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Journées (Patrick Cintas) - 1ère partie
Idéogramme incessant

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 Article publié le 15 juin 2012.

oOo

Tu ne rêves pas. C’est moi. Je n’ai pas été bien loin. Tu es resté. Je ne reviens pas. Je passe. Je migre une fois encore. Mais de l’autre côté cette fois. De l’autre côté de la mer. La même plage blanche. Les mêmes mots pour me convaincre de le suivre. Le même voyage peut-être, qui sait ? Nous n’avons pas vieilli. Nous avons cet enfant. Celui que tu te promettais. Il me ressemble. La parole en moins. Et ce regard qui demande. — Ainsi, c’est ta nouvelle maison. Le jardin n’existe pas. Pas d’horizon non plus. C’est étrange de ta part. Mais y es-tu pour quelque chose ? Je ne te demande rien. Le mur descend selon un autre angle maintenant. Tu te déplaces lentement. On dirait que tu glisses sur le côté. Comme si la terre penchait et que tu te laissais emporter. Tu résisterais si la terre allait trop vite. Enfant, tu déchirais si le temps devenait mauvais. Toujours la même fenêtre. La même cigarette au bec. Ces yeux pincés. Le doigt qui gratte l’arête du nez. Pas un mot. L’éclat du regard. Sa fixité. L’attente avec toi. Je n’ai pas eu de nouvelle maison. C’était comme revenir. En attendant de revenir. Tournant le dos à cette mer que, finalement, et après mûre réflexion, nous allons traverser en essayant de ne pas en parler avant qu’il n’arrive vraiment quelque chose. Tu saurais, toi. Mettre le pied dans l’eau. Tâter la vaguelette. Respirer les embruns. Deviner la maison entre les maisons. À un détail précis. Désignant la maison à peine à terre. Un détail la nommant. Et moi devançant le petit groupe des amis venus pour pendre la crémaillère. Ouvrant la porte d’un coup de pied. Reconnaissant le guéridon à la surface de verre. Et sous le bouquet, la poignée de petits objets arrachés au passé : petit couteau pointu, coin de mouchoir avec une seule lettre brodée sur les deux que nous reconnaissions comme les nôtres, bris d’un verre bleu ciselé, et cette fleur séchée qui n’a toujours pas de sens.

 

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