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Hypocrisies - Égoïsmes *
LIVRE II - I - Voyage avec Alice - C’est Alfred Tulipe qui parle

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 Article publié le 9 octobre 2022.

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LIVRE II

Voyage avec Alice

C’est Alfred Tulipe qui parle

I

Autant que je me souvienne, ça ne s’est pas passé à l’automne… C’était plutôt le printemps. Presque l’été peut-être. L’hiver était bel et bien terminé. Cette année-là encore, j’étais venu accompagné, mais elle était repartie le lendemain de notre arrivée. Je me suis retrouvé seul dans cette grande maison. Personne pour s’occuper de mes repas et de l’hygiène. Au bout d’une semaine, mon intérieur provisoire était sens dessus-dessous. J’ai décidé de ne plus cuisiner ou en tout cas de ne plus tenter de pallier le défaut de cuisinière. Et je me suis limité à un repas par jour. Cinq ou six kilomètres en vélo sur un chemin tantôt hérissé de cailloux propices aux crevaisons, tantôt assez boueux pour interdire l’équilibre nécessaire. J’arrivais au resto du coin dans un état d’irritation que la patronne qualifiait d’exagéré. Après tout, j’étais en vacances. La salle à manger donnait sur la rivière qu’on pouvait entendre sans avoir besoin de tendre l’oreille. Ses flots rageaient dans les rochers aussi immobiles que des sentinelles têtues. Plus loin, un vieux pont de pierres jaunes transportait des véhicules d’un autre âge. J’ai toujours ressenti cette crainte de ne pas retourner chez moi une fois achevé ces séjours non pas de vacances comme le supposait la patronne, mais de labeur aussi intense que celui d’un maçon ou d’un terrassier. Je passais le mois de juin à écrire du matin au soir. J’avais besoin de cette exultation rituelle. Une fois par an, pas plus. Un mois en compagnie de la femme du moment, belle et utile, je veux dire agréable à regarder et à toucher et pas ennemie des travaux ménagers. Sa présence peuplait mes jours et mes nuits d’impatiences toujours satisfaites d’une manière ou d’une autre. Mais cette année-là, l’année où j’ai rencontré celui qui se faisait appeler Julien Magloire, elle avait pris la poudre d’escampette en me reprochant de l’avoir trompée sur mes véritables intentions. Je l’avais accompagnée sur la route où le taxi l’attendait. Nous nous étions promis de nous revoir, mais « dans d’autres circonstances ». Il y avait toutes les chances pour qu’on se revît, parce qu’on travaillait dans le même bureau parisien. J’en connaissais quelques-unes dans le genre, ou plutôt toutes savaient ce que je valais en matière de vacances de rêve à la campagne, à un moment où le temps vire au vent et à la pluie, nous contraignant à nous tenir bien au chaud à l’intérieur, chacun occupé à satisfaire des désirs inassouvis depuis longtemps. Mais je passais le plus clair de mon temps à écrire, exactement comme je me l’étais promis pendant toute l’année écoulée depuis le dernier séjour. On aurait dit qu’elles voulaient savoir ce qu’il en était, de mon rêve d’écrivain, et elles revenaient déçues et critiques ou alors filaient à l’anglaise en me laissant un mot sur la table de la cuisine. Cette fois, elle n’avait pas attendu longtemps avant de fuir je ne savais où. Et la maison était devenue un enfer de poussière, de traces de pas et de draps humides et froissés. Mais la patronne du petit restaurant ni pittoresque ni excellent me nourrissait comme si j’étais son fils revenu de la guerre avec un bras ou autre chose en moins.

La maison est connue pour avoir été une scène de crime, mais jamais aucun revenant ne la hanta, malgré les désirs secrets du voisinage qui passait forcément devant pour aller aux emplettes, à une cinquantaine de mètres de la fenêtre de la cuisine où je me postais de temps en temps pour les observer. Je n’aime pas les gens. Je ne les ai jamais aimés, ce qui explique sans doute mon peu de goût pour les personnages et leurs histoires de famille ou de guerre. Je ne sais toujours pas si on peut appeler personnage un narrateur qui ne parle que de lui, réduisant les autres à leur utilité de personnages moins nécessaires au récit, mais difficilement abstraits. Il faut dire que je ne cherche pas à publier mes écrits. J’en parle, certes, mais seulement pour meubler à mon goût des conversations oiseuses qui expliquent aussi bien la haine que je porte à leurs acteurs. Elle m’a soudain dévisagé en écrasant son mégot sur le bord d’une assiette :

« Je ne vais pas pouvoir rester longtemps, dit-elle. Je ne te l’ai pas dit mais…

— Ta grand-mère est malade…

— Ce n’est pas ça, idiot ! C’est… C’est l’angoisse…

— Tu ne consultes pas… ?

