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Hypocrisies - Égoïsmes *
Chapitre XVIII

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 Article publié le 27 mars 2022.

oOo

Je l’ai déjà dit : en attendant les noces, j’habitais dans ce qui n’était même pas une « aile » du château : je n’ai jamais su ce qu’était censé représenter cette « annexe » en forme de capsule spatiale genre Apollo. J’y accédais par un sas perché à trois bons mètres d’altitude après avoir gravi un escalier bordé de garde-fous. Je m’empoussiérais ainsi deux fois par jour, au lever et au coucher. Je ne travaillais plus dans la journée. Je passais le meilleur de mon temps à observer le spectacle des Gitans au travail de la vigne, pas initié au sens de cette œuvre saisonnière qui augmentait chaque année la fortune des Surgères. Catherine me courait après si je m’éloignais au-delà de la limite fixée par la rivière où passaient des barques vertes chargées de chasseurs et de chiens. J’avais les pieds dans l’eau quand elle détalait de son observatoire en forme de belvédère de fer forgé et vitré. Pour l’heure, la rivière avait envahi une partie de la vigne et les barques dérivaient vers l’horizon, vides et tournoyantes.

Je m’étais couché avec ma rage d’en finir avec les attentes qui construisaient et expliquaient mon existence. J’avais soufflé la bougie et à travers les carreaux humides de la fenêtre je pouvais voir l’eau miroiter sous la Lune, les barques y dansant comme autant de cercueils remontés des profondeurs. Trouver le sommeil dans ces conditions n’est pas à ma portée. J’ai vidé une bouteille sans en apprécier le millésime. J’avais l’esprit passablement éteint quand le soleil s’est levé.

Ça a commencé par des éclats de voix, puis un coup de fusil a déchiré ce qui restait du silence animal de la nuit. J’ai ouvert la fenêtre. L’air était doux, à peine venté, chargé de fleurs encore vivaces. Les voix se sont rapprochées. Quelqu’un criait plus fort que les autres. C’était une voix de femme que je ne reconnaissais pas. J’imaginai qu’un noyé s’était approché trop près du château et que la domesticité le chassait à grands cris histoire d’ameuter les chiens. J’ai enfilé une chemise et chaussé mes bottines de caoutchouc. À trois mètres au-dessus d’un sol encore épargné par les flots, je me suis appliqué à distinguer les corps qui s’avançaient dans l’ombre environnante qui semblait tomber des feuillages. Ils étaient quatre ou cinq et deux d’entre eux marchaient devant les autres qui les poussaient sans ménagement. Je reconnus le chapeau de chasseur de Frank Chercos. Il ne portait pas de fusil et les deux animaux qui le précédaient étaient des hommes, si j’en jugeais par le balancement des bras et le style d’effort qui les tenait à une distance constance du petit groupe qui les harcelait de cris et de moulinets pour qu’ils ne cessent pas d’avancer comme c’était leur volonté. Bientôt, je vis qu’il s’agissait d’un homme et d’une femme. Et cet homme, c’était Chico Chica. Je ne connaissais pas la femme.

Derrière, les trois silhouettes étaient reconnaissables : Frank Chercos, qui gueulait comme s’il avait à mener des chiens ou qu’il était chien lui-même ; Surgères qui brandissait un bâton plus gros que son bras ; et Roger Russel qui perdait du terrain à cause de ses « chaussures de ville ». Il en parlait encore quand je me suis approché. Chico Chica me dévisageait. Il avait la tête indécise de celui qui croit reconnaître quelqu’un mais qui doute de ce qu’elle lui inspire. La femme continuait de crier comme si on lui arrachait quelque chose. Ses mains se battaient avec l’air ou ce qu’elle y concevait. Elle n’avait pas l’air d’avoir toute sa tête. Chico Chica n’a jamais fréquenté que des détraquées, mais il ne connaissait pas d’autres moyens de satisfaire ses besoins sexuels. Chercos fit stopper le groupe. Qu’est-ce que j’avais vu ?

« Qu’est-ce que j’aurais dû voir… ?

— Je suis sûr qu’ils étaient trois, beugla Chercos.

