RALM nº103 
Site de Patrick Cintas - Personnages
page 2
des jours à l'Héméron
hyper-roman *
en passant par la télévision
patrick cintas
Questions d'instances du texte
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work in progress
Zone de N3 ( roman en cours après N1 et N2. Voir [>>dans la RALM])
travaux d'approche ( « Travaux d'approche » - titre emprunté à Michel Butor...) in progress
* poème ?

 

Zone 1
Zone 2
Quelques personnages
du Grand Voyage de Télévision

LE CONTEXTE HUMAIN

Parlant du conte, et de sa méthode de construction, Poe s'en prend à l'« erreur radicale » qui les génère :

- l'histoire qui fournit une thèse ;
- l'incident contemporain qui inspire l'écrivain ;
- la combinaison d'évènements surprenants.

Il n'est pas difficile de reconnaître là les trois créneaux savamment exploités par l'édition du livre sous la rubrique : littérature générale. Ce qui a changé, c'est par exemple ce qui surprend, parce qu'il est permis aujourd'hui de passer de la surprise romantique ou de l'émerveillement surréaliste au frisson inspiré par la fiction de la violence et du viol et ce, souvent, sous le couvert de préoccupations morales qui fournissent le prétexte exact d'une esthétique douteuse.

À ce commentaire désabusé de Poe, j'ajouterais celui d'Amoros qui considère peut-être plus perfidement que la littérature des éditeurs produit trois types d'ouvrages:

- les contes populaires, écrits pour l'éducation, l'endoctrinement, le plaisir; Cocteau y rencontrait des chefs-d'oeuvre; plus poète, Ernst en révélait le roman ;
- les contes littéraires, toujours imparfaitement lisibles pour cause d'expérimentation et de douleurs ;
- enfin, une littérature de l'entre-deux-eaux, celle des écrivains, des étalons, des enseignants, des témoins, laquelle emprunte à la première catégorie ses facilités, notamment de langage, et à la deuxième, non seulement son statut d'expérience mais ce qui, des abus et autres initiatives, a quelque chance d'être compris, au prix d'un arrondissement des angles. Une pédagogie s'installe sournoisement dans la société, peut-être pour échapper à des endoctrinements qui n'ont rien donné sur l'homme ni sur l'homme-animal des camps de concentration d'ailleurs.
Extrait de [La chandelle verte de Jarry comparée à celles des autres] paru dans la RALM.

UNE THÉORIE DU RÔLE À JOUER

Le personnage est tributaire du moment : impression, interprétation, composition. Ici, pas de psychologie littéraire et moins encore de science, toute humaine soit-elle. Le personnage apparaît à travers le moment qui est, comme en physique, la résultante de l'effort porté sur la distance. Essayez de fermer une porte en appuyant tout près de son axe. La poignée se trouve d'ailleurs le plus loin possible de cet axe, aussi loin que l'inspire l'esthétique de la porte. Faire jouer un personnage relève de la même physique. Il faut toujours se poser la question de savoir si le moment est celui d'une impression (ou d'un jeu d'impression), ou si le personnage peut jouer le rôle qui est le sien en entrant dans sa propre peau, ou si enfin il appartient au texte lui-même de décider de son sort. Ici, pas de thèses, ni d'actualité brûlante, ni de combinaisons dramatiques, sauf en cas de parodie. Par contre (voir à ce sujet l'onglet [ECRITURES]), le texte emprunte à l'art populaire et à l'art savant — au chant mineur et au chant majeur — laissant la place à un chant intermédiaire considéré comme la fonction poétique même. Voir onglet [PAYS] "Indalo".

 
Quelques personnages
Les personnages traversent le temps ou s'y perdent. Une description graphique ou textuelle n'en figurera pas la présence. Des explications n'ajouteront rien à leur existence. On se contentera ici d'en parler. Quoi de mieux que la nouvelle en ce sens ? En voici des histoires ! Et peut-être même des chansons. Est-ce que cela s'organise en roman ? En monde oui, si le roman en est un. Suivent quelques interprétations inspirées par les impressions cueillies au fil des observations, des voyages, des rêves et autres balades improvisées. On se reportera aux onglets suivants pour mesurer l'effort de composition selon ce schéma :
Zone de N3 in progress - septembre 2017/... Voir dans la [RALM] pour le journal de l'évolution et [MCM] pour Louis Marette.
Personnages Pays / Histoires / Ecritures / Schémas / Scories / Notes
Roman Parallèles
Anaïs K.
----- Au temps des Colonies
----- Mauvaise nouvelle
Louis Marette
Voyage au pays d'Hypocrinde

