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Hypocrisies - Égoïsmes *
Chapitre XVII

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 Article publié le 20 mars 2022.

oOo

Surgères et moi on était au fond d’un trou. C’est ce que je m’imaginais. Au-dessus, le puits décrivait un cercle parfait et rempli d’un ciel bleu sans traces de soleil. On buvait l’apéro dans des verres ciselés, du cristal si j’écoutais bien. Je lui apprenais à m’enculer sans commentaires, mais le vieux bandait mal et on passait notre temps à critiquer l’époque contemporaine, sans écran pour nous influencer. Il avait des visions d’enfer dans ces moments-là, alors que je peuplais mes murs de taupes toutes plus sympathiques les unes que les autres. Mais le matin, au réveil, ce type avait toute sa tête et c’était moi qu’il critiquait parce que je n’étais pas lavé de tout soupçon. Toutefois, la probabilité que j’eusse quelque chose à voir avec l’assassinat d’Alfred Tulipe, si c’en était un, était égale à un zéro approximatif qui réjouissait la belle Hélène. Elle était grosse comme un buisson qui n’attend que le printemps pour fleurir. Je ne la reconnaissais plus. Et la vieille Surgères rechignait toute la journée, enjambant le trou juste pour donner le spectacle de son énorme fente. Entre le réveil et le premier verre, Surgères avait complètement changé. Il creusait le trou lui-même. Je le rebouchais avant de me coucher, ménageant les taupes qui traversaient la paroi sans demander leur reste. Des journées de fiction et de déni. Et dans le ventre d’Hélène, Quentin prenait ses distances avec le néant d’où je l’avais tiré non sans effort, car Hélène ne jouissait pas facilement. Seule la vieille s’accrochait à la réalité de tous les jours. Je crois que c’est ça qui l’a tuée.

C’est dans ces conditions qu’on préparait les noces. Le maire serait là, ainsi que le curé. Il y aurait de la viande fraîche à gogo, ce qui me replongea chaque minuit dans mon enfance. Pedro Phile, qui n’était pas invité, hantait ces attentes de l’aube. Aussi, au matin, tandis que Surgères rouspétait après la justice et ses procédures, le sommeil me harcelait. Je n’avais plus le droit de toucher à Hélène. Elle en avait envie, mais la vieille Surgères veillait du matin au soir et du soir au matin. J’en perdais mon langage. Je n’avais plus grand-chose à dire quand on sautait dans le trou Surgères et moi. Comment s’y prenait-il pour passer de la colère inspirée par les insuffisances judiciaires au cul que je lui offrais sans cesser de siroter le contenu de mon verre ? Je ne me souviens pas d’avoir rencontré un domestique pendant la grossesse.

Chaque jour que ce dieu inventait rien que pour j’y trouve à redire, l’esprit de Juliette me visitait. Je ne savais jamais d’où il tirait sa substance. J’avais beau tirer la langue pour atteindre le fond de mon verre, rien ne sortait de ma bouche et le vieux ânonnait en me reprochant d’avoir un petit cul. C’était fou ce qu’il devenait grossier tandis que le soleil accomplissait sa parabole céleste. Pourtant, quand Chercos s’amenait à bord de sa triste voiture de service, l’accueil était sobre et distingué. On s’asseyait sous un chêne séculaire autour d’une table du même âge et on buvait du thé ou du café en grignotant des biscuits au gingembre. Je les écoutais parler, de moi entre autres, mais je n’étais pas avec eux et je comptais les trous de taupe dans le gazon encore humide de rosée.

« On ne saura jamais qui a tué mon cher ami Alfred Tulipe, regrettait une fois de plus le vieux Surgères.

— Faut pas désespérer, roucoulait le flic qui aimait le café et le gingembre comme si cet assemblage lui rappelait quelque chose de son enfance ou de son service militaire.

— On a si souvent fait fausse route, se plaignait Surgères.

……………..

— Rien ne dit qu’il a été assassiné, dit Chercos.

— J’aurais dû y aller à sa place… Mais il a tellement insisté… »

Chercos avait sans doute déjà appris que la vieille Surgères avait eu une aventure avec Alfred Tulipe, ce qui donnait tout son sens à cette croisière avec Hélène. Elle n’avait entrepris ce voyage que dans le but de passer du bon temps avec le meilleur ami de Surgères, une aventure qui n’en demandait pas moins pour qu’il arrive enfin quelque chose. Et c’était arrivé. Sans l’enfant qu’Hélène m’avait soutiré comme le vin de son fût, je n’avais pas de mobile et je demeurais complètement étranger à cette folle histoire. Mais pourquoi aurais-je assassiné Alfred Tulipe ? se demandait Chercos qui quelquefois prenait ma place sur le bateau et même partout où il savait que j’avais mis les pieds. Je n’en avais pas fini de souffrir de ce coup de dés. Je me mordais les doigts de les avoir jetés sur ce pont parce que cette petite muse m’avait tapé dans l’œil au premier mot échangé avec elle à propos de je ne sais plus quoi. Voilà ce que Chercos m’avait expliqué en me tordant le bras pour que je comprenne bien que je devais tenir ma langue. Le vieux Surgères, sur qui pesait aussi le soupçon, n’en devait rien savoir.