— Il y avait un enfant, confirma Russel. Il a détalé comme un lapin quand je lui ai mis la main dessus.

— Sûr que c’était un enfant, dit Chercos, mais pas plus grand que celui-là.

— Alors c’était peut-être un nain, » dis-je en évitant de croiser le regard de Chico Chica.

Il arrivait à la taille de Chercos qui n’est pas particulièrement grand de taille. Et la femme était encore plus petite. Surgères répéta qu’ils n’appartenaient pas à sa tribu de Gitan. Il les connaissait tous. Il n’y avait pas de nains parmi eux. D’ailleurs Chico Chica venait de répéter lui aussi qu’il n’avait rien à voir avec les Gitans et qu’il n’était même pas juif. Il cognait durement le dos de sa compagne pour la faire taire, mais elle continuait d’assourdir les hommes qui s’impatientaient, comme s’il allait arriver quelque chose.

« Je les ai surpris devant la porte, dit Chercos.

— Moi je ne dormais pas, dit Surgères.

— On a emprunté une barque aux pompiers, » dit Russel.

C’était nettement insuffisant pour expliquer la situation. Chico Chica était maintenant certain de me reconnaître. On avait vécu un bout de temps ensemble. Et cette époque maudite n’était pas si lointaine. Nos visages n’avaient pas changé à ce point. Pouvais-je oublier qu’il m’avait nourri pendant les premiers jours ?

« Je croyais que quelqu’un s’était noyé, dis-je comme si je souhaitais changer le sujet de la conversation. J’ai eu peur…

— Personne ne s’est noyé, dit Chico Chica. On enquête Hercule Poirot et moi. On ne fait rien de mal. On n’est pas arrivé là par hasard… »

Il devenait menaçant à mon endroit, ce qui ne pouvait pas échapper à l’esprit toujours en éveil de l’inspecteur en service commandé. Du coup, il cessa de se comporter comme un chien et conseilla à tous de se diriger tranquillement vers la première porte. Surgères passa devant. Il ne restait plus qu’à le suivre.

 

*

 

« Hercule, lève la robe pour qu’on voie… »

Et en effet la naine était passée chez un barbier de sa connaissance pour se faire tailler la toison pubienne en forme de moustache en guidon de vélo. Surgères se pinça le nez. Russel émit un petit rire qu’il étouffa dans sa main. Par contre, Chercos plia ses jambes pour mettre son regard au niveau de la moustache. Chico Chica continua :

« C’est pas seulement pour ça qu’on l’appelle Hercule Poirot… Cette fille est douée pour la résolution des énigmes les plus coriaces. Et c’est pour ça qu’on est là. Pas du tout pour ce que vous pensez. »

Surgères grogna. Il en avait vu d’autres et même envoyé pas mal de voyous en prison. Il reconnaissait un voyou quand il en voyait un. Et Chico Chica répondait en tous points à ce qu’il en savait depuis tellement longtemps qu’on pouvait en effet appeler de l’expérience. Pas convaincu, Chercos fit signe à Hercule de baisser sa robe. Il en avait assez vu pour avoir maintenant une idée de ce que ces deux intrus manigançaient.

« On n’est pas des voleurs, dit Chico Chica.

— Ils n’ont rien dans les poches, confirma Chercos.

— On les a pris à temps ! » siffla Surgères.

La naine frissonnait comme si elle résistait au cri qui prenait racine en elle. Je n’avais jamais observé une telle peur sur le visage d’un être humain. Je n’avais jamais effrayé que des animaux domestiques.

« Hercule Poirot, hein ? dit Chercos en grattant diverses allumettes dont Russel suivait la trajectoire. Et quel est le sujet de votre enquête… Poirot… ?

— J’peux pas en parler… ânonna la naine. C’est un secret entre moi et Chiquito…

— Je mange pas de ce pain là, Chiquita ! » beugla Chercos.