Premier épisode - Le perroquet de Louis Marette
----- Le perroquet de Louis Marette (1)
----- Le perroquet de Louis Marette (2)
----- Le perroquet de Louis Marette (3)
----- Le perroquet de Louis Marette (4)
----- Le perroquet de Louis Marette (5)
----- Le perroquet de Louis Marette (6)
----- Le perroquet de Louis Marette (7)
----- Le perroquet de Louis Marette (8)
----- Le perroquet de Louis Marette (9)
----- Le perroquet de Louis Marette (10)
----- Le perroquet de Louis Marette (11)
----- Le perroquet de Louis Marette (12)
----- Le perroquet de Louis Marette (13)
----- Le perroquet de Louis Marette (14)
----- Le perroquet de Louis Marette (15)
----- Le perroquet de Louis Marette (16)
----- Le perroquet de Louis Marette (17)
----- Le perroquet de Louis Marette (18)
----- Le perroquet de Louis Marette (19)
----- Le perroquet de Louis Marette (20)
----- Le perroquet de Louis Marette (21)
----- Le perroquet de Louis Marette (22)
----- Le perroquet de Louis Marette (23)
----- Le perroquet de Louis Marette (24)
----- Le perroquet de Louis Marette (25)
----- Le perroquet de Louis Marette (26)
----- Le perroquet de Louis Marette (27)
----- Le perroquet de Louis Marette (28)
----- Le perroquet de Louis Marette (29)
----- Le perroquet de Louis Marette (30)
----- Le perroquet de Louis Marette (31)
Deuxième épisode - La Passion de Louis Marette
----- La Passion de Louis Marette (1)
----- La Passion de Louis Marette (2)
----- La Passion de Louis Marette (3)
----- La Passion de Louis Marette (4)
----- La Passion de Louis Marette (5)
----- La Passion de Louis Marette (6)
----- La Passion de Louis Marette (7)
----- La Passion de Louis Marette (8)
----- La Passion de Louis Marette (9)
----- La Passion de Louis Marette (10)
----- La Passion de Louis Marette (11)
----- La Passion de Louis Marette (12)
----- La Passion de Louis Marette (13)
----- La Passion de Louis Marette (14)
----- La Passion de Louis Marette (15)
----- La Passion de Louis Marette (16)
----- La Passion de Louis Marette (17)
Ben Balada
----- Sur le Voyage en télévision (1)
----- Sur le Voyage en télévision (2)
----- Sur le Voyage en télévision (3)
----- Sur le Voyage en télévision (4)
----- Sur le Voyage en télévision (5)
----- Sur le Voyage en télévision (6)
----- Sur le Voyage en télévision (7)
----- Sur le Voyage en télévision (8)
----- Sur le Voyage en télévision (9)
----- Sur le Voyage en télévision (10)
----- Sur le Voyage en télévision (11)
----- Sur le Voyage en télévision (12)
----- Sur le Voyage en télévision (13)
----- Sur le Voyage en télévision (14)
----- Sur le Voyage en télévision (15)
----- Sur le Voyage en télévision (16)
----- Sur le Voyage en télévision (17)
LUCE
----- Colicus et Yléus - RALM nº 101
Johnny Hallyday
Arto Lafigougnasse
Bortek
Carabas
Carabin
Felix Ramplon
Frank Chercos
Giton Hartzenbusch
Gor Ur
Jehan Babelin
Jo Cicada
John Cicada
Kateb
Les Vermort
Ochoa
Omero
Roger Russel
Thomas Faulques
Virgile
Wadi el Assouan
Zacharias Soriana
Virgile
Sally Sabat
Alice Qand
Kol Panglas
[...]
Fil d'Ariane
Impressions Avant le texte, mes propres impressions. Ce ne sont pas des intuitions.
Interprétations Dans le texte, ces impressions sont interprétées par des personnages.
Composition La composition a lieu parallèlement aux autres instances du texte : pays, écritures, histoires et schémas pour la conception. Voir les onglets suivants.
LOUIS MARETTE
Le perroquet de Louis Marette (21)

 

Je ne sais pas combien de temps a duré la leçon, mais on a entendu la plainte douloureuse et mélancolique du cor ou du clairon. Cette fois, je n’ai pas frappé le sol de mes métalliques sabots pour empêcher Marette de se souvenir qu’on était un 11 novembre. J’en suis témoin : il s’en foutait.