— Idiot ! J’ai bien peur de ne pas pouvoir supporter…

— On a bien choisi le jour pour arriver… La prochaine fois, on se fiera au bulletin météo. C’est la première fois qu’on me parle de la pluie et du beau temps dès le premier jour…

— Je n’ai pas réfléchi… J’aurais dû… Je m’en vais…

— Sans manger ! Le frigo est plein. Vérifie.

— Tu te débrouilleras sans moi. Appelle un taxi. J’ai du mal à respirer.

— Je vais ouvrir la fenêtre ! »

Et c’est ce que j’ai fait. Le vent a arrosé le dallage noir et blanc et elle a remonté ses pies nus pour les poser sur un barreau de la chaise qui craquait sous elle, de vieillesse et d’abandon. Maintenant, elle avait froid. Ça la rendait encore plus nerveuse. Elle craignait qu’avec cette pluie, aucun taxi ne consentirait à se déplacer pour elle. Elle allait partir sans même profiter des motifs végétaux de la tapisserie qui enfermait la chambre dans un univers d’entrelacements et de déchirures. Je n’avais pas encore pris le temps d’en ouvrir la porte puis les fenêtres donnant sur un balcon à la limite de l’équilibre. Il faudrait y arracher le lierre et vérifier l’état de la rambarde de fer forgé. Elle ne connaissait pas ce rituel du retour à la case départ. Car, figurez-vous, c’est dans cet endroit en principe inhabité depuis des générations que j’avais commencé à imaginer que je pouvais vivre autrement qu’en employé du mouvement général impliqué par nos modes de survie. Elle ne prenait même pas le temps de m’écouter. Elle n’était pas venue pour ça. Je ne connaissais rien d’elle, à part ses suées et ses rires entre le bureau et la cafétéria, tandis que je la poursuivais pour jeter un œil sous sa jupe. J’avais certes atteint la culotte, mais sans aller plus loin que la plaisanterie, gorge nouée par le désir et par les idées qu’il me soumettait dans la perspective de mon prochain séjour à la campagne. Jamais la femme ne s’était aussi vite décidée à me laisser tomber entre la cheminée et le seuil taillé à même la roche affleurant. J’ai tout de même consenti à l’accompagner, sous la pluie, tenant en l’air un couvercle de bédoucette pour abriter sa coiffure retravaillée au fer la veille même de notre départ. Ses vêtements, légers et inutiles, lui collaient à la peau. Elle allait tremper le siège du taxi, mais je supposais que le chauffeur n’y verrait pas d’inconvénient, car les cuisses avaient acquis une brillance de magazine et la pointe des seins formaient les plis d’un V parfait jusqu’en bas. Voilà comment et pourquoi je me suis retrouvé seul cette année-là, contraint d’aller manger dans une assiette de restaurant qui allait grever mon budget sans m’offrir l’occasion de pallier le manque intolérable de compagnie. Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé…

Remarquez bien, puisque vous êtes là et que c’est l’heure de la perquisition, que je n’ai jamais exercé aucune des professions dites littéraires : ni romancier, ni poète, ni essayiste, ni rien en rapport avec la scène et ses orchestres, ses balcons et ses soirées dansantes. Le genre épistolaire me semble être le seul adapté aux exigences de l’écriture. Si je me fiche des personnages, comme je l’ai dit, et des histoires qu’ils colportent pour brouiller les pistes et seulement dans cette perspective, je m’en tiens toutefois aux lieux, les passages comme les séjours, et j’écris des lettres. À qui ? Mais à personne. J’ai dit que je ne publie pas. J’ai mes raisons pour ça. Elles peupleront le présent texte qui, hélas, et à votre demande, est un récit, de la pire espèce d’ailleurs ! Mes modèles sont madame de Sévigné et Guez de Balzac, mais sans destinataires. Je garde tout pour moi, presque jalousement, et vous finirez bien par en connaître les raisons (sinon à quoi ça sert que je me décarcasse ?) Un mois entier et plus (cinq semaines) consacré à une correspondance sans timbre ni cachet. Est-ce que je lui demande de m’assister autrement qu’en existant quand j’ai besoin de sa chair et de son savoir-faire ? Ma conversation, en prime, n’est pas la plus désagréable, comme vous êtes en train de l’apprécier. Mais cette fois, elle s’est envolée sans laisser de traces et en une semaine à peine, j’ai dû me résoudre à changer, non pas mes habitudes, mais leur rituel longtemps et longuement éprouvé au fil des années de pratique épistolaire. Et me voilà assis à une table de restaurant, le nez au-dessus du cassoulet fumant ou des lentilles à la saucisse de mouton, le fameux tripotxe que je vous recommande si vous avez du temps à consacrer à mon malheur plutôt qu’à mes actes.

