l’enfant dégoûté

Mais c’est le sol tout entier qui est ainsi truffé d’éclats

Divers et variés

On s’est bien battu par ici

En septembre 44

 

Les poèmes attendront des années

Avant de germer dans le potager

Désormais calé dans un coin de sa tête

Sol meuble à souhait

Taupettesen goguette s’en donnent à corps-joie

Y stridulent à qui mieux-mieux 

Rudes épousailles !

 

De mue en mue

Son esprit n’en finit pas de décomposer

Les souvenirs enfouis profondément

Si profondément qu’il ne les reconnaît plus pour siens

Sa vie entière tombe dans le domaine public

Au moment même où il s’efface pour de bon

Dans les poèmes adjacents à sa condition de paria des mots

Un bon mot, ça ne se refuse pas !

 

Ah les mots, c’est pas ça qui manque !

Mais tu t’es regardée, vieux chameau

Retourne à tes déserts !

Tu portes le malheur dans tes yeux !

Va voir ailleurs si j’y suis !

Noli me tangere !

Mais rien n’y fait

L’animal bossu persiste et signe

Ses méfaits

 

Jeunes et vieux, dans un même élan fraternel,

Portent en terre les vieilles lunes

Portent sur les fonds baptismaux

De nouvelles raisons de désespérer

 

Et la roue tourne

Celle du moulin à eau, je veux dire

Que j’ai vu posé là

Comme je vous vois

Sur la plage nue battue par les vents

Un soir d’automne

Les songes alors se comptaient

Par millions dans les interstices

Des roches millénaires

Qu’adulte enfin

Je considérais être en lieu sûr

Sable blond

Dans la paume de ma main

 

Jean-Michel Guyot

4 mars 2024