Je me disais que si ce vieux con était en effet le meurtrier d’Alfred Tulipe, il ne manquait pas d’air en me reprochant d’avoir engrossé sa princesse. Mais la perspective d’un héritier avait sans doute le pouvoir de clarifier la situation dans son esprit. On arrivait toujours lui et moi à se mettre d’accord autour d’une bouteille, quitte à se servir des capotes pour les gonfler.

Le temps ne passe pas de la même manière selon qu’on l’envisage dans l’attente d’une échéance ou qu’on ne trouve pas les moyens de se fixer un but à atteindre sous peine de chercher à en finir avec la nuit. La date de la mise au monde de cette chair de ma chair était gravée de manière définitive. On s’en approchait qu’on le voulût ou pas. Et ça me rendait mélancolique. On n’a jamais attendu comme ça Juliette et moi. La plupart du temps, on attendait qu’elle rentre de voyage ou que je cesse de m’en plaindre, aucune date n’étant en jeu. Je ne sais même pas si elle avait pensé à utiliser ma semence pour se reproduire. Nous n’en parlions pas. Nous ne nous félicitions jamais de rencontrer les enfants des autres. Mais maintenant que je vivais avec les autres, j’avais oublié les sentiments que Juliette m’inspirait en s’en tenant à ce silence obstiné. J’en étais là : incapable de faire son portrait pour donner à lire cette évocation de la vie et de la mort en soi. Je hais les hussards.

Certes, Chercos ne me disait pas tout. Il continuait toutefois de m’approvisionner en substances interdites. Il y en avait des tas dans les placards de la P.J., mais lui ne revendait pas. Il avait la générosité dans le sang. « Un truc de famille ». Il fourrait la main dans sa poche et le papa Noël qui habitait en lui en sortait de quoi m’occuper à autre chose qu’à faire des projets d’entreprise ou de vacances.

« La vieille vous a confié quelque chose… ? me demanda-t-il.

— Elle sait que je sais mais on n’en parle jamais…

— Qu’en pense Hélène… ?

— Elle me suce dans le grenier où on monte sous prétexte de fouiller dans le passé familial, le sien en particulier. En ce moment, je suis hanté par notre enfance à Juliette et à moi. Pedro Phile…

— Il n’était pas sur le Temibile… Nous avons vérifié son alibi.

— Mais nous n’avons plus de rapports par les trous…

— La bouche est un trou !

— Déconnez pas, Chercos ! »

Elle n’avait pas fini de cracher ma substance que déjà je songeais à me coucher dans la seule intention de me replonger dans cette enfance, celle dont j’essaie de vous parler, monsieur. J’avais deux ans de plus que Juliette. Pedro Phile en avait dix, peut-être quinze…

« Je n’ai jamais su…

— Avec ça — c’est nouveau ! — il parlera ! »

Chercos ouvrit la main qu’il venait de sortir de sa poche. C’était une capsule, aussi transparente que les autres, mais pas verte comme d’habitude. Il en bavait. Je m’étonnai :

« Il n’y en a qu’une !...

— C’est la seule ! Vous pensez bien que si j’en avais trouvé d’autres, j’aurais pensé à vous, Magloire…

— Ne m’appelez plus Magloire ! Je n’écris plus…

— Vous m’en voyez désolé… J’avais espéré… Russel et moi on avait pensé…

— Ne pensez plus à ma place, nom de Dieu ! Et trouvez en une autre ! C’est quoi, cette couleur… ? »

Chercos approcha son gros œil de la capsule qui était dans le creux de sa main. Il hésitait. Il n’avait pas pensé à la couleur que ça pouvait avoir, mais il savait que l’effet était « époustouflant ». Il avait lu des tas de choses sur le sujet.

« Et si c’en est pas… ?

— C’en est ! Zavez qu’à essayer vous-même !

— Mais si vous n’en trouvez plus… ?

— Essayez-la sur Surgères ! Il parlera. C’est garanti.

— Vous avez le mode d’emploi ?