Autant vous le dire : pendant cette première semaine (une de moins !) je n’ai pas écrit un mot. Je n’en ai pas pris le temps. Je n’en ai pas éprouvé le désir. La mallette qui contient mes proses récentes (donc de l’année dernière à la même époque) est restée fermée, les clés négligemment jetées dans le fauteuil qui jouxte le secrétaire. Elle n’avait pas pris le temps de dépoussiérer ces surfaces qui nécessitaient aussi le chiffon imprégné de cire et de térébenthine. Le lit ouvert, je ne l’ai pas refermé. La fenêtre ouverte, certes, mais les volets clos. Le miroir d’une grande armoire me suit à la trace. Je ne sors pas de cette chambre sans m’y voir, sans doute tel que je suis à ce moment-là, mais loin de l’homme que je sais être quand je m’éloigne des autres, non sans compagnie utile et agréable. Entre le lecteur qui pratique scrupuleusement les détails véridiques de la vie quotidienne la moins extraordinaire et celui qui se noie dans les vortex de l’imagination réduite à des solutions sans véritables problèmes, il n’y a pas de place pour moi. L’étranger n’est pas le produit d’une situation absurde, mais des circonstances liées à la naissance et aux aléas inévitables, comme si le hasard était la seule règle du jeu. Je ne souhaite à personne de se voir un jour abandonné à ce point ! J’ai regardé le taxi s’éloigner. Pas un signe de la main à travers la portière ou un coup de klaxon commandé au chauffeur comme prolégomènes à de coupables aventures pré-estivale. La pluie, rien que la pluie crépitant sur le couvercle de la bédoucette que le vent veut m’arracher des mains pour me soumettre tout entier aux exigences du temps qu’il fait ou ne fait pas selon je ne sais toujours pas quelle théorie de l’existence. Je me faisais l’impression d’un oisillon tombé du nid en l’absence de ses parents occupés à trouver de quoi le nourrir sans perdre de vue les plaisirs annexes du voyage. Je suis rentré avec l’averse. J’ai piétiné cette flaque. Et je me suis jeté dans le lit sans lumière ni cri. Je n’avais plus l’âge de me soumettre aux difficultés relationnelles rien que pour en mesurer l’importance vitale et en écrire quelque chose de pas bête du tout. En général on ne laisse pas au lecteur le soin d’imaginer ce qui s’est passé ensuite, mais…