On a commencé par découper des perroquets dans des feuilles. Des feuilles d’arbres. Elles étaient encore vertes ou à peine rougissantes.

« Le rouge, dit Marette qui virait en même temps à l’enseignant qui soigne sa dépression nerveuse, le rouge n’affecte pas la délicatesse tropicale du vert. C’est le docteur Sérié qui m’a refilé le virus, à un chouya près, parce que son rhum était d’origine équatoriale. Mais enfin, on ne va pas refaire l’histoire. Sinon on gagne la guerre d’Algérie. »

Tout en évoquant les souvenirs coloniaux des autres, son ciseau à feuilles vertes allait bon train. Une fois découpé, le volatile rejoignait la pile sur laquelle je posais mon sabot en guise de presse-papier. Le vent s’était levé, mais pas trop. Nous étions l’un et l’autre parcourus de frissons. Mais rien de plus. La lumière était idéale pour se livrer à des travaux de précision. Marette découpait. Et je pressais. Comme collaboration amicale, ça se posait là.

Il en a découpé au moins dix. Ça lui donnait des couleurs pas forcément vertes. J’avais ramené l’anéthol d’Espagne, où j’avais été artiste, et la menthe provenait de mon jardin ariégeois. Mais que le voile ici soulevé ne trahisse pas le meilleur de ses ingrédients. Il demeurera secret. Car comme il est de règle en ces temps de terrorisme que le romancier ne donne pas à lire la formule chimique des explosifs dont ses héros font un usage guerrier, de même on ne dira rien que les enfants puissent rejouer à l’abri de leur autorité de tutelle, d’autant que les facilités de communication ne leur sont pas étrangères. On finirait vite en nation verte liquide atteinte du psittacisme afférent. On a déjà assez de problèmes comme ça.

« Les perroquets en feuille d’arbre, dit Marette en remettant les ciseaux dans ma trousse, ne font pas longtemps illusion. Je suis calme pour l’instant, mais je te préviens : ça va me reprendre.

— Je t’écraserai le nez avec mon sabot…

— D’autres l’ont essayé avant toi ! Et ça n’a pas marché. À un moment donné, j’ai besoin de réalité. Je peux m’en passer, comme tu vois, mais elle revient toujours me dire la vérité.

— Je ne sais plus quoi faire de toi… Alors j’attends de savoir. Je te préviens moi aussi : ça peut durer longtemps. »

Marette lutta une bonne minute contre un hoquet émotionnel, puis il pressa ses lèvres contre un perroquet en feuille d’arbre. Il ferma les yeux pour que l’illusion fût complète. On en était là quand un buisson se mit à bouger. L’oreille de Marette, libre d’illusion parce qu’il ne s’en servait pas pour boire, frémit légèrement. Mais il était tellement troublé qu’il ne se rappelait plus si c’était la saison de la perdrix ou celle du ball-trap. Cependant, le perroquet le fascinait encore malgré l’absence de plumes.

J’eus un accès de colère qui souleva ma queue dans les mouches. Mais je me retins d’en exprimer le sang. Il me montait à la tête, comme chaque fois qu’un intrus se croit permis de jeter un œil sur ma propriété. Bien sûr, je n’étais pas chez moi. Et je n’étais que le geôlier de Marette, pas son maître. Et je n’étais pas non plus ce que certains venaient de s’imaginer en nous voyant sortir en trombe de ma maison, l’un sur l’autre. À tous les coups, un petit malin venait s’informer de nos pratiques sexuelles.

S’il nous observait depuis que nous avions commencé, en équipe soudée, à découper des perroquets dans des feuilles d’arbre, il était en droit d’avoir perdu ses repères pornographiques, lesquels relèvent toujours du stéréotype. Deux êtres qui se servent d’une paire de ciseaux et d’un sabot pour pratiquer le perroquet en feuille d’arbre, ou bien c’était une nouveauté pour lui et il allait en répandre la mode sur les réseaux, ou bien il avait un minimum de capacités intellectuelles et il était déjà revenu sur l’opinion qu’il avait de nous et plus particulièrement de moi.

