Selon John Dos Passos — et John Brunner — le monde serait constitué — raison suffisante pour la littérature — en construction comme en série — d’une époque — vu d’en haut et d’en bas — de vivants — et de fictions — fables et chroniques. Roger Russel observait Jo. Manna — il voyait la moto ancienne et rutilante — il fouillait dans ses affaires en son absence — il en profitait pour corriger les fautes d’orthographe — et même des vices de style — ce que le journaliste n’observa jamais lui-même — tellement tout ceci lui semblait irréel — n’ayant rien trouvé d’autres pour parler de son époque — de son point de vue — que l’incessante ritournelle de Céline — et plus objectivement — les coups de ciseau donnés dans l’actualité ou dans la documentation — livres d’histoire, poèmes, revues et magazines — collectionnant aussi les biographies — mais cette fois à la manière d’Andy Warhol — laissant aux autres le soin de reproduire la vérité avec leurs propres couleurs — la fiction s’immisçant dans les interstices laissés par cette tectonique. À la fin il rencontrait des âmes sœurs — « D’azur au dextrochère de carnation mouvant, du flanc senestre, d’une nuée d’argent et tenant une lance d’or et pour devise : LA MAIN ARMÉE POUR TE SERVIR » — il s’agissait de « construire la paix dans l’esprit des hommes et des femmes » — et des conneries de ce genre dans tous les lieux qu’il traversait — moto rugissante de l’étranger au cœur de l’héritage — barbarie et colonialisme — paraboles et nouvelles fraîches — il s’inventait une activité uniquement pour jouer — et perdre en bon joueur — ou gagner en trichant. Si toutes les époques se ressemblent au fond — et si toutes les fictions reviennent au même — que restera-t-il du flux de la conscience aux abois ? Que restera-t-il à comprendre de ce qui a été conçu comme l’extension de l’ensemble — à quel point la langue ancienne rencontrera-t-elle la langue moderne — jusqu’où iront ces personnages — réels et fictifs — avec ces autres personnages qui auront eux aussi un passé — comment les lieux demeureront-ils ceux d’une exploration d’abord enrichie par la curiosité — puis épuisée par des crises d’angoisse dont le seul remède consiste à modifier l’état de molécules et de relations intimes inavouables tant que la douleur persiste et commande à la raison — contextes et portraits se disputant l’espace alors que la continuité d’une bonne histoire bien racontée — Faulkner mourant — ne trouve rien à redire au temps que seule une attitude morale peut modifier durablement ?