— Promettez-moi de pas y toucher, Magloire…

— Ne m’appelez plus Magloire… »

J’en ai mis dans le pastis de Surgères. On était au fond du trou et on travaillait dur. J’avais un mal fou à ouvrir les yeux pour ne pas me tromper de cible. Je me méfiais de mon cerveau dans ces moments de sainte hésitation. Mais ma main a bien versé le contenu de la capsule dans le pastis de Surgères et il a avalé le tout sans rechigner. Ensuite, il s’est mis à parler… de sa jeunesse… puis de son enfance… et enfin d’un passé qu’il n’avait pas vécu lui-même mais qui avait exercé une grande influence sur ce qu’il était devenu finalement : un poivrot. Chercos allait être déçu. Et j’avais raté le coche à cause de son empressement. J’en voulais tellement que je ne pensais plus qu’à ça. Dans le grenier, Hélène se douta de quelque chose. J’éjaculais sur la malle, ce qui l’étonna. Elle fit mine de lécher son nez.

« Ça arrivera que tu le veuilles ou non… dit-elle.

— Je n’ai pas dit que je ne voulais pas que ça arrive… !

— Je n’ai pas dit ça non plus !

— Ton père doit m’attendre… Il faut que je descende… dans le trou.

— Bizarre ce flic qui vient aux nouvelles toutes les semaines… Qu’est-ce qu’il attend de toi… ?

— Il m’aime comme si j’étais son fils, c’est tout. »

Je descendis. La vieille Surgères se pomponnait devant un miroir, s’y cherchant parce qu’elle avait ôté ses lunettes. Comment, ou pourquoi, Alfred Tulipe avait-il aimé un pareil cageot ? Et que savait Hélène de cette aventure extraconjugale ? Était-elle la fille de Surgères ? Ou un produit annexe ? Je doutais soudain de ma participation à la future mise au monde d’un rejeton qui finirait par me souffler un héritage si mérité.

« Ne me regardez pas quand j’ai le dos tourné, Julien…

— Je vous assure que je n’ai pas regardé… Je descends… Papa m’attend…

— Ne l’appelez papapa ! »

Je ne l’appelais pas Maman. Elle avait des seins d’adolescente. Il n’était pas difficile de le deviner, car la vieille s’habillait léger, été comme hiver. La disparition d’Alfred Tulipe ne semblait pas l’avoir affectée. Elle frissonnait pourtant quand il était question de mon encore possible culpabilité. Surgères se demandait maintenant s’il ne m’avait pas trop ennuyé, la veille, le jour où je lui avais fait ingurgiter la nouvelle invention de Chercos. Je me servis un tubo à peine mouillé.

« Vous ne m’ennuyez jamais, Papa… »

Il avait cet air de profil qui appartient aux hypocrites. Chercos l’avait peut-être chargé de me faire cracher la vérité sous l’effet d’une drogue inconnue de moi. En tout cas, le pastis avait le goût de pastis. Je l’engloutis d’un trait, accusant le coup aussitôt. Je me tenais à la paroi du trou. Une taupe montra son museau agité de curiosité.

« Nous oublierons tout ça, grommela le vieux.

— Vous croyez qu’on peut oublier qu’on vous a un jour accusé d’avoir tué un innocent !...

— Peut-être pas si innocent que ça… »

Il aimait s’adonner à la réplique, le vieux Surgères. Il bandait encore plutôt bien de ce côté de sa personne. Je rageais :

« Voilà ce que je n’oublie pas ! Alors que tout ce qui me serait agréable de revoir en pensée m’échappe comme on inspire la peur aux petits animaux…

— Ça s’appelle une obsession… Savez-vous que Chercos me soupçonne… ?

— Vous soupçonne de quoi, nom de Dieu ! »

Je ne devais pas avoir l’air aussi sincère que je voulais. Surgères me servit un sans eau avec addition d’un petit secret à lui, peut-être à l’instigation du flic qui ne quittait plus les lieux depuis qu’il y avait installé toutes les possibilités de soupçon. Même Hélène aurait pu tuer Alfred Tulipe. N’importe qui pouvait le tuer dans son lit d’hôpital où il allait crever de toute façon, qu’on y mît du sien ou pas !

« On ferait peut-être mieux de pratiquer l’abstinence, dit Surgères sans cesser de contempler la bouteille déjà orpheline de ses trois-quarts. Il paraît qu’on réfléchit mieux sans adjuvant. Mais pour ça, il faut en savoir plus sur la façon de se comporter avec le bonheur. Vous n’êtes pas si heureux vous-même, mon cher Julien…

— J’aimerais trouver le temps de penser à autre chose… Mais j’ai beau faire, je ne retrouve plus son souvenir… Je l’ai perdu, semble-t-il, pour toujours !