Il avait figé les personnages. Et les allumettes continuaient de décrire la même parabole qui fascinait Roger Russel. Surgères se libéra de ses chaînes en s’ébrouant comme un cheval :

« Vous croyez peut-être qu’on peut se contenter de vous écouter sans chercher à en savoir plus ? Ce n’est pas parce que la nature ne vous a pas gâtés qu’on va fondre de compassion et avaler vos sornettes de bouffons ! Mais de quel cirque vous sortez, nom de Dieu ! »

Pourtant, les poches des deux nains ne contenaient rien qui eût appartenu aux Surgères. On me demanda même si j’avais bien vérifié ma malle de voyageur provisoire.

« Des fois qu’ils auraient l’estomac assez grand pour avaler ce qui ne leur appartient pas… suggéra Roger Russel comme s’il était en train de plaider dans un tribunal.

— Je vous dis qu’on est venu pour enquêter, dit calmement Chico Chica.

— Et la piste nous a menés ici, dit Chiquita.

— Au château de Surgères… ? Non mais qu’est-ce que j’ai à voir avec vous, hein ? s’écria Surgères.

— Vous, rien, dit Chiquita. C’est lui. »

Elle me montrait du doigt. Surgères parut soulagé. Chercos prit son air de tigre à l’affut. Et Roger Russel se mit à songer à une autre plaidoirie. Je n’avais pas de cigarettes sur moi, sinon j’en aurais allumé une, mais pas avec les allumettes de Chercos qui demeurait immobile, presque nonchalant, la pipe éteinte et la boîte vide. Chico Chica me lança un regard franchement désolé. Il ne me voulait pas du mal, mais Chiquita était aussi intransigeante qu’une mante religieuse et il ne pouvait rien tenter pour l’empêcher de me nuire. Chercos frémit discrètement, ce qui suffit à lui inspirer des hypothèses déjà revues et corrigées.

« Vous voulez dire que ce monsieur a commis des faits qui tombent sous le coup de vos petites cellules grises ?... dit le policier comme s’il s’adressait à sa maîtresse d’école.

— Tout ce que j’ai à dire, je le dirai à Chiquito. À personne d’autre. Qui que vous soyez ! »

Surgères bondit, prêt à la déculotter pour lui raser les moustaches.

« Vous parlez à l’autorité… »

Mais sa gorge se noua pour une raison de fragilité interne et il ne trouva pas les moyens d’expectorer l’épithète. Chercos lui tapota l’épaule puis en pinça la couture et tira dessus pour le faire reculer. Surgères n’opposa aucune résistance. De son côté, Chico Chica commençait à donner des signes d’épilepsie. J’étais dans de beaux draps. Roger Russel, qui ne s’intéressait plus aux allumettes dont la boîte avait valsé dans l’ombre, s’interposa :

« Tout ceci mérite des explications, non… ? »

J’étais devenu le centre d’intérêt du groupe auquel je n’appartenais donc plus. Et je ne pouvais pas exiger de Chico Chica qu’il fût l’auteur de ces clarifications… critiques. Chercos me dévisageait comme si j’avais quelque chose à cacher, ce qui était le cas. Il ne pouvait tout de même pas tout savoir de moi. Mais pourquoi donc ces nains s’étaient-ils mis dans la tête de mener des investigations à propos de mon comportement ou de mes idées ? N’étais-je pas le mieux placé pour répondre à ce questionnement somme toute légitime ?

« Qu’est-ce qui se passe… ? » fit Catherine en arrivant.

Hélène s’accrochait à ses basques.

« On a cru que c’était un noyé… dit-elle en souriant comme si elle était heureuse de me voir.

— Ce sont des voleurs, affirma Surgères qui retrouvait sa nature de patron après avoir faiblement compris de quoi j’étais le sujet.

— Nous n’en savons rien, dit Chercos.

— On est coincé ici, dit Roger Russel. L’eau est encore montée…

— On finira par l’avoir, ce noyé ! » gloussa Catherine.

La présence des deux nains ne l’inquiétait pas. Elle en avait vu d’autres. Elle s’en approcha pour scruter leur apparence.

« Vous n’êtes pas des Gitans, n’est-ce pas… ?

— On n’est pas juif non plus.

— Et comme vous n’êtes pas… grommela Surgères… comme vous n’êtes rien de reconnaissable…

— Vous feriez mieux de vous taire, Surgères, » conseilla Russel de sa voix de stentor soudain retrouvée.