Je procédai comme si je ne m’étais pas aperçu de sa présence et, glissant adroitement à la surface des pâquerettes ou du trèfle, je progressai vers lui qui ne devinait pas mes intentions. C’était du moins ce que je m’efforçais de croire, car, je l’avoue, j’avais la gorge serrée. Il arrive souvent, mieux que quelquefois, qu’on pense en trouver un là même où plusieurs n’attendent que vous pour s’amuser de vous.

Mes yeux tentaient un percement méthodique des feuillages toujours frémissants. J’allais me jeter dedans sans même savoir sur qui je tomberais. Pendant ce temps, Marette interrogeait les perroquets découpés. Seule sa voix chevrotante habitait la forêt. Tout le monde se taisait. Il me semble que le Raunier avait lui aussi perdu son filet. Les cressons s’étaient immobilisés dans ses courants aux pierres sombres et inattendues.

Comme j’hésitais toujours, Marette sortit un peu de sa torpeur pour me demander ce que je fabriquais dans cette « bizarre » position. J’étais saisi en plein grand écart à quatre pattes, car si deux d’entre elles m’avaient un tant soit peu rapproché du buisson hypothétique, les deux autres s’étaient accrochées à mon point de départ. Il arrive ainsi quelquefois (mais pas aussi souvent qu’on dit) qu’en cas de situation difficile on se retrouve dans deux endroits à la fois, celui où on était avant de se décider à agir, et celui où l’action qu’on a entreprise est sur le point de donner un sens à notre inquiétude. Je fis « chut » en secouant ma crinière, mes sabots étant occupés à de plus sérieuses attentes.

Mais je n’eus pas le temps d’aller au bout de mon explication. Dédé, car c’était lui, tomba de la vache et s’étala en plein sur le tas de feuilles découpées. Marette en conçut un roulé-boulé sans jeunesse à l’appui. Il s’emmêla dans les racines aériennes d’un chêne. Sa langue réduite à une peau de chagrin sortit tout entière de sa bouche, ce qui fit dire à Dédé que si elle était sortie d’une autre partie de son anatomie, il en aurait été quitte pour une belle peur !

La vache, imperturbable, avait encore les pattes dans le buisson. Dédé tira sur le licol pour la contraindre à entrer dans notre clairière à moi et à Marette. Elle résista.

« Je la tiens, dit Dédé. Elle m’aura fait courir, la salope !

— Et le 11 novembre ? murmura Marette sans chercher à se libérer des racines qui l’entravaient.

— Ce sera sans nous, dit Dédé d’un air satisfait. Entre la vache et la mémoire, j’ai choisi la vache.

— Comme moi ! J’ai choisi le perroquet. Sauf que je ne le tiens pas. Roger m’a fait prisonnier. Ensuite il m’a contraint à découper des perroquets dans des feuilles d’arbre.

— Sycophante !

— Ah mais c’est que ce n’est pas bien joué, Roger ! s’écria Dédé. Prisonnier sans perroquet, c’est déjà très dur pour un habitué. Mais prisonnier avec de faux perroquets, en feuille d’arbre par-dessus le marché, c’est un crime contre la nature humaine de Loulou.

— C’est facile pour lui qui est un cheval !

— Traître !

— Je ne sais pas comment je vais arranger ça, » dit Dédé en se tenant le menton.

Il réfléchissait tandis que Marette se plaignait d’autre chose que de ses entraves.

« Tout ça est bien joli, dit-il sans perdre son air pensif, mais quand il va falloir expliquer pourquoi on n’était pas là…

— Calléja s’est excusé, je parie…

— Il s’est fait un certificat… C’est un médecin…

— Et le général Larima ?

— Il rime toujours à rien.

— Je m’en doutais, grogna Marette. On est les seuls honnêtes hommes (il prononçait zonètezome) du troupeau patriotique. Et on n’a même pas une excuse pour expliquer notre lapin. Ah ! On est bien, té ! Tout ça à cause de Roger !

— Tu le hais donc ?

— Comme si je commençai à comprendre ce que c’est la haine. Et pourtant, j’ai beaucoup haï.

— Qu’en pense Roger ? »

 

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