— Vous n’y êtes pour rien. Je n’aurais pas dû vous imposer cette règle familiale qui veut qu’on ait le droit d’engrosser les filles à condition de devenir le père de leurs enfants.

— Si ce n’était que ça… D’ailleurs, si Juliette était encore de ce monde, je ne serais pas moi-même ici à vous tenir des propos… décousus ! »

Surgères mit toutes ses forces dans la formation d’un sourire qui se transforma en grimace. Son esprit s’activait comme autant de corbeaux autour des yeux d’un mort étendu à ses pieds. Si ce type n’avait jamais tué, j’étais puceau. Mais l’Histoire vous autorise à tuer quelquefois. Il avait peut-être eu cette chance. Il lutta pendant une bonne minute puis retrouva son visage d’abonné à l’incrédulité.

« Je n’avais jamais été autant harcelé, avoua-t-il enfin en se tordant le nez pour en extraire la morve. Pourtant, j’en ai vécu des moments difficiles… Je peux même dire tragiques, sans paraître ridicule le moins du monde. Êtes-vous ridicule quelquefois, Julien… ?

— Nous ferions bien d’ouvrir une autre bouteille. Nous avons l’air ridicule de deux idiots qui prétendent se partager une bouteille vide… Demandez à la taupe.

— Quelle taupe, sapristi ! »

Il valsait sur sa chaise, touchant la paroi avec les pieds et les mains. J’en profitai pour lui injecter une double dose de colocaïne. Il apprécia le geste en embrassant mon anus. J’en conçus une formidable érection. Mais Juliette n’était toujours pas là. Elle me manquait terriblement. Je n’atteindrais pas le midi et je me passerais une nouvelle fois de repas. L’odeur de la cuisine de la vieille Surgères (celle qu’elle enseignait à Hélène qui avait d’autres projets) descendit sur nous comme un vaisseau d’extraterrestres. Surgères voyait la même chose que moi. Nous étions sur le point de nous comprendre. Il reconnut que j’avais l’esprit assez tordu pour préparer en secret le malheur d’Hélène et de son fils. Il n’aimait pas sa femme. Il l’avait remplacée par un domestique qui avait tout juste l’âge de lui épargner les problèmes liés à ce que la morale intitule détournement de mineur à des fins sexuelles. Il ne connaissait son homosexualité que dans ce cas de figure. Il ne me souhaitait pas d’en arriver là à cause d’une femme. Mais il connaissait son Hélène et savait que je n’échapperais pas à cette fatalité familiale. Qu’est-ce qu’on pouvait attendre de mieux pendant que le Parquet cherchait un texte susceptible de satisfaire la partie civile ? Il n’était jamais allé au fond des choses et maintenant il mesurait sa nouvelle science de l’homme. Dans l’insatisfaction, cela allait de soi.

Le soir, retrouvant la lucidité qui me rend malade mais pensant que sans elle je m’éloignais à jamais de mon enfance avec Juliette, je reprenais le récit où je l’avais laissé la veille et ma plume courait dans le blanc du papier à la recherche du détail qui, par magie sans doute, provoquerait l’apparition de Juliette en enfant prometteuse d’une mort sans douleur ni regret. Je me souvenais d’avoir pensé à cette mort alors que nous n’avions pas atteint l’âge des poils. Qu’est-ce que nous explorions sur nos corps ? Elle, la beauté qui ne pouvait pas lui échapper. Moi, le plaisir recommencé dans une stupeur croissante. Nous en avons ri plus tard. Mais tout ceci ne suffirait pas à me la redonner exactement comme je l’ai prise. La fenêtre ouverte de l’été me rappela que l’enfant verrait le jour en automne, ce qui me désolait. Je n’aime que l’été, rien d’autre question saison et enfer.

Un voyage avec Juliette me semblait maintenant tellement possible ! Alors que nous avions vécu nos voyages séparément. Encore que les miens ne connaissaient que l’enfermement provisoire dans les limites de l’imagination et de la dénégation. J’y construisais mon romanesque à défaut d’une poésie dont le langage fuyait par les interstices de ce bonheur transitoire. En attendant, touchant les bords de la mémoire sans y recueillir la moindre impression susceptible d’inspirer la joie au peu de langage qui m’appartenait, je recevais le silence de la nuit et des sommeils que les murs me donnaient à peupler de mes propres rêves. Je n’ai jamais créé mes personnages autrement. Comment parvenez-vous à créer les vôtres, monsieur… ?