Heureusement, le frigo était plein. C’était dans le contrat. J’ai avalé en deux jours la viande hachée, bien salée et poivrée, aillée, crue et glacée, à même les barquettes finalement entassées dans une poubelle prévue pour un jour d’activité alimentaire. Comme je ne chasse pas, j’ai fouillé dans le matériel de pêche qu’une floppée d’anciens propriétaires et locataires avaient accumulé à la cave sur des étagères couvertes de toiles d’araignées. Ça a l’air con dit comme ça, mais j’ai pris le temps de choisir un équipement adapté à la pêche au goujon. J’en ai disposé les éléments sur le formica bleu de la table de la cuisine et, armé d’un croc, je suis sorti pour creuser la terre à la recherche de vers, de larves et d’autres débris pouvant servir d’appâts. Ceci sous une pluie d’enfer. Le vent tournait autour de la maison et revenait s’abattre sur mon dos penché comme celui d’un paysan condamné à ne rien faire d’autre de sa vie et de ses doigts. J’en pleurais. Une boîte de conserve rouillée, qui avait déjà servi dans ce sens, reçut mes découvertes agitées. Il n’y a pas de meilleure complice du pêcheur que la pluie et la grisaille qui l’accompagne toujours au printemps, à moins que le soleil ne soit de la partie, ce qui m’eût inspiré des idées de suicide. Je veux bien être seul, mais pas sans quelqu’un. J’ai besoin de cette présence et de ses travaux. Or, le chat était crevé depuis longtemps. Il me visitait tous les jours, naguère. Ainsi, les poissons disparaissaient totalement, sans nourrir la terre du jardin. Je savais qu’au premier coup de binette leurs os blancs et symétriques reviendraient me hanter comme si j’étais l’auteur de cette composition sinistre mais nourricière. Mais la pluie me harcelait. Le vent m’éloignait ou tentait de s’y employer. J’avais laissé la porte ouverte et elle claquait. L’eau ruisselait sur la pierre du perron, formant de petits torrents rageurs sur les marches dont les fissures giclaient elles aussi mais d’une eau presque noire. Je ne sais pas s’il vous est arrivé de pleurer alors que l’orage s’avance de plus en plus précisément, mais c’est toujours une expérience aussi douloureuse que celle que nous réserve la chute. On ne sait jamais sur quoi on va tomber. On a tout juste le temps de s’apercevoir qu’on n’est pas seul, qu’on nous regarde et que le spectacle sera applaudi tandis que la honte ou autre chose vous emporte dans les coulisses de votre histoire. Je n’ai décidé d’aller me sustenter au restaurant qu’une fois le frigo vide et gratté à l’ongle. Le soleil était au rendez-vous. Une chance. Le chemin était en cours de séchage, sa boue se cristallisait encore. De petits filets d’eau, opiniâtres et craintifs, fuyaient sous la broussaille et dans les fossés. L’ombre projetée valait les contrastes autorisés par la lumière verticale. Le vent avait cédé sa place à l’air qui remuait des ailes discrètes de branche en branche. On ne peut pas être plus guilleret après avoir connu les néants du désespoir. Le désistement de ma fée du logis allait me coûter une bonne semaine à soustraire donc aux congés. J’en rageais mais sans bave. Le restaurant n’avait rien d’agréable ni de pittoresque. Sa tonnelle de vigne vierge gouttait encore et tables et chaises demeuraient penchées, visitées seulement par des insectes assoiffés qui n’avaient pas profité de la pluie comme j’en avais subi les assauts. On m’attendait. La patronne, grasse et soyeuse, m’accueillit sans enthousiasme. J’arrivais « un peu à l’avance ». L’odeur cinglante du ragoût semblait sortir des meubles et des murs, des poutres noires de suie et des plâtres crevassés. Même le tablier outrageusement fleuri de la maîtresse des lieux en était imprégné, quoique je ne fusse pas invité à fourrer mon nez dans cette poche copieuse. Un martini tiède et nu était censé me convertir à la patience. Il n’y avait rien de nouveau sous ce toit de tuiles romaines mangées par les mousses. Et il fallait se résoudre à ne jamais y rencontrer la nouveauté tant utile à l’esprit quand il a cessé de penser à autre chose qu’à revenir sans se mêler de ce qui ne le regarde pas. Deux martinis du même tonneau, avec l’ajout judicieux d’une pincée de poudre de perlimpinpin, m’autorisèrent enfin quelques visions moins tragiques de la vie. Une de ces créatures ni femme ni enfant était assise sur un haut tabouret, les coudes sur le comptoir reluisant de frottements butés. Je voyais aussi son visage dans le miroir entre les bouteilles et les verres suspendus. C’est lui qui me donna clairement l’âge de cet être surgi de mon imagination quelque peu conditionnée. Les hanches étaient étroites mais la taille fine. Elle exhibait des épaules fragiles, mais les bras étaient musclés tout aussi finement. Je jetai un regard circulaire sans rencontrer personne qui pût expliquer cette présence. Dehors, aucune voiture sous les arbres. Je me dépliai un peu comme on s’approche d’un écran. Elle ne me voyait pas. L’ombre des arbres qui poussaient derrière la baie vitrée qui voisinait ma table me dissimulait à ce point. Je commandai un autre martini. La patronne s’activa. La fille se retourna, exposant cette fois des jambes aussi nues que ses bras, croisées jusqu’au coup de pied derrière le mollet. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’elle écrasait ainsi son petit « bijou noir et rose ». Elle me sourit.

« Le temps s’est enfin mis au beau, dis-je en recevant le nouveau verre cette fois orné d’une tranche de citron (il y flottait aussi une olive).

— Ça ne va pas durer ! hennit la patronne. C’est toujours la même chose à cette époque. Le soleil ne s’est pas encore décidé à nous mettre en condition de profiter de l’été ! »

Elle rit (la patronne). La fille se contenta de sourire et reprit sa position initiale, telle que je l’avais créée. Je ne doutais pas un instant qu’elle ne fût que le produit de mes tentations cérébrales du moment. Je scrutai cette fois l’extérieur avec plus de sagacité. Personne à l’horizon. Mon cerveau n’en était pas là, pas encore… Une autre pincée troubla le brun liquide qui, d’une goulée avide, me tourmenta jusqu’aux larmes. Si cette fille était aussi réelle qu’elle en avait l’air, elle n’était pas tombée du ciel non plus. Elle buvait un café, le touillant avec nonchalance, comme si elle n’attendait rien et que j’étais le seul à espérer un dénouement. La patronne ne se montrait ni discrète ni ostensiblement intéressée par la scène qui pourtant s’offrait à moi et à mon désir d’en profiter. Pourtant, elle prit la parole, au bout d’un temps que je serais bien incapable de mesurer aujourd’hui mais qui me parut terriblement long comme si c’était d’elle que j’attendais la solution à ce qui me paraissait relever de l’énigme pure. Et sans cesser de torchonner les verres que je venais de vider, elle dit :

« Mais c’est que vous êtes voisins… vous deux… si je ne me trompe pas… ?