Nous passâmes dans une pièce mieux éclairée. Le jour s’était levé. L’eau ruisselait sur le gazon et commençait à monter dans les allées. Personne ne s’est assis et Catherine n’a rien servi. On allait en savoir plus sur ma personne et surtout sur mon histoire personnelle avec les autres. De quel autres s’agissait-il ? Chiquita montra sa moustache aux femmes, tournant le dos cette fois aux hommes qui ne s’intéressaient plus à ce détail du moment qu’ils étaient en train de vivre malgré moi. Catherine éclata de rire. Hélène parut choquée, comme si j’avais moi-même inspiré cette pratique grotesque. Je brûlais de m’expliquer. Oui, je connaissais Chico Chica. Il m’avait sauvé d’une mort certaine et terrible à une époque où j’avais été jeté à la rue sans autre ressource que mon imagination. Il m’avait nourri et habillé. Et on avait vécu une belle amitié faite de confidences et de cadeaux réciproques. J’avais trop parlé.

Ou plus exactement, j’avais tout inventé. Je n’avais pas pu m’empêcher d’inventer toutes ces sornettes dans le seul but de me venger de Juliette qui m’avait abandonné en se donnant la mort. Elle devait bien se douter que ses parents me jetteraient dehors sans se soucier de mon devenir. Chico Chica m’avait cru. Il avait avalé toutes mes constructions imaginaires, lesquelles n’accusaient que moi du point de vue judiciaire alors que je ne prétendais rien d’autre que me venger et trouver dans cette vengeance virtuelle la conclusion de ma douleur et de ma malchance. Les Surgères avait mis fin à cet épisode absurde de mon bildungsroman dès que Chercos les eut informés de ma probable innocence dans l’assassinat d’Alfred Tulipe. J’imagine que Catherine fut soulagée d’apprendre qu’ainsi sa fille n’épouserait pas le meurtrier de son amant et que Surgères n’était pas mécontent de satisfaire le désir que j’inspirais à Hélène à qui il aurait tout donné pourvu que son honneur fût sauf.

« Où en étions-nous ? demanda Chercos quand nous estimâmes d’un commun accord que le salon où Surgères nous avait conduits convenait à nos attentes réciproques.

— Elle dit qu’elle sait des choses à propos de ce jeune homme… dit Roger Russel pas plus suspicieux que d’habitude.

— Des noix ! fit Catherine. Nous savons déjà tout. Laissez Hélène tranquille ! Venez, Julien. Éloignons-nous de ces… »

Elle me tenait par la manche, mais j’avais besoin de m’expliquer, ou plutôt : je voulais, à n’importe quel prix, être présent quand la vérité sortirait de la bouche de cette naine que je ne connaissais ni d’Adam ni d’Ève. Il faut dire que je n’avais jamais été au bout des folies que l’existence avait proposées à mon jugement de mystificateur. Je dois reconnaître que je m’étais toujours arrangé pour me défiler. J’en avais même fait un art. Juliette me le reprochait assez…

« Je ne crains rien, dis-je enfin en me libérant de l’étreinte pointue de Catherine. Ce monsieur et moi nous connaissons. Par contre, je ne sais rien de cette dame, ni elle de moi…

— Oh que si j’en connais des choses… !

— Et bien nous sommes tout ouïe, » dit Russel.

Mais la naine refusait de parler. Chico Chica ne parlait pas lui non plus, mais il exprimait ses regrets dans une immobilité que seul son regard animait de tristes proximités. Chercos finirait par exploser. Russel n’attendait que ce moment pour se donner raison de ne pas agir tant qu’il se sentait seul.

« Je vous dis que ce sont des voleurs, insista Surgères. Vous les connaissez, Chercos. Toujours en quête d’une mystification pour détourner l’attention du justicier qui sait qu’il est sur la bonne voie mais qui se laisse tenter par les séductions de l’hypothèse…

— Vous parlez comme un livre maintenant, mon ami ! fit Catherine qui n’entraînait plus sa fille ni moi vers la sortie de ce théâtre d’ombres.