 

*

 

En attendant que le maire et le curé authentifient notre union charnelle, je me limitais quotidiennement à des éjaculations non moins magistrales, entre chien et loup, matin et soir. Je couchais dans une annexe en travaux que les domestiques négligeaient sans se priver de me le faire savoir. J’allais et venais entre ces pénates sommaires et les lieux privilégiés par les Surgères dans un cadre de vie défini depuis longtemps. Hélène, qui se laissait encore conditionner par ces exigences de fortune, glissait entre mes doigts chaque fois que j’entrais. Ces croisements avaient fini par peser sur mes nerfs, mais je me contenais. J’ai moi aussi reçu une éducation fondée sur l’expérience et le sort. Nous prenions le café ensemble sous le grand chêne qui avait connu plusieurs rois. J’aimais ces moments de solitude à deux, surtout qu’on se promettait l’un à l’autre, même si, de mon côté, je ne perdais pas de vue les possibilités de fuite sans laisser de traces. Je ne craignais pas les Surgères, n’allez pas croire ! Mais j’étais la marionnette de Frank Chercos. Il veillait sur moi comme on réchauffe contre son cœur les lingots issus d’une autre fonte. Évidemment, ces moments d’intimité relative ne duraient pas. Hélène avait encore la main dans mon slip quand la vieille s’amenait avec son petit plateau et ses vivres. Pas question d’aller plus loin, mais je m’étais déjà vidé et j’avais l’esprit tranquille, pas aux abois comme l’espérait la vieille Surgères.

Elle s’appelait Catherine et avait conservé à peu près tous les traits de son passé de jeune fille en instance d’épousailles. Elle était seulement ridée et grasse dans les angles. Le croisement de ses jambes m’inspirait des odeurs qu’Hélène ne possédait pas avec la même maîtrise de la lenteur. Je dois avouer que j’en oubliais Juliette. Je ne m’en voulais pas de ne pas parvenir à la retrouver sur la page unique de mon roman en chantier. L’heure de l’apéro était lointaine et le vieux Surgères dormait encore à poings fermés. Je prenais le risque de me laisser tourmenter par ces douleurs en fusion au cœur même de mon processus créateur. Hélène n’y comprenait rien, l’existence se limitant chez elle à l’attente d’une mise au monde qu’elle n’avait pas préméditée mais qu’elle ne se reprochait plus. Quant à Catherine, elle n’avait pas besoin de me saigner pour savoir que ce qui coulait dans mes veines m’éloignait de l’enfance au point d’avoir perdu de vue ses aventures et autres coups du sort.

« Parlez-moi de Juliette, insistait la vieille qui n’était pas aussi ancienne que son âge.

— Pas devant Hélène…

— Je n’écoute pas de toute façon !

— Il y a des choses que tu dois savoir, ma fille !

— Les morts me font peur… J’en rêve toutes les nuits et…

— …personne pour te réveiller en douceur, ma pauvre ! Je connais ça. Julien, reprenez du café. Vous avez l’air apathique ce matin…

— Mais je le suis, Maman, je le suis…

— Ne m’appelez pas Maman ! »

Chaque fois que je me penchais sur la petite table de formica qui me sert de bureau je me demande bien où ils l’ont dénichée — dans les poubelles de la domesticité les mots me contraignaient à n’évoquer que les moments les moins heureux de cette enfance que Juliette avait traversé en étrangère. Dans la roselière d’un bord de mer où je me livrais seul au plaisir, elle prenait des photos pour son seul usage. Nous en avons ri jusqu’à la veille de sa mort… en admettant qu’elle commençât à mourir bien avant ce maudit voyage à Rio en compagnie de gens qui ne m’avaient jamais considéré d’un bon œil.

« Je n’ai jamais appelé personne Maman…

— Pas même votre… L’avez-vous connue au moins… ? Nous sommes toujours là Julien et moi pour notre toujours petite Hélène… »

C’est fait : vous savez maintenant que le vieux Surgères portait le même prénom que moi, ce qui ajoutait à la confusion, convenez-en. Hélène ne s’en amusait pas vraiment, mais elle y pensait quelquefois et ces moments d’absence m’avaient amené à soupçonner une maladie mentale du genre de celles qui affectaient ma famille du côté maternel. Je ne saisissais pas toujours ses intentions et ça me faisait chier. J’avais les nerfs à la place des veines.

« Vous n’avez pas répondu, Julien…

— Répondu à quoi… ?