— Comment pourriez-vous vous tromper ? dit la fille d’une voix plus acide que ma langue.

— C’est bien ce que je dis. Monsieur Tulipe, que vous voyez là, a loué la maison qui se trouve en amont de celle que vous occupez vous-mêmes et vos amis avec la permission de Charlotte… qui est d’ailleurs sa… cousine… »

La fille sauta à pieds joints de son tabouret et s’avança entre les tables dans ma direction. Elle avait abandonné sa tasse de café sur le comptoir. La patronne observait la scène dans la courbe du robinet qui coulait devant elle. J’étais collé à ma chaise :

« Vous prendrez bien quelque chose… bredouillai-je.

— Un martini moi aussi. J’en bois tous les jours.

— Ici… ?

— À la même heure… Pas vrai, madame… ?

— Vous déjeunerez ensemble, dit la patronne. Veau en sauce au menu…

— Je ne viens jamais à cette heure, précisai-je comme si le besoin s’en faisait sentir.

— Ce qui explique qu’on ne se soit jamais rencontré…

— Ainsi… vous habitez chez Charlotte…

— Votre cousine… ? Quelle coïncidence…

— Je ne vois pas avec quoi ça coïncide… dis-je sans pouvoir dissimuler une petite irritation.

— Moi non plus ! Vous êtes…

— Tulipe… Alfred Tulipe… en vacances…

— Comme chaque année à la même époque ! Oh… ils ne se parlent pas beaucoup lui et Charlotte… n’est-ce pas, monsieur Tulipe… ?

— Tulipe… ? Comme la fleur… ?

— Cela vient du turc, turban… Mais sans racines turques… à ma connaissance…

— Vous n’aimez pas les Turcs… ?

— N’allez pas croire que…

— Ça ne me regarde pas. Ah ! les voilà ! Je vous laisse ! À demain… »

Se levant d’un bond, filant entre les tables dans l’autre direction, puis se retournant pour dire :

« À la même heure ! »

Une voiture l’attendait dans la cour, ayant descendu la pente depuis la route. La poussière du gravier retomba. Le soleil commençait à taper durement sur la contrée. Mais la patronne, assise à ma table, juste en face de moi, accompagnait mon repas d’informations qui manquaient à ma connaissance de l’historique de la famille dont j’étais un des pions. Assez éloigné cependant pour ne pas jouer avec eux. Ils n’avaient rien à craindre de moi.

Je ne sais pas, vous, mais moi, c’est les oiseaux. De ma fenêtre, à Paris ou ici, je les observe d’aussi près que je peux. J’ai acquis patiemment cette connaissance particulière des limites à ne pas dépasser si ce qu’on veut, c’est savoir. Ce qui se passe ensuite n’a pas d’importance. Une tourterelle de profil à l’angle d’un toit, je ne risque pas d’en voir ici, à Castelpu. La maison est isolée, bordée par un pré au Nord et les bois l’enferment du côté de la route et de la rivière. Aucun toit à l’horizon. Les oiseaux se posent dans les arbres ou sur la vieille clôture dont les piquets se penchent un peu plus chaque année. Je ne m’approche que rarement de ces fils, mais les hirondelles, paraît-il, n’en négligent pas la rouille ni la patine. La maison est vide quand je n’y suis pas. Personne n’y vient, même pour l’entretien des abords. Nous (la femme et moi) devons d’abord traverser des herbes hautes peuplées de fleurs et d’insectes. On ne peut pas voir les marches du perron, mais le seuil, émergé de la terre, surmonte ces sommets bourdonnants. Le soleil en lumière rasante, parce que c’est le matin et que nous avons voyagé toute la nuit. Pourquoi ? Je vous le demande ! À midi, elle s’était envolée et j’ai su que j’allais plonger dans le malheur… qui n’est pas de l’angoisse… au contraire il m’inspire… et je me vois en train de pourrir sous la terre de mes ancêtres, les Tulipe… qui n’ont jamais été que les domestiques des Surgères… mais bon… ça, c’est une autre histoire… Après une semaine de ce régime masturbatoire, la nourriture manque et je me retrouve attablé sous la tonnelle du seul restaurant du coin, rien de touristique, quelques ouvriers employés par l’État y fêtent goulûment la méridienne, levant le coude toujours plus haut jusqu’au pousse-café qui achève les conversations en brouhaha. Je n’aime pas cette compagnie. Je ne les salue même pas. Je suis tourné vers la baie vitrée que la pluie harcèle de grosses gouttes et j’attends qu’elle revienne. La patronne, entre deux tapes sur le cul, a bien envie de me faire savoir qu’elle ne vient pas les jours de pluie. Ou alors il faut que le temps promette de se mettre au beau. Qui est-elle ? Une apparition, juste au moment où l’ami Pedro Phile est libéré, ayant purgé sa peine, sans doute prêt à recommencer, avec les mêmes de préférence. Mais quelques-uns sont morts.