— Je parle comme quelqu’un qu’on est venu voler et que les voleurs continuent de maltraiter en accusant mon futur gendre de je ne sais quelle commission qui affecterait son intégrité…

— Si madame a quelque chose à dire, qu’elle le dise, » fit Chico Chica en caressant la joue de sa compagne.

Elle parut soulagée et aussitôt se vit dans un miroir qui lui conseilla de changer de comportement, voire d’apparence. Elle était douée, la petite ! Chico Chica s’en vantait en évoquant la moustache. Curieusement, nous ne savions rien de ce qu’elle ornait de ses guidons. Certes, je ne savais pas pour les autres, mais je ne voyais aucun inconvénient à en parler en attendant d’entrer dans le vif du sujet. Surgères consulta sa montre comme il le fait souvent quand l’heure de l’apéro ne s’annonce toujours pas par quelque signe familier. Chercos se taisait, car il savait que Chiquita était digne de ses moustaches. Elle ouvrit sa bouche colorée :

« Ce monsieur a tué sa dame…

— Juliette ! »

J’avais d’autres cris à la disposition de l’assistance, mais ce fut celui-là qui sortit de ma bouche. Chercos, qui avait déjà nourri des doutes à ce sujet (n’étais-je pas le « dernier à l’avoir vue vivante » ?) évita de croiser mon regard de bête sur le point d’être traquée au pied d’un mur. Je minaudai :

« Tuer Juliette ? Mais elle n’a pas eu besoin de moi ! Tuer, si vous voulez… mais c’est comme cause… pas plus qu’une cause… Je veux bien le reconnaître… J’y ai beaucoup songé, figurez-vous… Ses parents ne m’ont pas pardonné… Et c’est comme ça que je me suis retrouvé dehors car… comme vous le savez tous… je n’ai jamais travaillé… au sens où vous l’entendez… vous… que vous soyez salarié ou… rentier… épouse… oui… j’étais l’épouse de Juliette… cela vous fait rire, Catherine… ? »

Hélène avait l’air épouvantée par mes propos. Ou par leur confusion. Comment savoir quand on a perdu les moyens de savoir ? Catherine retenait un rire que je perçus comme une douleur, de cette douleur qu’il est impossible de qualifier sans tomber dans les griffes de la vérité. Ô préciosité des instants de malheur !

« Autrement dit on s’en fout ! gronda Surgères en brandissant un glaive fictif qui, s’il ne l’avait été, eût servi d’instrument à son propre sens de la justice familiale.

— Ils n’ont rien dans les poches, dit Roger Russel qui voulait maintenant les sauver.

— Il faut bien s’y résoudre, regretta Surgères derrière son bouclier.

— Ils ne peuvent pas non plus reprendre la route, dit Chercos. On est coincé dans ce maudit… »

Surgères agita un cordon qui fit surgir la domesticité.

« Je suppose qu’on ne peut pas les ligoter et les jeter à la cave en attendant que l’eau se retire…

— Surtout pas la cave ! L’eau continue de monter !

— Quelle vision d’enfer ! Nous pourrions disparaître ainsi…

— Un jour peut-être… Mais il n’est pas encore venu.

— L’eau avance dans les allées, monsieur… »

Nous étions tous sur le perron principal, entre deux statues qui exposaient leur nudité olympique à une pluie fine mais rageuse. On avait l’impression d’être soumis à une colère que chacun expliquait à sa manière. Si tous les anges se ressemblent, les démons ne se distinguent pas de nous.

 

*

 

« Tu t’en es bien sorti, » me dit Chico Chica.

Il voulait parler du château, d’Hélène, du vin et même de la future belle-mère qui ne lui déplaisait pas, tant physiquement que du côté de ce qu’il appelait la pensance. Il avait toujours bien vécu, dans les limites qui lui étaient imposées par la chance. Maintenant il vivait une extraordinaire aventure intellectuelle avec Chiquita. L’idée des moustaches était de lui. Je m’en doutais. Nous n’avions pas vécu ensemble assez de temps pour se connaître à fond, mais on en savait assez l’un sur l’autre pour ne pas se laisser tromper par les apparences. C’était le premier nain de mon existence. J’étais loin de penser qu’il y en aurait un autre.

 

 

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