— À la question de savoir pourquoi vous n’avez jamais appelé votre mère Maman…

— Je n’ai pas dit ça…

— Vous me fatiguez ! »

Et elle se lève pour disparaître comme elle est arrivée, ce qui attriste toujours ma belle Hélène. Je lui montre à quel point j’ai envie d’elle, à défaut de l’aimer comme un citoyen doit aimer sa compagne. On ne fait pas d’enfants dans d’autres conditions, sinon on est bon pour le bannissement. Et tandis qu’elle reprenait la caresse où elle l’avait abandonnée pour cause d’interruption maternelle, je m’efforçais de reconstituer le visage de Juliette dont je ne possédais pas de photographie. Je n’avais pas eu le temps de remplir mes poches de souvenirs avant d’être jeté dehors. C’est comme ça que je me suis retrouvé dans les rayons de la bibliothèque municipale. Elle jouxtait presque le château. Pas besoin de vélo pour s’y rendre, m’avait précisé un valet en me tournant le dos. Il possédait la seule bicyclette de l’enceinte du château. Je sortis, bien décidé à en trouver une autre car je n’avais aucune idée de la distance à franchir pour atteindre mon objectif.

Je fouillai dans les magazines. Rien sur Rio. Je ne me souvenais même plus des titres que Juliette alimentait de ses prises de vue. J’interrogeais le bibliothécaire, mais il ne lisait pas cette sorte d’ouvrage et moi je n’avais aucune envie de sympathiser avec lui. On s’est quitté en ennemi, mais les raisons de cette inimité ne m’apparaissaient pas clairement. En tout cas, le vol d’une bicyclette ne s’imposait plus.

 

*

 

J’étais en train de déchiqueter une feuille blanche quand Catherine est entrée sans frapper. Elle a refermé la porte sans autre bruit que sa voix chuchotant. Tout le monde dormait, y compris la domesticité. Elle s’assit au bord du lit. Elle n’avait pas encore enfilé son pyjama. Elle avait traîné toute la journée dans cette robe d’été et je ne m’étais pas approché d’elle. Elle m’avait longuement observé quand je m’étais assis au bord de la rivière pour me ronger les ongles sans me donner en spectacle. Je le voyais dans un reflet que j’ai fini par briser.

« Vous ne dormez pas, Julien… ?

— Comme vous voyez…

— Vous ne trouvez pas le sommeil… Je vous comprends.

— Alors vous en savez plus que moi.

— Vous êtes amer depuis quelques jours… depuis la dernière visite de cet affreux policier… Je ne supporte pas l’odeur de son tabac ! Ces airs en coin ! Je n’ose même pas regarder sa nuque…

— Il en sait plus que nous… C’est sans doute pour ça…

— Que savez-vous que je ne sais pas, Julien…

— Il est bien temps de me le demander… »

Mais elle n’était pas venue pour se livrer à une joute. Ni pour ce que je croyais en examinant ses genoux qu’elle tenait serrés l’un contre l’autre avec une énergie de pucelle la veille d’un combat décisif. Elle s’était décoiffée pour l’occasion.

« Vous ne savez pas, Julien, que moi aussi j’ai eu l’ambition d’entrer dans le monde des Lettres… Je n’en ai pas trouvé la porte, malgré les relations familiales. Mon père fréquentait le meilleur des mondes, comme il sied à un homme politique. Mais je ne possédais pas la clé. Ou le paillasson. Peu importe la métaphore ! »

Sa langue sortit de sa bouche pour lécher un poil récalcitrant. Son visage était maintenant enfoui dans l’ombre alors que sa robe ruisselait de la lumière de la lampe qui éclairait mon travail en cours. J’avais la gorge nouée, comme on dit.

« Bien sûr, continua-t-elle, je n’avais pas souffert autant que vous. Je veux dire que je n’avais perdu personne. Rien ne s’était écroulé ni n’avait disparu du petit monde qui m’avait vu naître. Mais je me sentais capable d’en dire plus !

— Je vous comprends moi aussi… Mais on a beau souffrir en profondeur, rien ne garantit qu’on ait trouvé le bon filon. Je parle d’expérience…

— Vous n’avez donc rien trouvé… ? »

Son visage reprit sa place dans la lumière.

« Et vous comptez faire ça toute votre vie ? »

Nous y voilà !

« C’est exactement ce que je compte faire ! Je n’ai jamais rien fait d’autre que ce que je devais faire. J’ai un sens du devoir qui pourrait clore le bec à bien des légionnaires.

— Je n’en doute pas… mais cependant, Hélène et…

— Quentin. Elle a décidé de l’appeler Quentin. Vous devez savoir pourquoi, si je ne m’abuse…

— En effet… Hélène est mon quatrième enfant… Avant elle…

— Exactement comme moi, figurez-vous ! J’ai avalé ces histoires pendant toute mon enfance. Je suppose que…

— Non, non ! Vous supposez mal. Je n’en ai jamais parlé à Hélène. Julien et moi…

— Nous nous éloignons de notre sujet…

— J’étais venue vous parler de littérature quand… »

La lumière s’est éteinte. Je l’ai entendue décroiser ses jambes. Le lit grinçait sous elle. J’ai frotté une allumette. Elle n’était plus là !