« Vous allez rentrer sous la pluie, me dit la patronne (le calme est revenu dans la salle à manger). Vous êtes à vélo… ? Lucien ne rentrera pas ce soir. Il a affaire. Comme c’est le cas une fois par semaine. Oh ce n’est pas que je m’inquiète…

— La route est tout de même assez éloignée de la maison… Je pourrais venir en barque… Je n’en ai pas vérifié l’état… Il me faudra quelqu’un pour la mettre à l’eau…

— Il faudra attendre le retour de… »

Conversation qui fond comme le sucre de mon absinthe. Elle disparaît elle aussi. L’orage malmène les bois. On entend distinctement les changements de rythme de la rivière. Pas d’angoisse en ce début d’après-midi. Le malheur sur la vitre, ruisselant. En rester là une bonne fois pour toutes. Le retour de Pedro Phile est attendu, dit-on. Pour lui aussi ce n’est qu’un lieu de villégiature. Mais si on prenait la peine de fouiller sa maison et ses alentours toujours entretenus comme s’il ne l’avait pas quittée, on finirait par tomber sur le pactole, source jaillissante d’un bonheur qui lui a valu quelques années d’enfermement, d’abord avec les gens de son espèce puis avec des fous qu’il a entretenus avant d’habiter avec eux. Toutes ces histoires qu’on finira par oublier parce que la fiction télévisée propose mieux et moins cher. Lucien était sur la route pour ses affaires… Ça me faisait une belle jambe. Impossible de pratiquer la bicyclette sur les chemins par un temps pareil. Même la rivière est impossible. Mais je ne pouvais pas rester là à siroter du café et des fleurs en attendant que la tempête aille se faire voir ailleurs. Quel spectacle à deux sous ! Le gravier avait disparu sous la flaque. On ne voyait plus la route. Les arbres se penchaient docilement. La baie vitrée paraissait subir les assauts du vent sans garantie d’y résister. La patronne revenait avec une serpillière et j’entendais ces glissements et les frottements de ses mules de caoutchouc. Nue, elle m’aurait sans doute inspiré. Mais elle portait cette robe à boutons qui sert de tablier, avec une poche de chaque côté et une ceinture nouée en papillon. Passé un certain âge, elles ne valent plus rien. Elles servent à quelque chose, mais elles ne font plus rêver. Je suppose qu’on leur renvoie les mêmes dispositions d’esprit face au temps qui ne passe pas sans usure, laquelle il ne faut pas comprendre avec la patine, laquelle appartient à la littérature. Mais la littérature qui ne sert pas les fictions animées n’a aucune chance de finir dans les livres. Lucien ne lit pas de littérature. Il n’a pas le temps.

« Quant à moi, malheureuse comme je suis et que j’ai toujours été, je me demande ce que j’attends, té ! »

Une fois la barque mise à l’eau, je descendrai la rivière. Dix minutes d’une navigation sans aventure, sauf si la clochette de ma canne (hou ! hou ! hou !) se met à tintinnabuler. J’ai souvent ramené du gros dans ces circonstances, mais je n’avais aucun projet de voyeurisme ni de rencontre faussement fortuite. J’ai toujours descendu la rivière en sachant que je pouvais la remonter sous la poussée d’un hors-bord révisé par Lucien qui ne cède pas devant la difficulté si jamais elle ose se présenter à lui. Le moteur sera au point et le jerrican plein jusqu’au bouchon. Des lombrics rendus fous dans une boîte de conserve, toujours la même. Mais cette fois, je passerais devant la maison de Charlotte, ne pouvant en voir que la toiture grise au-dessus des acacias en fleurs, et la petite plage de galets sera tout à moi, tout à mes yeux conçus pour jouir du spectacle d’Alice (je vous l’apprends : elle s’appelait Alice) toute nue comme quelques témoins d’ailleurs discrets l’avaient observée par beau temps et au moment où le soleil, oblique à ce moment-là, profite d’une percée dans le bois de hêtres pour y glisser une lumière de bronzage garanti. Peau chercheuse d’une couleur répartie uniformément sur toute la surface. On parlait de poils roux, presque rouges, alors qu’elle secouait une chevelure aussi blonde que l’or de Pedro. J’en bavais derrière la baie vitrée, ou devant si jamais l’intérieur c’est à l’extérieur qu’il faut le trouver.