 

*

 

Il y a loin de l’intuition à l’impression. Nos chemins divergent dès l’entrée en matière. Je n’ai jamais eu l’esprit scientifique. Je n’ai pas le goût des hypothèses ni des expériences qui s’ensuivent dans la logique et la rigueur des travaux en jeu. Je suis celui qui ouvre les yeux et qui ne fait que ça pour ne pas les fermer. Tautologie de l’angoisse acquise ou native, je n’en sais rien. Le seul passé qui devrait m’inspirer a disparu exactement comme Catherine la veille au soir. La porte était restée ouverte. J’entendais ses pas sur le tapis épais du corridor. Il y avait un tas de portes de chaque côté. Je n’en ai pas ouvert une seule. Et sans chasser les démons de la curiosité qui voudraient dénaturer ma perception des choses en cours d’achèvement ou de mort. Qui êtes-vous, Julien ?

Le sommeil avait disparu lui aussi, mais était-il venu me hanter tandis que je m’épuisais à recomposer un visage ? La fenêtre était gonflée d’un rideau depuis que la porte était ouverte. Physique des courants d’air. Je demeurais longtemps à observer ce phénomène, n’y trouvant finalement rien à mettre sous la dent de mon système métaphorique. Heureusement, j’habite au rez-de-chaussée, sinon je me serais brisé l’astragale moi aussi. Je savais que je n’irais pas aussi loin, mais la nuit était dense de douceur et de silence. Aucune ombre ne satisfit ma prétention à la nouveauté. Sous les arbres et sans lune, on y voyait, non pas comme en plein jour, mais comme si rien ne se cachait. J’ai vite renoncé à cette fugue insensée. Aucun petit animal nocturne ne m’a visité, au moins par curiosité. L’air se reposait des fragrances du jour. Le ciel laissait deviner les raisons de sa profondeur infinie. J’étais à deux doigts de connaître une intuition qui me servirait de pierre blanche pour le restant de mes jours.

Au matin, ayant à peine sommeillé, je diagnostiquai une amnésie partielle. Le nom de Juliette s’inscrivait dans cet interstice. Il avait suivi les chemins de mes poétiques errances et maintenant il était obscur et avait perdu tout son sens. J’en hurlai de douleur, une douleur imaginaire qu’il me fut impossible de décrire. Comment peut-on se vider ainsi d’une substance qui a longtemps servi de prétexte pour ne pas se tirer une balle dans la tête ?

 

*

 

Chercos avait perdu une chaussure en traversant le gué. Il avait garé sa voiture de l’autre côté de la rivière à cause de la crue. Catherine riait. Elle lui conseilla d’ôter la chaussure qui lui restait « fidèle » et d’en profiter pour confier les chaussettes au domestique qui était accouru après avoir assisté à la scène précédente de la fenêtre où le rire de madame avait alerté son sens du devoir. Il reçut les deux chaussettes dans la conque de ses mains et tourna les talons. Je le regardai s’éloigner. Il portait aussi le fardeau de la chaussure. Il gravit les escaliers avec gravité, comme de juste. Catherine riait toujours. Chercos, pieds nus dans l’herbe tiède, tentait d’allumer une cigarette qu’une goutte tombée d’un arbre venait d’éteindre. Catherine cligna de l’œil dans ma direction, comme si tout cela m’inspirait. Il y avait un tas de choses capables de m’inspirer, mais j’étais collé à la vitre de mon amnésie.

« Vous avez du nouveau sans doute ? dit Surgères en arrivant, nouant sa robe de chambre qui prenait l’eau en frôlant les têtes penchées des pâquerettes.

— Quelqu’un a tué Alfred Tulipe, dit Chercos énergiquement. Mes collègues italiens sont d’accord avec moi. Qu’en pensez-vous, madame Surgères… ?

— Rien. »

Elle avait cessé de rire avant même qu’il eût terminé sa phrase, une phrase préméditée qui ne sentait pas la vase rejetée par les eaux en crue. Elle le savait, mais feignait de ne pas saisir le sens caché des propos du flic. Il avait devant lui trois coupables potentiels : Surgères, sa femme Catherine et moi-même pas tout à fait innocenté. Hélène s’ajouta presque naïvement à notre réunion, mal fichue dans une laine empruntée à un portemanteau que j’avais aperçu dans les cuisines. Il ne manquait plus qu’un chapeau de paille pour parfaire le portait d’une évadée de l’asile. Son ventre la précédait, provoquant l’admiration du policier qui ne paraissait pas l’associer à sa liste des coupables possibles.

« Vous avez un nom ? demanda Surgères.

— Il est trop tard pour réunir ces passagers dans le salon du Temibile.

— Ça en fait, du monde ! » s’écria Hélène.

Nous prîmes place autour d’une autre table, car le guéridon ordinairement affecté à cette fonction avait les pieds dans l’eau. Nous dûmes nous satisfaire d’une table de camping prêtée par le même domestique. Il possédait un tas de choses utiles en cas de nécessité. Surgères l’avait toujours connu. Donc, il datait, ne manqua pas de penser Chercos en grattant une autre allumette qui ne mit pas le feu comme espéré par son impatience.

« Il faut aussi avoir de la chance, dit Surgères qui n’aima pas le café, mais c’était celui des moments difficiles et il ne fit aucun commentaire désobligeant à l’adresse de la domesticité.

— Cette eau n’est pas claire en effet… fit Chercos en cherchant à donner une suite à son idée poétique.

— On ne peut donc pas compter dessus, » continua Surgères sans y croire.

Catherine était crispée comme une goutte d’eau sur le point de tomber d’une hauteur dont elle mesure les implications sur son intégrité de goutte. Elle me jetait de courtes œillades sans ouvrir la bouche pour détourner l’attention du policier qui scrutait la composition de la scène en expert de l’attente. Hélène engouffra un croissant encore chaud, puis un autre. Nous sourîmes ensemble, mais sans plus. La pauvre fille était obligée de se pencher sur la table à cause de son ventre qui l’en éloignait. Voilà les seules choses que je pouvais écrire dans l’heure qui suivrait immanquablement. Catherine semblait apprécier ma solitude à l’aune de son propre échec. Elle ne m’en avait pas dit plus, la lumière s’étant éteinte. Je pouvais écrire là-dessus aussi. Il y avait un tas de choses à écrire et elle le savait. Peut-être avait-elle l’intention de m’en empêcher.

« Vous restez manger, bien entendu… ? proposa Catherine.

— Le soleil est de sortie, constata Surgères avec plaisir.

— Nous avions prévu, Julien et moi… commença Hélène.

— …d’aller pique-niquer en amont… »

J’avais bien l’intention de la sauter à l’abri des regards indiscrets, mais la rivière en avait décidé autrement et je la maudissais. Chercos accepta la perspective d’accompagner un bon repas d’un pinard de renom qu’il ne devait sans doute n’avoir jamais tasté. On nous servit d’autres liquides fumant comme des rôts et nous agrémentâmes notre plaisir de petites conversations écourtées dont la suite perdait progressivement son sens. Catherine, veillant à la proximité de mon impatience, me conseilla de poursuivre ma nuit jusqu’à midi :

« Il n’a pas dormi de la nuit, expliqua-t-elle au policier qui commençait à se poser des questions. Il a été le premier à entendre les grondements de la rivière. Personne ne nous a prévenus. Il a sauté par la fenêtre de sa chambre (il dort au rez-de-chaussée) et est allé se rendre compte par-lui-même. Je crois bien qu’il a failli se noyer. Heureusement, il s’est accroché à une branche de notre chêne royal (elle le montra du doigt et Chercos en apprécia la majesté en silence) et les pompiers l’ont décroché comme un fruit mûr… N’est-ce pas, Julien ? »

Surgères et moi tournâmes la tête en même temps, ce qui fit sourire Hélène, mais le policier dut se poser une autre question, car il ignorait le fin mot de l’histoire. Catherine était en proie à une étrange immobilité de plante carnivore. J’écrirais quelque chose à ce sujet en me livrant à l’amour de moi-même faute de pique-nique. Je me demandais ce que je ferais de mon après-midi. Encore une qui m’appartiendrait entièrement, comme si je n’avais que ça à faire.

« On en a pourtant parlé à la télé hier au soir, dit Chercos comme s’il n’était pas sûr du fait.

— Nous nous couchons tôt, marmonna Catherine entre ses dents. Nous n’avons plus l’âge…

— Moi je ne suis pas en état, comme vous savez…

— Mais vous, Magloire… Vous veillez tard dans la nuit. Tous les écrivains veillent tard dans la nuit. On dit même… »

S’il s’agissait de meubler la conversation, nous nous y appliquions fermement. Cohésion familiale dont le sens échappait à l’esprit du policier, mais sans manquer de lui inspirer la vigilance qui annonce les procès les mieux tenus et les moins contestables par conséquent.

« Nous allons avoir une belle journée, constata de nouveau Surgères, le nez en l’air.

— Ils en ont parlé à la télé hier au soir, confirma Chercos.

— Il faudra se coucher moins tôt, plaisanta Catherine. À l’instar de notre ami Julien… »

Surgères résista cette fois à la tentation de répondre à l’appel de son nom. Chercos saisit au vol cette apparence de mouche décidée à enquiquiner son patient.

 

 

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