Une semaine et des poussières avait déjà passé. Moins une semaine perdue dans le budget à cause du caprice de ma parisienne. Restait moins de trois. Vingt jours au mieux. Vingt repas chez Lucienne. Divisés par le nombre constant des fonctionnaires territoriaux fidèles à leur emploi de la journée travaillée. Moins le temps perdu à attendre que Lucien revienne pour m’aider à mettre la barque à l’eau et surtout à réviser ce maudit moteur qui commence toujours par tousser et qui s’enrhume ensuite comme s’il allait passer le reste du temps au lit. Il y a ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas… Taratata ! Si j’avais attendu que la pluie renonce à son projet d’inondation, jamais je n’aurais au moins tenté de revoir cette Alice qui promettait merveilles et monts. Mais si la pluie continuait de tomber avec constance, je ne la verrais pas toute nue, en tout cas pas sur la petite plage de galets. Charlotte n’habitait plus la maison et je ne connaissais pas ces gens. Elle était accompagnée d’un type qui portait un chapeau et fumait des cigares longs comme le bras. Et on ne savait pour quelle raison, sa sœur jumelle et cet autre type qui ressemblait à Tee Hee avait renoncé à un voyage organisé quelque part au Sud de l’Italie. Les nouvelles allaient vite, mais il aurait fallu expliquer longtemps pour en comprendre toute la portée. Je haïssais la pluie depuis longtemps, mais sans raisons précises, poétiquement je dirais. Cette fois, le doute ne me harcelait plus en plein sommeil. Je savais à quoi m’en tenir ! Et je m’y tenais, couvert des pieds à la tête d’un imperméable de laboureur d’antan ou protégé par le verre ruisselant des vitres ou de la baie qui illustrait mes attentes. Le soleil avait rendez-vous avec la lune, mais la nuit ne tombait pas et le rêve était à l’eau…

J’aurais pu en rire. Ce ne serait pas la première fois que mes vacances subissaient le poison de l’échec. Je m’étais préalablement épuisé à convaincre une femme de mon entourage (ce qui limitait la portée de l’action) à prendre ses semaines en juin, par temps de pluie probable et avec moi, celui qui était le sujet de maints témoignages pas toujours flamboyants. Travaux d’approche qui me poussaient dans les derniers retranchements de l’effort nécessaire. J’arrivais donc à Castelpu dans des dispositions fragiles, tant physiques que mentales. L’être que je pouvais être et paraître avec un peu plus de chance avait perdu le sens du spectacle et il n’était pas question de jouer la comédie avec une compagne provisoire qui recherchait plutôt l’authenticité. Le plaisir en prend forcément un coup. Mais, bon gré mal gré, je m’en étais toujours sorti avec les honneurs. L’une d’elle m’avait même offert une layette pouvant contenir mes couilles et supporter l’érection sans limite d’extension. Je collectionnais les godes et les médicaments de contrebande. Je ne me plaignais pas, même s’il m’arrivait de céder à une crise de larmes. Mais me retrouver ainsi sans solution à opposer aux circonstances contraires, jamais ça ne m’était arrivé ! Ou alors pas aussi nettement… Alice allait disparaître de ma vie si elle devenait un problème à résoudre. Griffonnant chaque jour mon petit agenda de poche, je ne fus pas longtemps à m’apercevoir que le temps allait me manquer. Aucun trophée ne m’attendait à l’arrivée. Si je revenais, je serais le plus solitaire des parisiens. Et je finirais mal… tel que je me connaissais.

Lucienne compatissait. Elle me nourrissait si copieusement que le sommeil achevait mes repas avant même la série des digestifs qui servait de conclusion à l’absurdité, sinon au grotesque de mes attentes. On a fini par s’accoupler dans un cagibi peuplé de serpillières. Debout, à la célinienne. Ses grosses cuisses de madone à l’équerre de deux étagères débarrassées de leurs ustensiles ménagers. On était loin de la fiction ! Mais entre deux coups assez rapprochés pour les écourter, nos conversations portaient sur le voisinage, matière strictement locale qui échappait à ma mémoire malgré mes origines certifiées. J’en appris peu, pas suffisamment, mais la pluie me sembla plus légère sur mon imperméable de saison. Un monde béni des romans s’offrait à moi. Pourtant, je n’en profitais pas, j’écrivais autre chose, je modelais une Alice dans la glaise qui collait à mes souliers. Lucienne eut-elle l’idée de mesurer l’impact de mes masturbations sur les performances que je concevais avec elle ? Lucien, revenu, s’employa à réviser le moteur, allant et venant entre la ville, distante et étrangère, pour en ramener des pièces de rechange et de quoi calfeutrer. Lucienne craignait que la pluie m’envoyât par le fond, car la barque n’était pas équipée d’un roof, même de toile. On évoqua ce roof autour d’une bouteille, laissant la nuit aux autres. Et la barque fut mise à l’eau sans protection. L’eau y monta. Je mis les pieds dedans. Et vogue la galère !

Je ne m’attendais pas à voir autre chose que la petite plage déserte et peut-être la toiture de la maison d’Alice si la brume le voulait bien. Mais j’avais besoin de cette espèce de victoire. Entre les aventures de Pym et les palmiers sauvages, toujours dans la traduction de Borges. Et en effet, battus par la pluie, les galets ne s’offrirent à mes yeux que ronds et lisses, sans autres reflets que les gouttes rendues folles par le vent prisonnier du rivage et des bois. J’avais jeté l’ancre pour épargner le réservoir, espérant pouvoir remettre le moteur en route, mais prévoyant de rentrer à la godille, s’il était humainement possible de remonter la rivière à la seule force du bras, lequel est parisien. Toujours pas d’angoisse en perspective à cette heure encore jouée dans le style des comédies. Le malheur pourtant me guettait et je me préparais à la tragédie de la noyade, sans issue de suicide, croyez-moi ! Mais comme il y a un bon dieu pour les ivrognes, je m’appelle Alfred et il n’a pas fallu une intervention surnaturelle pour couper court au mauvais temps et laisser toute la place aux jeux merveilleux du soleil qui connaît toujours son rôle si on le laisse jouer. Certes, la rivière ne se calmait pas. Au contraire, on aurait dit qu’elle avait l’intention de ne pas céder à la lumière ni à l’absence d’eau céleste. Elle rageait contre les flancs de mon esquif et je perdis ainsi mon unique aviron. Il fila comme un évadé, presque vertical dans l’eau qui bouillait autour de lui. L’ancre tenait bon. La chaîne était tendue à mort. Et je savais exactement ce qui se passerait si cette mort s’en prenait au maillon faible. L’aviron en témoignait, comme s’il était l’illustration de ma propre mort. Mais le soleil a toujours ce pouvoir merveilleux de mettre les gens dehors, joyeusement, enfants ou pas, et j’entendis leurs cris, les pieds frappant la surface des flaques avant de s’y remuer comme des frais dans les viviers. Ils approchaient. Alice n’était pas seule, hélas. Mais je la verrais. De loin, on s’étonnerait de me voir amarré en plein milieu de la rivière, dégoulinant et joyeux, les pieds dans l’eau sans manifester de souci relatif à la gîte, et les cris me parvenaient sans leur inquiétude, comme si j’allais être englouti malgré l’évidence de ma victoire sur le temps, ce temps qui m’avait presque détruit pour la première fois de ma vie. Il faut croire que j’avais changé depuis que je me connaissais. Mais ce n’était pas là le sujet de cet épisode situé à la limite du tragique. Alice entra dans l’eau jaune et tourmentée, soulevant puis ôtant sa robe, ses seins apparaissant puis plongeant dans les remous, sa tête fut comme giflée par une vague et elle disparut, ne laissant aucune trace à la surface. J’allais plonger à mon tour quand quelqu’un cria que je ne savais pas nager « moi non plus ! » J’avais jeté ma chemise dans les flots. Mon cri ne sortait pas. Je n’ai pas craint de mourir de cette façon horrible. Mais comment retrouver le corps d’Alice dans ce vortex ? M’y accrocher pour la première et dernière fois ? Ne pas la laisser seule dans la tragédie que j’avais provoquée. Il se trouverait toujours quelqu’un pour me le reprocher. Alors j’ai retenu mon souffle (ô ironie) et je me suis préparé à sauter dans cet inconnu aux conclusions banales à la fin. Alice a surgi, me retenant par la jambe (j’avais tout aussi ironiquement remonté celles de mon pantalon), penchée sur le plat-bord, tendant son autre main pour que je la saisisse. J’ai extrait un corps nu de cette eau en furie. Les cheveux collaient à ma propre peau. Je sentis contre ma poitrine les seins durs et les épaules tremblantes. Elle me contraignit à m’asseoir sur la banquette. Elle me parlait mais je ne l’entendais pas. Elle se dressait, nue et magnifique, les bras parcourus de frissons, la peau hérissée, hélant les autres qui s’agitaient sur la plage. C’est alors que son sexe s’est immobilisé devant mes yeux. Poils roux en effet, mais au lieu des lèvres fendant le bas-ventre, c’était une verge de mâle qui se dressait ! Étourdi par cette vision encore confuse, je levai les yeux pour revoir son visage et m’assurer que c’était bien elle qui me sauvait.

 

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